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Journée mondiale : qu’est-ce que l’antispécisme, le mouvement de libération animale ?

Redigé par IGIHE
Le 27 août 2017 à 10:05

Il y a près de cinquante ans, un nouveau mot faisait son apparition dans le vocabulaire au Royaume-Uni : « speciecism », « spécisme » en français. Ce terme désigne le fait pour l’être humain d’asseoir sa supériorité sur l’animal et s’invite régulièrement dans les débats autour de la maltraitance depuis quelques années.
Ce 27 août, pour la deuxième année consécutive, c’est la Journée mondiale contre le spécisme. Le spécisme, mais encore ? Ce terme désigne le fait de considérer les animaux comme inférieurs aux (...)

Il y a près de cinquante ans, un nouveau mot faisait son apparition dans le vocabulaire au Royaume-Uni : « speciecism », « spécisme » en français. Ce terme désigne le fait pour l’être humain d’asseoir sa supériorité sur l’animal et s’invite régulièrement dans les débats autour de la maltraitance depuis quelques années.

Ce 27 août, pour la deuxième année consécutive, c’est la Journée mondiale contre le spécisme. Le spécisme, mais encore ? Ce terme désigne le fait de considérer les animaux comme inférieurs aux humains, soumis à leurs besoins, que ce soit pour la nourriture ou les expérimentations. Quoique minoritaire, on en connaît plus souvent l’autre versant, celui des farouches défenseurs des animaux, les militants antispécistes.

Poussins broyés vivants, vaches dépecées encore conscientes dans les abattoirs, cochons castrés sans anesthésie… En France, au rythme des scandales sanitaires, la mobilisation contre les mauvais traitements envers les animaux n’a cessé de prendre de l’ampleur au cours des dernières années. Plus récemment, elle doit beaucoup aux actions spectaculaires d’associations comme L214 qui n’hésitent pas à diffuser des vidéos en caméra cachée d’animaux maltraités dans les abattoirs.

Cette année, l’antispécisme a reçu un coup de projecteur inattendu avec le succès de Okja du Coréen boog Joon-Ho. Lancé sur la plateforme Netflix, ce film met en scène une petite fille qui vit à la campagne et s’éprend de son « super-cochon » domestique promis à l’abattoir. Elle voit alors voler à son secours des militants de défense des droits des animaux qui vont l’aider à inverser le sort.

Le phénomène est pourtant ancien. Le terme lui-même de « spécisme » est apparu il y a plus de quarante ans, sous la plume de Richard D. Ryder. En 1970, à Oxford, cet universitaire britannique emploie pour la première fois le terme de « speciecism » dans une brochure en forme de pamphlet pour dénoncer le traitement réservé aux animaux. Le terme est forgé sur le même modèle que « racisme » ou « sexisme » car il vise à dénoncer lune discrimination similaire pour son auteur. Hommes et animaux devraient être traités sur un mode d’égalité, selon lui, ne serait-ce que parce qu’ils partagent la même capacité à souffrir.

Richard D. Ryder précise sa pensée dans un livre, Animals, Men and Morals, paru en 1971 dans lequel il dresse un parallèle entre la maltraitance animale et l’esclavage et estime que l’Histoire va dans son sens. « La discrimination sur la base de la race, bien que tolérée presque universellement il y a deux siècles, est maintenant largement condamnée, écrit-il. De la même façon, il se pourrait qu’un jour les esprits éclairés abhorreront le spécisme comme ils détestent aujourd’hui le racisme ».

Richard D. Ryder, qui rappelle que chaque année au Royaume-Uni à la même époque, cinq millions d’animaux sont utilisés à des fins d’expérimentation, se réclame même de Charles Darwin. Pour l’inventeur de la théorie de l’évolution, il n’existait qu’une différence de degré entre humains et animaux, capables eux aussi d’éprouver, même faiblement, des émotions. « Depuis Darwin, les scientifiques admettent qu’il n’y a aucune différence essentielle "magique" entre les humains et les autres animaux, biologiquement parlant, écrit Richard D. Ryder. Pourquoi, dès lors, faisons-nous moralement une distinction radicale ? »

Le terme ne sera vraiment popularisé que par le best-seller de l’Australien Peter Singer La Libération animale, sorti en 1975 et devenu ouvrage de référence pour les militants antispécistes. Comme Richard D. Ryder qu’il a côtoyé à Oxford, Peter Singer dresse dans son livre un parallèle entre les droits des animaux et ceux des femmes ou des minorités ethniques. On peut y lire ceci : « Les racistes violent le principe d’égalité en donnant un plus grand poids aux intérêts des membres de leur propre race quand un conflit existe entre ces intérêts et ceux de membres d’une autre race. Les sexistes violent le principe d’égalité en privilégiant les intérêts des membres de leur propre sexe. De façon similaire, les spécistes permettent aux intérêts des membres de leur propre espèce de prévaloir sur les intérêts supérieurs des membres d’autres espèces ».

« Barbarie nouvelle »

Le livre de Singer ne sera traduit que très tardivement en 1993, en France,où le débat est plus récent que dans le monde anglo-saxon. Le terme « spécisme » n’a d’ailleurs fait son apparition qu’en 2010 dans les dictionnaires français. Plus présent dans le monde anglo-saxon, l’antispécisme entre de plus en plus souvent dans les radars des médias et de l’opinion publique française depuis quelques années grâce notamment aux actions spectaculaires de l’association L214. Créée en 2008, cette organisation militante s’est fait connaître en diffusant entre octobre 2015 et février 2017, huit films tournés à l’intérieur d’abattoirs français, dont celui certifié bio de Vigan.

Dans l’Hexagone, la cause dispose par ailleurs depuis quelques années de quelques porte-voix de poids tels que le journaliste-vedette Aymeric Caron. Végétarien, l’ancien chroniqueur de l’émission On n’est pas couché avait déjà publié No Steak (J’ai Lu) en 2013 dans lequel il prédisait l’extinction de la consommation de viande d’ici 2050 avec l’épuisement des ressources naturelles et la surpopulation. L’an dernier, il récidive avec un essai sobrement intitulé Antispéciste dans lequel il appelle à l’essor d’un « nouvel humanisme » qui prendrait mieux en compte les animaux et la création à la place du Sénat d’une Assemblée naturelle qui représenterait les intérêts de ces derniers.

Mais la notion de « spécisme » s’est aussi attiré des détracteurs. Professeur à l’Ecole normale supérieure, Francis Wolf estimait ainsi l’an dernier dans Ouest-France que « proclamer l’égalité des êtres humains a un sens politique et moral, mais proclamer l’égalité du loup et de l’agneau, du chien et de ses puces, n’a aucun sens. La notion de "droits des animaux" est donc contradictoire ». L’enseignant va jusqu’à dresser un parallèle avec le nazi Hermann Göring, qui menaçait de déporter « ceux qui pensent encore qu’ils peuvent continuer à traiter les animaux comme une propriété inanimée ». Pour lui, l’égalité entre individus s’arrête aux humains et ne s’étend pas aux animaux.

Même son de cloche du côté de Chantal Delsol qui s’agace d’une « dévalorisation de l’être humain » et d’une « barbarie nouvelle ». « En prétendant que les animaux sont des personnes, on ne les élève pas, mais on diminue et ridiculise le statut de personne », écrit la philosophe dans une tribune au Figaro.

Reste que face aux scandales à répétition, l’idée d’une meilleure prise en compte du statut de l’animal fait doucement son chemin, portée notamment par des personnalités politiques comme le député socialiste Olivier Falorni. Ce dernier fait partie de ceux qui ont porté une modification pour accorder le statut d’être « sensible » aux animaux dans le Code civil.

En janvier dernier, une loi relative au « respect de l’animal en abattoir » a ainsi été en partie adoptée à l’Assemblée. Elle porte quelques propositions phares pour tenter de remédier, dont la création d’un délit pénal de maltraitance animale ou l’installation de caméras de surveillance dans les abattoirs pour pallier l’insuffisance des contrôles vétérinaires.

Avec Rfi


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