La nouvelle traversée de désert de Vital Kamerhe

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Le 1er novembre 2025 à 05:30

Il est des hommes dont la trajectoire, oscillant entre fidélités contrariées et désillusions successives, finit par prendre les allures d’une errance tragique.

Vital Kamerhe, figure jadis ascendante de la scène politique congolaise, en offre aujourd’hui l’illustration la plus éclatante. Avalant des couleuvres avec la dignité contrainte de ceux qui n’ont plus prise sur leur propre destin, il “prend acte”, de la désignation par Tshisekedi d’Aimé Boji comme son successeur, selon la liturgie politique congolaise, de décisions qui se prennent ailleurs, sans lui, et souvent contre lui.

Son appel à l’unité, empreint de ce ton conciliateur dont il a fait sa marque, résonne désormais comme un pis-aller, un geste désespéré pour sauver l’apparence d’une influence qui s’étiole.

L’homme traverse à nouveau le désert celui, immense et implacable, de la politique congolaise, où l’amitié n’est qu’une parenthèse tactique et la loyauté, une monnaie sans valeur.

La République Démocratique du Congo en a connu d’autres, de ces traversées solitaires, mais celle-ci a le goût amer des promesses trahies et des alliances consommées dans l’amertume.

L’alliance de Vital Kamerhe avec Félix Tshisekedi, naguère vantée comme un pacte de raison et d’équilibre, s’est brisée sur le roc des désillusions. Non seulement le chef de l’État a pris l’habitude de renier ses engagements avec une désinvolture presque coutumière, mais son compagnon de route, devenu encombrant, s’est vu relégué dans la marge d’un pouvoir qu’il avait contribué à édifier.

Le mal, pourtant, est plus profond. Kamerhe paie aujourd’hui le prix d’une rancune ancienne, enracinée dans les entrailles mêmes de l’UDPS. Son nom, dans ce parti, évoque encore la trahison originelle de 2011, lorsque celui qu’on appelait “le pacificateur” avait préféré son propre destin à la cause du défunt Étienne Tshisekedi.

L’offense n’a jamais été pardonnée. Ce qui n’était d’abord qu’un ressentiment s’est lentement mué en haine viscérale, nourrie par les humiliations successives et les fractures d’ego qu’engendre la lutte pour le pouvoir.

Dès lors, son éviction du perchoir de l’Assemblée nationale, sans ménagement ni égard pour les formes, n’aura surpris que les naïfs. Kamerhe est prié de “prendre acte”, formule polie pour dire que son opinion n’importe guère et que son consentement est superflu.

Cette manière d’humiliation feutrée, de déclassement institutionnalisé, témoigne d’un système politique où les alliances ne valent que le temps d’une convenance et où la reconnaissance du mérite s’efface devant les calculs du moment.

Le voilà, donc, réduit à préserver ce qu’il peut : quelques lambeaux d’influence, quelques avantages concédés avec condescendance par un pouvoir qui le tolère plus qu’il ne l’estime. Il s’accroche, non par faiblesse, mais par instinct de survie, celui des politiques rompus aux méandres d’un univers où la fidélité ne se récompense pas, mais se monnaye.

Et pourtant, dans cet apparent déclin, demeure une leçon : celle d’un homme que les revers n’ont jamais définitivement abattu. Vital Kamerhe incarne, à sa manière, la résilience ambiguë des élites congolaises, capables d’endurer les humiliations les plus cruelles pour demeurer, coûte que coûte, au centre du jeu.

Mais à force d’accepter l’inacceptable et de composer avec l’indignité, l’on finit par se condamner à ne plus inspirer ni respect, ni crainte.

Ainsi s’écrit, pour l’heure, le nouveau chapitre de Vital Kamerhe : celui d’un homme lucide sur sa marginalisation, mais incapable de s’y résoudre. Entre loyauté dévoyée et survie politique, il marche dans le désert, portant sur ses épaules tout le poids des illusions perdues d’une République qui, décidément, ne sait pas récompenser ceux qui ont cru en sa parole.

Vital Kamerhe incarne le destin d’un homme passé des fidélités contrariées aux désillusions, jusqu’à l’errance politique

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