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Crise au Burundi : vers un autre Rwanda ?

Redigé par Jean-Thomas Léveillé
Le 2 novembre 2016 à 04:12

Quand les manifestations ont commencé au Burundi, le policier a reçu ordre de tirer dans la foule. À balles réelles. Mais le colonel Richard Spiros Hagabimana a refusé, ce qui lui a valu d’être arrêté et torturé.
En compagnie de Pacifique Nininahazwe, un des leaders de l’opposition, il était de passage à Montréal pour attirer l’attention sur la crise qui déchire son pays et qui pourrait mener à un génocide, selon certains observateurs. Rencontre.
LE POLICIER QUI REFUSAIT DE TIRER DANS LA FOULE
Avant même (...)


Quand les manifestations ont commencé au Burundi, le policier a reçu ordre de tirer dans la foule. À balles réelles. Mais le colonel Richard Spiros Hagabimana a refusé, ce qui lui a valu d’être arrêté et torturé.

En compagnie de Pacifique Nininahazwe, un des leaders de l’opposition, il était de passage à Montréal pour attirer l’attention sur la crise qui déchire son pays et qui pourrait mener à un génocide, selon certains observateurs. Rencontre.

LE POLICIER QUI REFUSAIT DE TIRER DANS LA FOULE

Avant même le début des manifestations suivant l’annonce de la candidature du président burundais Pierre Nkurunziza, le 25 avril 2015, Richard Spiros Hagabimana a compris que la répression serait sanglante.

Alors chef adjoint des opérations de la police nationale du Burundi, sa hiérarchie lui explique qu’il faudra tirer à balles réelles pour disperser les protestataires qui descendront dans les rues, sous prétexte que les opposants à la candidature du président sortant sont des « insurgés ».

« Naturellement, j’ai refusé », a-t-il affirmé au cours d’un entretien avec La Presse, cette semaine.

Non seulement ce refus lui a valu d’être considéré comme un « traître » et accusé d’être de mèche avec « l’opposition radicale », mais il a été suivi de l’instauration d’un « commandement parallèle » des forces policières, soutient-il.

EXERGUE

« Vous êtes devant une foule [de manifestants], et subitement, un pick-up arrive derrière avec des policiers lourdement armés qui tirent dans la foule et s’en vont. » – Richard Spiros Hagabimana, ancien colonel de la police nationale du Burundi

Quand, le 13 mai, une faction de l’armée tente un coup d’État – qui se soldera par un échec – , Richard Spiros Hagabimana se trouve en Tanzanie voisine pour un séminaire.

Déjà dans le collimateur du régime, cette absence du pays à un moment aussi grave paraît suspecte aux yeux des services de renseignement, qui le soupçonnent d’être impliqué, ce qu’il nie vigoureusement.

Affecté à des « tâches secondaires », il est finalement arrêté le 27 juin et sera torturé durant sa détention de six mois.

« J’ai été frappé sur tout le corps, avec des bâtons, des planches, se souvient-il. J’ai été frappé avec des fils de fer sous la plante des pieds, sur les fesses. J’ai été de longs jours sans manger, car les repas qu’ils me donnaient contenaient soit du sable, soit du verre brisé. »

Acquitté des accusations qui pesaient contre lui au terme d’un procès expéditif après des pressions de l’Union européenne et de la Grèce, dont il est également citoyen, il a fui le Burundi clandestinement quelque temps après.

LA CRAINTE D’UN GÉNOCIDE

« Tous les éléments qui peuvent conduire à un génocide sont là », s’alarme Pacifique Nininahazwe.

Le juriste de formation, militant de longue date pour la défense des droits de la personne au Burundi et leader de l’opposition au troisième mandat du président burundais, compare la situation de son pays à celle qui prévalait au Rwanda voisin avant 1994.

« Le discours de haine, nous l’avons, les catégories [de gens] à tuer sont bien nommées », affirme-t-il, ajoutant qu’« aujourd’hui, on arrête des gens à Bujumbura parce qu’ils n’ont pas bien rempli leur « cahier de ménage » », ce livret où doivent être consignées toutes les informations familiales.

Ce spectre du génocide est brandi depuis le début de la crise burundaise, en avril 2015, tant par l’opposition que par les organisations de la société civile, mais aussi par divers observateurs internationaux.

Pacifique Nininahazwe se défend d’être alarmiste et rappelle qu’au Rwanda, « tout le monde se disait « non, ça n’arrivera pas » » avant l’assassinat du président Juvénal Habyarimana.

« Parfois, c’est une étincelle qui vient d’un côté où on ne l’attend pas et qui brûle tout à la fin. » – Pacifique Nininahazwe, opposant burundais

S’il reconnaît que la communauté internationale « agit » devant la gravité de la situation au Burundi, Pacifique Nininahazwe estime malgré tout qu’elle « se traîne les pieds ».

L’opposition burundaise, dont une grande partie vit aujourd’hui en exil, réclame depuis des mois la création d’une « force de protection des Nations unies en vertu du chapitre VII », qui autorise le recours à la force pour faire cesser les exactions contre des populations.

Pacifique Nininahazwe souligne d’ailleurs qu’Ottawa dispose d’un levier pour faire pression sur le Burundi, le Canada étant un important contributeur au budget des opérations de paix des Nations unies, dont bénéficie Bujumbura grâce au déploiement d’un millier de Casques bleus.

L’ONU verse chaque mois aux pays contributeurs 1332 $ US par Casque bleu et M. Nininahazwe craint que le régime burundais n’utilise une partie de ces fonds à mauvais escient.

« Je ne pense pas qu’un citoyen canadien serait d’accord s’il savait que l’argent qu’il donne est utilisé par un dictateur pour tuer ses propres citoyens et pour détruire la démocratie. »

Avec La Presse


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