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Mehdi Ba sort "7 Jours à Kigali", un film sur le génocide des tutsi

Redigé par IGIHE
Le 31 mars 2014 à 06:39

Mehdi Ba, journaliste français vient de sortir un documentaire intitulé "7 jours à Kigali" la semaine où le Rwanda a basculé dans l’horreur d’un génocide des Tutsi exécuté avec une vitesse hors normes. Son documentaire de 60 minutes ne rate aucun épisode de ce triste génocide du siècle dernier. Il lui échoit pour ce travail fait avec art le Prix du jury des jeunes-FIFDH Géneve 2014
L’auteur part de ce Mercredi 6 avril 1994, à 20h25 avec l’événement déclencheur de ce génocide.
Il montre comment un (...)

Mehdi Ba, journaliste français vient de sortir un documentaire intitulé "7 jours à Kigali" la semaine où le Rwanda a basculé dans l’horreur d’un génocide des Tutsi exécuté avec une vitesse hors normes. Son documentaire de 60 minutes ne rate aucun épisode de ce triste génocide du siècle dernier. Il lui échoit pour ce travail fait avec art le Prix du jury des jeunes-FIFDH Géneve 2014

L’auteur part de ce Mercredi 6 avril 1994, à 20h25 avec l’événement déclencheur de ce génocide.

Il montre comment un missile abat l’avion du Président hutu Juvénal Habyarimana alors qu’il amorce sa descente vers l’aéroport de Kigali. Puis l’embrasement qui suit immédiatement de la capitale rwandaise s’embrase.

Il va peindre les troupes d’élite de l’armée gouvernementale et les miliciens interahamwe liés aux partis extrémistes hutus qui quadrillent les rues pour, en quelques heures, assassiner les principaux responsables de l’opposition ainsi que les personnalités susceptibles d’assurer l’intérim du pouvoir.

La cinéaste transporte la scène sur toutes les collines peuplées de Kigali où des barrages sont érigées pour trier la population entre Hutus et Tutsis. Les seconds sont systématiquement assassinés, jusqu’aux nouveaux-nés.

Le temps que les habitants de Kigali comprennent qu’un plan méticuleusement organisé vient d’être mis en œuvre, il est déjà trop tard.
Le piège s’est refermé.

Le film raconte les sept premiers jours du génocide à travers le parcours de ceux qui les ont vécus. A l’aube de la 20e commémoration, des personnages clé sortent du silence pour relater jour par jour, heure par heure, leur plongée dans l’indicible.

IGIHE:Comment as-tu choisi tes intervenants ?

Mehdi Ba : Au point de départ de l’écriture de ce projet, je voulais proposer une vision “panoramique” de cette première semaine du génocide, sur le concept du film “choral” : plusieurs personnages dont les itinéraires et les destins s’entrecroisent. J’ai donc fait un premier casting théorique : un(e) journaliste occidental(e), un ou plusieurs rescapés, l’APR, le FPR, le camp des génocidaires, un expatrié européen, un militaire de la Minuar, un militaire de Silverback, un diplomate, etc…

Ensuite j’ai essayé de voir qui pouvait incarner ces personnages Là, ça s’est joué en fonction des gens que je connaissais déjà, des gens dont des personnes ressources me parlaient, des gens dont je connaissais l’existence sans toutefois les connaitre personnellement

Et puis quand le film a commencé à devenir concret il y a eu une contrainte évidente : on ne peut pas démultiplier les personnages à l’infini dans un film de 60 minutes. Globalement, les personnages que nous avons interviewés avec Jeremy Frey se rattachent à 5 catégories :

1) Des gens que je connaissais depuis pas mal d’années, du fait d’un intérêt commun pour le sujet et dont je savais que leur itinéraire était intéressant pour le film, comme Faustin Kagame ou Jean-Loup Denblyden.

2) Des gens dont je connaissais l’histoire de loin, sans en connaître les détails, et dont j’ai fait la connaissance tardivement. Comme Pierre et Yvonne Galinier, qui résident aux Pays-Bas. J’ai fait la connaissance de Pierre à Kigali en 2012. Quand il m’a donné quelques détails sur ce qu’ils avaient vécu en 1994, j’ai su que je voulais parler de leur histoire dans le film.

Yvonne Galinier

Pour Yvonne, le hasard a fait le reste. Elle était à Kigali en même temps que nous, en septembre 2013, lors du premier tournage. On s’est vu, on a parlé un peu, et on a compris avec Jeremy qu’il fallait que tous les deux soient dans le film. Le témoignage d’Yvonne face à la caméra a duré autour de quatre heures. Elle a déroulé son récit sans que j’aie besoin de la relancer. C’était un moment suspendu, hors du temps. Jeremy et moi en somme sortis “vidés”.

