Joseph Kabila, longtemps figure de stabilité apparente et d’autorité fermée, incarne à bien des égards cette politique que l’on pourrait qualifier de cynique, infidèle aux principes, imprévisible dans ses alliances, cruelle dans ses reniements.
Dix-huit années au sommet de l’État n’ont pas suffi à forger une doctrine ou une direction claire ; elles ont surtout consolidé un pouvoir fondé sur l’ambiguïté, l’opacité et la mise en concurrence des forces centrifuges.
Mais voici que l’histoire, à défaut d’être morale, se montre parfois ironique. Elle rattrape aujourd’hui celui qui, hier, refusait de respecter les accords du 23 mars 2009, et dont la morgue souveraine contribua à radicaliser les anciens officiers du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP), pour donner naissance au Mouvement du 23 mars (M23).
Kabila, dans un geste lourd de duplicité, avait alors préféré pactiser avec les FDLR, supplétifs des génocidaires en exil et solliciter l’appui de la Tanzanie de Jakaya Kikwete pour anéantir ceux qu’il avait lui-même naguère promus.
Ironie sanglante : ce sont aujourd’hui ces mêmes hommes, ceux qu’il radia des FARDC avec un zèle vengeur, qui assurent sa sécurité à Goma. L’ombre de la trahison plane désormais non plus sur les rebelles mais sur l’ancien chef de l’État, devenu otage de ses propres volte-face. Car en politique, l’oubli n’est jamais total, et les acteurs d’hier, relégués, exilés ou pourchassés, savent se réinventer pour revenir, non plus en suppliants mais en gardiens armés d’une mémoire blessée.
Il n’est pas rare que les puissants d’hier deviennent les obligés de ceux qu’ils ont voulu effacer de l’histoire. Ce que vit aujourd’hui Joseph Kabila n’est pas seulement une revanche symbolique : c’est une leçon sur la futilité des calculs à courte vue, sur l’illusoire impunité des trahisons d’État, et sur cette loi non écrite de la politique africaine selon laquelle aucun pouvoir, même le plus absolu, n’est jamais assuré d’une sortie honorable.
En définitive, c’est le droit, ce droit que Kabila relégua derrière le rapport de force qui revient par une autre voie : celle d’un retour du refoulé historique, incarné par les hommes du M23, autrefois dépeints comme factieux, aujourd’hui redevenus acteurs légitimes d’un destin congolais encore en quête de cohérence.

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