A la lettre, le décret se veut un acte de souveraineté ; à l’esprit, il résonne comme un aveu de dépossession.
L’on peut bien multiplier les textes, les injonctions et les symboles : une ordonnance ne restaure pas un État absent, pas plus qu’un décret ne ressuscite la puissance publique là où le les services élémentaires à la population ont disparus depuis des lustres.
Cette velléité normative, déployée dans le vide institutionnel de l’Est congolais, s’apparente à un coup d’épée dans l’eau, le geste est net, l’éclat apparent, mais la lame ne rencontre aucune matière où s’ancrer. Car que vaut un acte de droit là où le droit n’a plus de bras pour le défendre ?
La présidence congolaise semble ignorer, ou feindre d’ignorer, que la légitimité politique ne se décrète pas : elle se démontre par la présence effective, la sécurité des citoyens et la continuité de l’administration. Dans les territoires où la République n’est plus qu’un souvenir, la justice institutionnelle n’existe plus que sur le papier des ordonnances ; la loi, elle, s’exerce au bout du fusil. Ainsi, la signature présidentielle, si ferme qu’elle se veuille, s’évanouit dans l’air comme une promesse sans audience.
Il est dès lors permis de s’interroger sur la finalité d’un tel acte. S’agit-il d’un geste désespéré pour sauver la façade d’un État en miettes, ou d’un artifice communicationnel destiné à rassurer une opinion lassée de l’inaction ?
L’un et l’autre, sans doute. Mais à force de gouverner par symboles dans un espace miné par la réalité des faits armés, le pouvoir congolais risque de se condamner à n’être plus qu’un théâtre d’ombres, où les proclamations juridiques remplacent l’autorité réelle.
Ce qui se joue, en vérité, dépasse la simple portée d’une ordonnance : c’est le rapport du pouvoir au réel. Gouverner, ce n’est pas seulement édicter des textes, c’est inscrire ces textes dans une géographie effective, dans un territoire pacifié.
A cet égard, le contraste entre la légalité proclamée à Kinshasa et la légitimité exercée sur le terrain par les belligérants révèle crûment la fracture de l’État congolais. L’ordonnance présidentielle, loin d’affirmer la souveraineté, en souligne tragiquement l’érosion.
Alors que l’AFC/M23 exerce désormais, sur le terrain, l’effectivité du pouvoir tant sécuritaire que politique et administratif, Kinshasa s’enferme dans une gestuelle institutionnelle déconnectée, multipliant les proclamations sans portée et les ordonnances dénuées de toute prise sur le réel.
Tandis que les nouvelles autorités de fait organisent, administrent et contrôlent les territoires libérés, le pouvoir central s’abîme dans un verbe devenu inopérant, prononçant dans le vide des formules juridiques auxquelles plus personne ne prête l’oreille.
Ce contraste saisissant entre l’autorité exercée et la souveraineté prétendue illustre la faillite d’un État réduit à sa rhétorique, dont les actes n’ont plus d’écho que dans les salons du palais présidentiel, bien loin des réalités mouvantes de l’Est congolais.














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