3) Pour certains personnages, c’est le feeling qui a joué. Par exemple l’ancien reporter-photographe Jacques Collet. Pour les journalistes présents à Kigali pendant la première semaine du génocide, plusieurs témoins étaient possibles. Mais quand on a débriefé Jacques lors d’un déjeuner à Kigali, fin 2013, on a été touchés par sa façon singulière de raconter ce qu’il avait vécu. On a donc dit : banco !

Idem pour Immaculée Mukandoli. Je l’ai rencontrée un jour par hasard chez une amie qui est sa nièce. Elle avait une présence incroyable, alors même qu’on ne pouvait pas échanger deux phrases faute de parler une langue commune. Je ne connaissais rien à son histoire en 1994 mais j’ai ressenti que je voulais qu’elle soit dans le film. Je ne l’ai pas regretté.

4) Pour d’autres témoins, il s’agit de personnalités que je connaissais du fait de leur rôle pendant les événements : James Kabarebe, de l’APR, Karel Kovanda, à l’époque ambassadeur de la République tchèque au Conseil de sécurité de l’ONU, ou encore Valérie Bemeriki, de la RTLM.

Entretien à la prison centrale de Kigali avec Isaac Nkubito, l’ancien président du MRND pour la commune de Kacyiru, condamné pour génocide. © Jeremy Frey

5) Enfin, pour la séquences consacrée à l’hôpital psychiatrique de Ndera, c’est la volonté de parler de cet épisode qui nous a conduit à aller chercher différents témoins concernés.

Comptes-tu montrer le film au Rwanda, après la Suisse, la Belgique et la France ?

Normalement une projection (sous-titrée en anglais) doit avoir lieu dans un cinéma à Kigali le 5 avril. Une fois sur place, je verrai également si la télévision rwandaise est intéressée.

Pourquoi était-ce important pour toi de faire ce genre de documentaire sur ce triste événement ?

Depuis 20 ans, je travaille sur le génocide des Tutsi du Rwanda, qui a marqué ma carrière de journaliste, d’auteur et d’éditeur. Depuis 1994, comme d’autres auteurs, je m’efforce de faire comprendre à un public français, européen, voire ouest-africain, que ce n’est pas une histoire de tribus qui s’entretuent mais un événement historique majeur et universel.

Pendant vingt ans, j’ai exclusivement écrit. Récemment, j’ai ressenti l’envie d’essayer d’en parler par l’image. Un documentaire télé impose des contraintes qu’on n’a pas à l’écrit, mais cela permet aussi de faire passer une émotion que l’écrit permet difficilement.

Mon intuition de départ était qu’on ne peut pas comprendre un événement lointain si l’on n’éprouve pas d’empathie pour ceux qui l’ont vécu. Pour ressentir cette empathie, il fallait que le spectateur puisse s’identifier à des individus incarnés, à des personnages.

Dans “7 jours à Kigali”, nous ne parlons pas “d’un million de morts en 100 jours”, ce qui est abstrait pour un Français, un Canadien ou un Sénégalais : dans notre film, le génocide a un visage, celui d’Yvonne, d’Immaculée, de Vénuste, de Pierre, de Jean-Loup, de Faustin… Même à plusieurs milliers de kilomètres, le spectateur peut s’identifier à ceux qui l’ont vécu.

On sent que tu connais bien le Rwanda. Quel lien entretiens-tu avec ce pays ?

En 1994, je n’en avais aucun : ni ami, ni famille, ni lien d’aucune sorte. Je suis rentré dans l’histoire du génocide en raison du rôle qu’y a joué la France, qui est mon pays. Vingt ans plus tard, je considère le Rwanda comme une “deuxième patrie”, et j’y compte beaucoup de personnes qui me sont chères.

Comment peut-on trouver ton film en DVD ?

La sortie DVD se fera ultérieurement. J’ai pas le timing encore, ça dépendra de la production.

As-tu une dernière chose à ajouter ?

L’enjeu du film, pour moi, le principal défi qui se posait, était que je le destinais en priorité à un public non-rwandais, qu’il soit occidental ou africain – les Rwandais connaissent leur histoire mieux que personne, je n’ai rien à leur apprendre à ce sujet. Mais bien sûr, j’aurais eu du mal à me regarder dans la glace si les Rwandais en général et les rescapés en particulier ne s’y étaient pas reconnus. Des premiers échos que nous recevons, il semble que le pari soit tenu car les commentaires sont encourageants chez ces deux publics. C’est ma principale fierté.

Propos recueillis par Karirima Ngarambe Aimable


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