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Ce surprenant M. Baudelaire

Redigé par Olga Ishimwe
Le 20 juillet 2017 à 01:17

150 ans après sa mort, le poète raffiné et exigeant des "Fleurs du mal" continue de nous ravir, et de nous mystifier. Qui était-il vraiment ?
Bon anniversaire, Charles. Cela fait cent cinquante ans que tu n’es plus, et comme les commémorations sont à la mode, tu as le droit à la tienne, au Point comme ailleurs. D’où ce dossier spécial que nous te consacrons sur le Point.fr. Certes, nous le savons bien, tu aurais détesté. Dandy jusqu’au bout des ongles, exigeant dans le choix de tes chemises comme dans (...)

150 ans après sa mort, le poète raffiné et exigeant des "Fleurs du mal" continue de nous ravir, et de nous mystifier. Qui était-il vraiment ?

Bon anniversaire, Charles. Cela fait cent cinquante ans que tu n’es plus, et comme les commémorations sont à la mode, tu as le droit à la tienne, au Point comme ailleurs. D’où ce dossier spécial que nous te consacrons sur le Point.fr. Certes, nous le savons bien, tu aurais détesté. Dandy jusqu’au bout des ongles, exigeant dans le choix de tes chemises comme dans celui de tes mots, tu aurais trouvé vulgaire et malséant que l’on salue ton départ d’ici-bas, même avec une salve de bravos et d’analyses louangeuses. Mais cet anniversaire, tu n’y couperas pas. L’occasion est trop belle de relire tes vers et de revenir sur ta vie, éternelle quête d’argent et d’amour, longue flânerie chaotique dont tu as su faire une œuvre.

Scandaleux, provocateur, affabulateur, tu as su le premier te nourrir de la société et des passions de ton temps pour créer la beauté. D’où cette poésie étonnamment moderne. « Moi, j’ai la lèvre humide, et je sais la science de perdre au fond d’un lit l’antique conscience. » Voilà des vers qui aujourd’hui n’effraient plus personne, mais qui en 1857 t’ont valu une condamnation pour outrage aux bonnes mœurs. Il est vrai que celle qui les prononçait était une dame dangereuse, qui « quand elle eut de mes os sucé toute la moelle,/ Et que languissamment je me tournai vers elle/ Pour lui rendre un baiser d’amour, je ne vis plus qu’une outre aux flancs gluants, toute pleine de pus ! » C’est beau, Les Métamorphoses du vampire, mais cela secoue une âme sensible d’un procureur. Le poème est l’un des sept censurés des Fleurs du mal, et l’un de ceux qui ont nourri ta réputation de débauché malsain.

« Un Boileau hystérique »

Ah, cette réputation ! Tu as cultivé ton image de poète scandaleux : ruiné, fauché, syphilitique, drogué et adorateur du Diable. Celui qui se méfie des bons sentiments ne croit ni à l’égalité et ni à la démocratie, n’aime ni les femmes ni les enfants (mais les chats, si !), et considère la peine de mort comme « une idée mystique qui a pour but de sauver spirituellement la société et le coupable ». « Obscurcissante légende », selon Marcel Proust, que tu as entretenue avec autant de soin que tes chemises. Mais tu en fais beaucoup moins que tu ne le laisses croire. Les bordels ? Le photographe Nadar dit que tu t’y montrais bien en retrait. Les douceurs illicites ? En fait, tu t’en méfies. Quant à ta détestation des pauvres, c’est surtout une pose. De même que Satan, avec qui tu joues plus que tu ne le vénères. Évidemment, avec toi, impossible de savoir quand tu dis vrai, ou faux. Même ton côté échevelé, hystérique n’est qu’un masque sur une rigueur qui tourne parfois à l’obsession.

En 1864, le critique Alcide Dusolier dit de toi que tu es un « Boileau hystérique ». Provocante, l’image fut reprise par beaucoup, car, comme le rappelle Marie-Christine Natta, ta biographe (Perrin, 2017) : « Tout Baudelaire en effet y était : la rigueur et l’audace, la tradition et la modernité, la fougue et la patience. » De cette alliance harmonieuse et féconde jaillit, selon elle, le charme inépuisable d’une œuvre qui a ouvert la voie aux modernes. Et nous séduit toujours. Peut-être parce qu’avant tout le monde, tu as su traduire en vers l’impact sur l’homme des transformations urbaines, des innovations technologiques et des mutations industrielles. Tu es, Charles, le poète de l’amour et du sexe, certes, mais aussi de la ville, de la foule, des becs de gaz, de la boue, des cloaques et des marges humaines.

Que créerais-tu aujourd’hui, à l’heure du cinéma et de la télévision, toi, le grand critique d’art, que les images fascinaient ? Que penserais-tu de la mondialisation qui permet autant la diffusion des cultures qu’elle les nivelle ? Que t’évoquerait notre société « politiquement correcte », toi qui détestais tant le prêt à penser ? Aurais-tu soutenu les lois du genre et le mariage pour tous ? Un admirateur de Virginie Despentes, le poète des « Lesbiennes » ? Et que penserais-tu de l’évolution de notre démocratie, toi qui, après un vague intérêt pour Fourrier et Proudhon, s’étais pris de passion pour Joseph de Maistre, le franc-maçon illuministe, chantre de la contre-révolution catholique ? C’est à toutes ces questions et bien d’autres qu’avec les plus grands spécialistes de Baudelaire, à commencer par Antoine Compagnon et André Guyaux, Le Point entend répondre, avec son nouveau hors série Baudelaire, de la collection « Les grandes biographies », et avec ce dossier spécial sur le Point.fr. Un peu de lumière sur une énigme.

Avec lepoint


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