Criminalisation identitaire et révélateur d’une fracture nationale

Redigé par Tite Gatabazi
Le 8 décembre 2025 à 05:38

Être rattaché à la communauté rwandophone en République démocratique du Congo revient, aujourd’hui encore, à porter un stigmate que d’aucuns assimilent à une faute originelle.

Cette stigmatisation, érigée en réflexe quasi institutionnel, traverse toutes les strates du pouvoir et de l’élite, révélant la persistance d’un imaginaire politique fondé sur la suspicion ethnique et l’exclusion.

L’affaire portée devant la justice par l’ancien gouverneur de Kinshasa, Gentiny Ngobila, à l’encontre de Maître Joël Kitenge en est une manifestation inquiétante. Pour avoir qualifié l’épouse du gouverneur de « Rwandaise », l’avocat, figure éminente de l’UDPS et communicateur attitré de la mouvance présidentielle est désormais poursuivi pour diffamation, sommé de venir démontrer devant la barre le bien-fondé de propos dont la teneur raciste, diffamatoire et profondément divisionniste ne saurait être occultée.

Ce fait divers politique, en apparence anecdotique, agit comme un révélateur brutal : il expose combien la tentation d’instrumentaliser l’identité pour discréditer, humilier ou exclure reste vivace au sein des élites politiques, transformant l’appartenance communautaire en outil de lutte partisane.

Une fracture morale qui interroge la conscience nationale

Au-delà des arènes judiciaires et des stratégies communicationnelles, cette affaire renvoie à une interrogation plus profonde, presque métaphysique : que recèle encore l’âme collective d’un pays où l’identité de l’autre devient prétexte à la déchéance, et où la parole publique, même portée par un avocat de renom, glisse vers des abysses d’hostilité et de mépris ?

Nul ne sait jamais quels tourments, quelles ombres ou quelles lumières habitent le cœur humain ; mais il est clair qu’une société marquée par tant de blessures accumulées peine à discerner ce qui construit du semblable plutôt que ce qui le détruit.

Pourtant, l’espérance fragile mais tenace demeure un refuge. Elle atténue la douleur partagée, adoucit l’amertume et rappelle que l’unité nationale ne peut se bâtir que sur la dignité reconnue à chacun. L’audience qui attend Maître Kitenge dépasse ainsi son cas personnel : elle devient un moment d’examen, presque de confession civique, où la justice est appelée à dire si la nation choisit de s’élever au-dessus de ses vieux démons ou si elle persévère dans les passions tristes de la haine identitaire.

Cette convocation, plus qu’un procès, est un miroir tendu au pays. Elle invite à rompre avec les récits de rejet, à reconstruire un imaginaire politique plus juste et plus inclusif, et à rappeler que la paix et la cohésion sociale ne sauraient s’enraciner dans la calomnie, la xénophobie ou la division, mais dans la reconnaissance lucide et exigeante de la commune humanité.

L’affaire visant Maître Joël Kitenge pour avoir qualifié l’épouse de Gentiny Ngobila de « Rwandaise » illustre une polémique autour de propos jugés racistes et diffamatoires

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité