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Pourquoi les Blancs sont des "expats" et les autres des "immigrés" ?

Redigé par L'Express
Le 16 mars 2015 à 09:54

Les personnes qui travaillent à l’étranger sont des expatriés, des émigrés, ou des immigrés ? Tout dépend de la couleur de peau du travailleur, mais aussi du point de vue de l’observateur.
Faut-il arrêter d’utiliser le mot "expatrié" au profit d’"immigré" ? Une question sémantique soulevée par The Guardian, loin d’être anodine. Car selon Mawuna Remarque Koutonin, un "activiste pour la Renaissance Africaine", dont la tribune est reprise dans le quotidien anglais, l’utilisation de ces terme est révélatrice (...)

Les personnes qui travaillent à l’étranger sont des expatriés, des émigrés, ou des immigrés ? Tout dépend de la couleur de peau du travailleur, mais aussi du point de vue de l’observateur.

Faut-il arrêter d’utiliser le mot "expatrié" au profit d’"immigré" ? Une question sémantique soulevée par The Guardian, loin d’être anodine. Car selon Mawuna Remarque Koutonin, un "activiste pour la Renaissance Africaine", dont la tribune est reprise dans le quotidien anglais, l’utilisation de ces terme est révélatrice d’une "hiérarchie des mots créée dans le but de placer les Blancs au-dessus de tous les autres".

Qu’est-ce qu’un expatrié ? Qui est un expatrié ? S’interroge l’auteur. Selon le Larousse un expatrié est une personne qui a été expatriée ou qui s’est expatriée, c’est-à-dire "qui a quitté son pays". Le dictionnaire explique aussi que le terme s’applique à un salarié qui exerce son activité dans un autre pays que le sien. Pour Wikipédia, un expatrié est un individu résidant dans un autre pays que le sien. La racine du mot vient du grec exo -en dehors de- et patrida -le pays-. Le mot émigré -"qui part du pays"- peut aussi être utilisé, en opposition à immigré -"qui arrive au pays"-.

L’exemple de Hong Kong, cette ville "entre deux mondes"
Cette définition en main, toute personne qui part de son pays pour travailler dans un autre devrait donc être qualifié "d’expatrié", ou "expat". Sauf qu’en réalité, "ce n’est pas le cas, c’est un terme exclusivement réservé aux blancs qui partent à l’étranger", estime Mawuna Remarque Koutonin sur The Guardian. Dans la tête de tout le monde ou presque, les Arabes sont des immigrés, les Asiatiques sont des immigrés, les Africains sont des immigrés. Les Blancs des "expats".

C’est exactement ce qu’explique L’Expat, un blog spécialisé du Wall Street Journal, qui se demande "Qui est un "expat", à Hong Kong, où tout le monde vient d’ailleurs" ? Réponse : les Blancs. D’autres, pourtant comparables en tout point, sont considérés comme immigrés. Dans cette ville "entre deux mondes", les Philippins, souvent domestiques, sont eux considérés comme "des invités", même s’ils sont là depuis des décennies.

Lutter contre racisme
Une différence de sémantique qu’on peut observer partout : en Afrique ou en Europe. Un travailleur africain qualifié venant travailler en France, par exemple, ne sera pas presque jamais considéré comme un expatrié, mais bien un immigré, ou un "immigrant très qualifié", comme l’explique un cadre Noir cité dans l’article. Mawuna Remarque Koutonin, engagé, propose une solution. "Si vous voyez des Blancs qui travaillent en Afrique, ne les appelez plus ’expats’, mais ’immigrés’, comme tout le monde. C’est le meilleur moyen de lutter contre cette sémantique suprémaciste et raciste."

Ce qu’oublie de préciser cette tribune du Guardian, c’est que tout est, en fait, une question de perspective. Car la différence entre "expatrié-émigré" et "immigré" est la même qu’entre "importé" et "exporté". Une personne qui quitte son pays natal (A) pour un autre pays (B) est un "expatrié-émigré" pour le pays A et un "immigré" pour le pays B. Conclusion : il est donc normal pour un Français de qualifier un étranger qui travaille en France d’immigré, et de qualifier un Français qui travaille à l’étranger d’expatrié-émigré.

Il est en revanche sémantiquement faux qu’un Africain -par exemple- qualifie "d’expatrié" un étranger blanc qui travaille dans son pays. Il devrait l’appeler "immigré", comme l’explique la tribune du Guardian. Dans la même logique de rigueur sémantique, un Africain devrait qualifier un compatriote qui va travailler dans un pays étranger -la France par exemple- d’expatrié.

Enfin, un Blanc qui vient travailler dans un autre pays occidental devrait également être qualifié d’"immigré", et non pas "d’expatrié" par les autochtones. Une logique sémantique pure et dure qui peut entrer en conflit avec des habitudes de langage bien ancrées, des clichés, voire le racisme.


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