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“Rwanda, la vie après” : l’horreur en face et sur Arte

Redigé par IGIHE
Le 18 mars 2015 à 04:07

A l’approche de la 21ème commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda, le nouveau mode culturel des rwandais et leur obsession à réussir dans la vie tout en luttant les dents serrées pour oublier les blessures du tout récent génocide des Tutsi de 1994 étonne plus d’un artiste.
Le Rwanda en marche forcée vers le développement continue d’inspirer les artistes du monde entier. "Rwanda, la Vie après, Paroles de Mères" est un documentaire conçu par les Belge André Versaille et Benoît Delvaux avec le concours (...)

A l’approche de la 21ème commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda, le nouveau mode culturel des rwandais et leur obsession à réussir dans la vie tout en luttant les dents serrées pour oublier les blessures du tout récent génocide des Tutsi de 1994 étonne plus d’un artiste.

Le Rwanda en marche forcée vers le développement continue d’inspirer les artistes du monde entier. "Rwanda, la Vie après, Paroles de Mères" est un documentaire conçu par les Belge André Versaille et Benoît Delvaux avec le concours des frères Dardenne. Télérama.fr rapporte que ce documentaire est sorti en première vision le 8 mars dernier sur les écran belges.

C’est un fait insensé, lorsqu’on y songe : au Rwanda, des femmes vivent depuis vingt ans avec l’enfant de leur bourreau. L’être qu’elles ont en­fanté, nourri, élevé est un témoignage vivant des viols qu’elles ont subis. Il est innocent, bien entendu. Mais il a les traits de la barbarie, le nez, la bouche de l’une des ordures qui les ont souillées, encore et encore, durant cette centaine de jours de 1994 où il fut entrepris ­d’exterminer les Tutsi, tous les Tutsi. Désir de le frapper, de l’aimer, confusion des sentiments…

Cette souffrance qui perdure, c’est ce qui frappe l’éditeur belge André Versaille lorsque, en 2004, il se rend pour la première fois au Rwanda. Homme de lettres, fou d’histoire et de politique internationale, le fondateur des Editions Complexe a beaucoup lu sur le génocide. Mais rien sur ce poison qui n’en finit pas de gangrener les esprits.

sur Télérama.fr et le 8 mars sur Arte. C’est une femme assise devant un mur de torchis, sa maison. Elle est immobile, comme prostrée. Et elle parle.

« Les hommes ont souffert mille morts, c’est entendu, mais leur calvaire s’est achevé avec la fin des violences. Pensez un peu aux femmes, violées, volontairement contaminées par le virus du sida, rejetées par leur communauté dès lors qu’elles mirent au monde les rejetons des barbares hutu. Et tiraillées depuis tout ce temps par des émotions contraires… »

A l’époque, André Versaille pense écrire un livre. Mais au fil de ses visites au chevet de ce Rwanda malade, il entreprend plutôt de fixer la parole de ces mères sur des vidéos dans l’idée de les exposer sur un site web, « pour que ça existe ». Ses ardeurs sont vite douchées.

« On m’a dit : “Vous savez, les Rwandais n’ont pas le tempérament méditerranéen. Ils sont très pudiques, presque farouches. Et vous voulez interroger des femmes victimes de viols ? Vous croyez vraiment qu’elles se livreront comme ça à un muzungu, un homme blanc, qui se réveille si longtemps après la bataille ?” »

André Versaille comprend surtout qu’il n’obtiendra pas grand-chose à Kigali, la capitale, où l’on aspire moins à regarder dans le rétroviseur qu’à se tourner vers l’avenir. Le mot d’ordre : aller de l’avant, bâtir une économie forte, un pays peuplé non plus de Tutsi et de Hutu mais de Rwandais, tous unis dans un même élan constructif.

Et donc cesser de ressasser le génocide, ce drame national certes épouvantable mais advenu au siècle passé. « Voyez-vous, dit Versaille, pour moi le Rwanda est une route creusée de nids-de-poule, autant de nids de douleurs que l’on recouvre d’asphalte. »

Un ange tombera du ciel, nommé Godelieve Mukasarasi, son sésame pour les femmes des collines. A la tête de son association, Sevota, cette quinquagénaire hutu, veuve d’un ­Tutsi assassiné, consacre sa vie à ces mères murées dans le silence.

Bande-annonce RWANDA LA VIE APRES, PAROLES DE MÈRES de Benoit Dervaux et André Versaille

Elle croit à la reconstruction par la parole, à la nécessité de verbaliser ses sentiments pour mieux vivre avec ces enfants, fruits de la haine. Elle croit aussi beaucoup au projet d’André Versaille. Godelieve désormais à ses côtés, les langues se délient peu à peu devant la caméra.

Les frères Dardenne reçoivent le prix pour "Rwanda : la vie après"

Filmer des femmes et leurs enfants “en regard caméra, pour créer une frontalité, une adresse au spectateur”

De retour en Belgique, l’éditeur croise le cinéaste Luc Dardenne, lequel, séduit par son histoire, lui ouvre les portes de la société de production Dérives. Ses images y sont attentivement visionnées. Verdict ? Versaille a touché dans le mille, il a le sujet d’un bon film documentaire, mais… il faut tout refaire. On ne s’improvise pas cinéaste comme ça !

Benoît Dervaux, réalisateur de documentaires et chef opérateur des frères Dardenne, entre dans la danse. Il accompagne Versaille au Rwanda avec le projet de filmer des femmes et leurs enfants « en regard caméra, pour créer une frontalité, une adresse au spectateur ».

Le dispositif filmique peut paraître rudimentaire, c’est un formidable écrin : ces âmes qui nous parlent, sans honte ni détours, touchent droit au cœur.

Rwanda, la vie après. Paroles de mères est un témoignage sidérant – récompensé en janvier dernier par le Prix Télérama et le Prix du public au Festival international des programmes audiovisuels (Fipa).

C’est aussi une illustration terrifiante de l’usage des violences sexuelles dans les conflits d’aujourd’hui (République démocratique du Congo, Syrie…). De véritables armes de guerre destinées à terroriser, détruire, désespérer à grande échelle.


Avec Benoît Belpois de Télérama.fr


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