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Le génocide des Herero et Nama en Namibie que les Allemands s’apprêtent (enfin) à reconnaître

Redigé par IGIHE
Le 19 mars 2017 à 10:38

Du 25 novembre 2016 au 12 mars 2017, le Mémorial de la Shoah présente une exposition sur ce qui fut le premier génocide du XXe siècle. Il eut lieu de 1904 à 1908 en Namibie, alors colonie du Sud-Ouest africain allemand où furent exterminés 65 000 Herero et 10 000 Nama. S’inscrivant dans les grands massacres de l’époque coloniale et l’instauration de l’apartheid en Afrique australe, il préfigure les génocides qui suivront. Pourtant bien documenté à l’époque, en particulier par l’image et les témoignages (...)

Du 25 novembre 2016 au 12 mars 2017, le Mémorial de la Shoah présente une exposition sur ce qui fut le premier génocide du XXe siècle. Il eut lieu de 1904 à 1908 en Namibie, alors colonie du Sud-Ouest africain allemand où furent exterminés 65 000 Herero et 10 000 Nama. S’inscrivant dans les grands massacres de l’époque coloniale et l’instauration de l’apartheid en Afrique australe, il préfigure les génocides qui suivront. Pourtant bien documenté à l’époque, en particulier par l’image et les témoignages d’un Livre bleu, il fut sciemment occulté par les colonisateurs.

Les missionnaires britanniques (1802) et allemands (1840) gagnèrent les âmes des populations locales en leur procurant protection et marchandises. En rivalité avec la Grande-Bretagne, la compagnie allemande Lüderitz de Brême installa un petit port après avoir passé un accord avec les Nama habitant la région (1883). L’année suivante, le chancelier Bismarck, converti à l’idée d’un empire colonial, instaura un protectorat et nomma un représentant, H. E. Göring. Accusé par les Herero d’avoir saccagé une sépulture ancestrale, le père du futur Herman Göring, le chancelier d’Hitler, quitta le territoire en 1888.

Son successeur Kurt von François accueillit les premiers colons (1892) accompagnés de troupes de protection. Leur installation entraîna un rapprochement entre les Nama et les Herero. Après des heurts meurtriers avec les Nama du chef Hendrik Witbooi (150 Nama sont tués), le nouveau représentant allemand Theodor Leutwein, nommé en 1894, négocie avec les insurgés. Mais la dynamique de la colonisation est à l’œuvre, étendant son territoire.

En 1904, l’insurrection entraîne le départ de Leutwein et son remplacement par le général Lothar von Trotha. Encerclés, la plupart des Herero parviennent à s’échapper, mais peu survivent à l’ordre d’anéantissement de von Trotha (Vernichtungsbefhl, 3 octobre 1904) : "Tout Herero, armé ou non, accompagnant ou non du bétail, sera abattu. Ni les femmes, ni les enfants ne seront admis sur le territoire : ils seront repoussés chez eux ou abattus. Voilà les dernières paroles que j’adresse à la nation herero, moi, le grand Général du puissant Empereur germanique". 65 000 Herero meurent de faim et de soif dans le désert.

Pour ne pas subir le même sort, les Nama se soulèvent à leur tour avant de se rendre à Friedrich von Lindequist qui a succédé à von Trotha (1906). Leurs chefs sont internés dans le camp de Shark Island avec 2000 Hereros. Les crânes, voire les têtes entières, des chefs de l’insurrection sont envoyés à Berlin où l’anthropologie de l’époque cherche à débusquer ce qui fait la différence entre le "sauvage" et le "civilisé". Les autres Nama rejoignent les Herero survivants qui sont contraints aux travaux forcés chez les colons ou à la construction ferroviaire.

Ces méthodes ne sont pas une première dans les territoires laissés au bon vouloir des agents des maisons de commerce. Au Tanganiyka, la révolte des Hehe contre les cultures obligatoires non rémunérées déclenche une campagne de terres brûlées. Elle prend la forme d’une insurrection traditionnelle empruntant aux missionnaires l’utilisation d’une eau miraculeuse (maji-maji) sensée transformer les balles en eau. Cette insurrection (1905-1907), qui se déroule en même temps que le génocide des Herero et des Nama, fait près d’un demi-million de victimes. Alertés par les missionnaires, l’opinion publique allemande réagit (le parti socialiste allemand est sur le point de devenir le premier parti du pays), poussant l’État à créer un ministère des Colonies pour mieux contrôler les compagnies privées.

Au Sud-Ouest africain allemand, le territoire tombe entre dans les mains de la Grande-Bretagne en 1915. Pour justifier sa mainmise, Londres charge le major Thomas O’Reilly de réunir les informations sur les exactions allemandes. Mais le Blue Book, publié localement en 1918, ne sert qu’à exonérer l’Angleterre de ses propres agissements dans la guerre contre les Boers vingt ans plus tôt (un quart des cent mille internés, dans ce qu’on appela pour la première fois des "camps de concentration", y étaient morts de famine et de maladies), et la plupart des exemplaires de ce Livre bleu sont détruits.

Dans les années trente, le territoire est gagné par le national-socialisme. Et nombre de ses colons, liés par la défaite de 14-18 aux vaincus de la guerre anglo-boers, nourrissent l’idéologie de l’apartheid. Au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale, les Anglais arrêtent 150 leaders nazis (déc. 1939). Neuf mois plus tard, 1200 personnes, soit un tiers des hommes adultes de l’ancien Sud-Ouest africain allemand, sont internés pour des raisons de sécurité.

Aujourd’hui, le gouvernement allemand a commencé à rapatrier les crânes et s’apprête à reconnaître officiellement le génocide auprès de la Namibie indépendante. Cet acte s’inscrit dans le cadre d’une restitution générale des restes humains qu’une anthropologie folle avait soustrait à des populations attachées au culte des ancêtres.

Un crâne humain d'un Herero, exposé lors d'une cérémonie à Berlin le 30 septembre 2011

Avec le HuffingtonPost


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