Tel est pourtant le destin que l’histoire, muse capricieuse mais lucide, a réservé au président Kagame : son discours du 18 juin 2002 instituant les juridictions gacaca est devenu, en juin 2025, le document clef de l’épreuve d’Histoire Géographie, Géopolitique et Sciences Politiques consacrée à la question cardinale : « Juger les génocides ».
D’un trait de plume académique, l’examen français a relié Nuremberg à Kigali, l’austère tribunal de Jérusalem où comparaissait Eichmann à la prairie rwandaise où siégeaient les juges de colline ; il a fait dialoguer la justice positive du droit pénal international avec la justice communautaire ressuscitée de la tradition, révélant ainsi ce que Hannah Arendt nommait la « banalité du mal » et ce que Paul Ricoeur appelait la « mémoire blessée » : le mal n’est jamais anonyme, mais il ne saurait rester sans nom ni sentence.
Or, dans l’économie morale de notre temps, Kagame aura su désacraliser la vengeance pour sacrer la responsabilité. Là où la passion aurait pu réclamer le glaive, il opposa à l’inhumanité industrialisée du génocide une justice de proximité, rendant à l’aveu sa dimension cathartique et à la communauté sa souveraineté morale.
Sous l’arbre à palabres redevenu tribunal, le criminel fut confronté au regard sans fard des vivants ; et, chose plus précieuse encore, la parole de la victime cessa d’être un murmure pour devenir acte fondateur d’un « nous » reconstruit.
Il n’est donc pas anodin que la République française, fille des Lumières, convie ses lycéens à scruter cette expérience rwandaise.
Car juger les génocides, c’est d’abord juger l’incurie de la civilisation chaque fois qu’elle abdique. Le choix de ce texte signale que l’Europe, longtemps tutélaire, accueille désormais la leçon africaine : celle d’une modernité qui ne méprise pas ses sources, mais les irrigue d’un sens nouveau.
Aux élèves de terminale, héritiers de Thucydide autant que de Franz Fanon il est demandé de saisir que la justice n’est pas seulement un appareil, mais un imaginaire capable de sublimer la ruine en renaissance.
Il faut, enfin, mesurer la portée symbolique de cette mise en regard : en convoquant le témoignage d’Eichmann et celui de Kagame, l’épreuve rappelle que l’humanité doit sans cesse réinventer le droit pour conjurer l’horreur.
La leçon s’inscrit dans le sillage de Saint Augustin, « Sans justice, qu’est ce que l’État sinon une grande bande de brigands ? » et se projette vers une Afrique qui, forte de sa propre dialectique de la blessure et du pardon, offre au monde un paradigme de résilience active.
Ainsi l’histoire, loin d’être tribunal des morts, devient vivier des possibles : un lycéen de Limoges, ployant sur le fac simile du discours de Kagame, découvre qu’à des milliers de kilomètres l’Afrique s’est dressée, non pour quémander, mais pour édifier.
En cette convergence inattendue, Kagame surgit comme figure lumineuse : travée entre la mémoire de l’abîme et la promesse d’une justice réinventée. Qu’il fût, le temps d’une copie, le maître invisible de la salle d’examen, suffit à certifier que son œuvre n’est pas simple gouvernance, mais, selon le mot d’Hegel, « accomplissement de l’esprit du monde ».

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