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Rwanda : 20 ans après le génocide, la France enterre la mémoire

Redigé par IGIHE
Le 24 janvier 2014 à 04:27

Etienne Allais, SOS Racisme
Le 7 avril 2013, lors de la commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda qui s’est déroulé devant le mur de la Paix à Paris, l’association Ibuka et l’ensemble des associations présentes demandaient de nouveau à l’Etat Français la réalisation d’un lieu de mémoire à Paris.
Un lieu dédié, pour que la mémoire puisse vivre, pour que les 800000 victimes et les horreurs commises en 1994 par le "Hutu power" ne s’effacent pas au fil des ans et pour que chacun se souvienne à quoi mène le (...)

Etienne Allais, SOS Racisme

Le 7 avril 2013, lors de la commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda qui s’est déroulé devant le mur de la Paix à Paris, l’association Ibuka et l’ensemble des associations présentes demandaient de nouveau à l’Etat Français la réalisation d’un lieu de mémoire à Paris.

Un lieu dédié, pour que la mémoire puisse vivre, pour que les 800000 victimes et les horreurs commises en 1994 par le "Hutu power" ne s’effacent pas au fil des ans et pour que chacun se souvienne à quoi mène le racisme et la haine.

Cette demande d’un lieu de mémoire, justifiée et de réalisation simple, semble cependant cristalliser l’ensemble des tensions qui lient la France à ce génocide.

En opposant le silence à cette demande, l’Etat a envoyé un message. Un message nous indiquant qu’il ne s’impliquerait pas dans le travail de mémoire pourtant plus que nécessaire sur notre territoire.

Encore figé par les vieux démons de la responsabilité de dirigeants français au plus haut de l’appareil d’état dans le génocide, l’Etat préfère éviter toute confrontation de près ou de loin avec le sujet.

Du moins, tel était notre analyse avant le 1er janvier 2014. Date qui, outre qu’elle marque le passage à la nouvelle année, fait l’objet de la publication des promotions à la Légion d’honneur.

Dans cette liste de noms figure cette année Pierre Péan, auteur d’un ouvrage sur le Rwanda en 2005 qui tente de disculper la France de toute responsabilité dans le génocide. Pour atteindre cet objectif, Pierre Péan (1) opère un manège intellectuel accusant le Front Patriotique Rwandais d’avoir déclenché l’attentat à l’origine des massacres tout en sachant que celui-ci entrainerait le génocide des leurs, tout ceci aux seules fins de reprendre le pouvoir. Ce livre, qui minimise également le nombre de victimes et qui explique comment l’histoire du génocide est régie par les lobbys Tutsi qui savent "guider de très belles femmes tutsi vers des lits appropriés...", est venu non seulement renforcer l’action des négationnistes mais à également redoré l’âme perdu des bourreaux encore en liberté sur notre territoire.

Ce soutien aux génocidaires et ce négationnisme viendrait en plus être récompensé d’une décoration de la République ? Est-ce ainsi que la France commémorera sur son territoire les 20 ans du génocide ?

Nous le refusons. En tant qu’acteurs de la société civile engagés pour la République et ses valeurs, nous ne tolérerons pas que la Légion d’honneur soit utilisée pour récompenser un auteur qui minimise l’ampleur du génocide des Tutsi au Rwanda et qui conteste les responsabilités des auteurs du massacre.

Alors que des vagues de haine successives traversent notre pays avec les attaques contre lesRoms, contre la Garde des sceaux ou en ce moment contre les Juifs, les symboles républicains doivent adresser un message clair à ceux qui voudraient brouiller les mémoires afin de mieux laisser la haine s’exprimer.

Car brouiller les mémoires, c’est miner la route de la Fraternité, c’est s’attaquer une nouvelle fois aux victimes, aux rescapés et aux citoyens qui s’engagent au quotidien pour construire un avenir commun à tous. Brouiller les mémoires, c’est s’en prendre à l’unique chose qu’il reste après un génocide, le souvenir et la conviction que les récits pourront permettre de ne pas reproduire les mêmes erreurs. Brouiller les mémoires, c’est donc s’attaquer aux idées progressistes qui sont les seules qui permettent de construire des sociétés ou les valeurs de tolérance, de partage, d’égalité, de fraternité priment sur la division, la haine et le rejet.

Nous avons donc, d’autant plus dans cette période, un devoir d’exemplarité et nous devons l’exercer au quotidien au risque de mettre en danger les fondements même de notre Nation. Organiser, soutenir et porter le travail de mémoire fait parti de ce travail.

Ainsi, il est nécessaire que les juridictions compétentes qui enquêtent encore sur les responsabilités aient les moyens de mener leur travail. Il est indispensable que l’Etat mette à disposition l’ensemble des documents pour que les responsabilités individuelles soient révélées. Il est urgent qu’un véritable travail de mémoire soit mené auprès des citoyens.

A l’aube de la 20ème commémoration du génocide, ces actions sont urgentes. Mais, alors que certains rescapés peinent parfois encore à témoigner face à l’insupportable douleur que procure le moindre souvenir des horreurs perpétuées, la France, face à la légèreté avec laquelle elle a décidé d’honorer Pierre Péan, a l’ardente obligation de réparer cette violence symbolique en revenant sur cette nomination et en consacrant enfin un lieu à la mémoire du génocide dont furent victimes les Tutsis.


Etienne Allais

Directeur général de SOS Racisme


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