Elle constitue, au contraire, un révélateur brutal d’un désordre profond, endémique, systémique, qui traverse la structure militaire congolaise depuis que le pouvoir politique a fait le choix funeste d’intégrer des groupes armés locaux au sein d’une armée déjà fragilisée.
Il s’agit là d’un échec d’État, d’un échec doctrinal et d’un échec moral.
Les morts de Sange, femmes, enfants, hommes surpris dans la banalité de leur vie quotidienne sont les victimes directes d’un commandement qui n’a plus de colonne vertébrale, d’une institution incapable de distinguer alliés et adversaires et d’une stratégie sécuritaire réduite à des bricolages conjoncturels.
La scène macabre observée après l’explosion n’est pas le fruit d’un hasard tragique : elle est la conséquence logique d’une architecture militaire construite sur l’improvisation, l’illusion et l’aveuglement politique.
La mésalliance FARDC–Wazalendo : une hybridation instable et doctrinalement suicidaire
L’intégration des Wazalendo a été présentée par les autorités comme une mobilisation patriotique, une « résistance populaire » capable de suppléer aux carences opérationnelles de l’armée régulière.
En réalité, cette hybridation s’apparente à une greffe infectée implantée dans un organisme déjà affaibli.
Les Wazalendo constituent une pluralité hétéroclite : groupes d’autodéfense, milices communautaires, jeunes radicalisés par la propagande, anciens combattants en quête de légitimation ou simples opportunistes attirés par la promesse d’un statut militaire improvisé.
Or, l’armée n’est pas un refuge, ni un exutoire, ni un instrument de communication politique. L’armée est une institution républicaine fondée sur la discipline, la formation, la chaîne de commandement et la doctrine stratégique. La décision d’intégrer ces milices sans préalables doctrinaux, éthiques ou organisationnels constitue donc une faute majeure : faute conceptuelle, faute opérationnelle, faute politique.
Loin de renforcer les FARDC, cette intégration a produit une rivalité interne, une concurrence de légitimité, une multiplication de centres de décision autonomes et un brouillage complet de la chaîne hiérarchique.
A Sange, c’est précisément ce manque d’unité doctrinale et de discipline qui a dégénéré en affrontement interne, démontrant que l’État a engendré une armée fracturée, où les partenaires supposés deviennent, à tout moment, des ennemis potentiels.
Les responsabilités du sommet de l’État : une stratégie de substitution et d’improvisation
Il serait intellectuellement malhonnête de limiter les responsabilités au seul niveau opérationnel. Les officiers impliqués à Sange ne sont que les exécutants d’une politique sécuritaire élaborée et imposée depuis Kinshasa où le pouvoir a choisi la facilité plutôt que la refondation.
L’intégration des Wazalendo s’est faite au mépris des normes élémentaires de vérification des antécédents ; du désarmement préalable (condition sine qua non de toute intégration) ; de la formation minimale en éthique militaire, discipline, droits humains et règles d’engagement et de la cohérence doctrinale indispensable à l’unité de commandement.
Le sommet de l’État a créé une équation impossible : demander à une armée déjà affaiblie d’absorber sans structures adaptées des hommes sans encadrement, sans formation et parfois sans loyauté.
Ce choix n’est pas seulement imprudent : il est irresponsable. Il relève d’une logique populiste visant à masquer les déboires de l’armée régulière et à produire une illusion de puissance militaire.
Ainsi, l’État n’a pas renforcé l’armée : il l’a dissoute dans la confusion, la fragmentation et la violence diffuse.
L’explosion meurtrière de Sange n’est donc pas un accident, mais la conséquence directe d’un choix stratégique posé au plus haut niveau de l’État.
Une armée déontologiquement effondrée et moralement dangereuse
L’affrontement FARDC–Wazalendo, accompagné d’une explosion qui a décimé des innocents, illustre ce triple effondrement.
Le drame n’a pas été causé par l’ennemi extérieur : il a été causé par une armée en guerre contre elle-même, en guerre contre sa propre incohérence.
La montée en légitimité de l’ARC/AFC-M23 : un effet mécanique
Dans ce climat de débâcle institutionnelle, il n’est pas surprenant que certains acteurs politiques et une partie de la population considèrent l’AFC/M23 comme l’embryon d’une Armée Révolutionnaire Congolaise (ARC), structurée, disciplinée et porteuse d’un projet politique cohérent.
Que l’on adhère ou non à cette thèse, il faut reconnaître qu’elle prospère précisément parce que l’État congolais a miné lui-même la crédibilité de son appareil militaire.
Lorsque la force publique devient une menace intérieure, une alternative, quelle qu’en soit la nature, apparaît mécaniquement plus légitime aux yeux d’une population désabusée.
Sange, un avertissement et la refondation de l’appareil sécuritaire une urgence vitale
Les condoléances, si sincères soient-elles, ne suffisent plus.
Sange est plus qu’un drame : c’est un signal d’alarme, un avertissement violent indiquant que l’armée congolaise, telle qu’elle est conçue aujourd’hui, ne protège plus, elle expose.
Tant que l’État continuera d’intégrer des milices sans doctrine, sans formation et sans commandement, d’autres Sange surgiront, inéluctablement.
La libération, ou du moins la reconstruction totale de l’appareil sécuritaire, n’est plus un objectif politique : c’est une nécessité vitale.














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