Washington orchestre un accord entre Kigali et Kinshasa

Redigé par Tite Gatabazi
Le 19 juin 2025 à 10:09

Au cœur d’un monde éprouvé par la multiplication des foyers de tension, l’initiative conjointe des États Unis et du Qatar pour rapprocher la République démocratique du Congo (RDC) et le Rwanda s’impose comme une respiration diplomatique rare, presque inespérée.

Que deux nations africaines, longtemps prisonnières d’un antagonisme où s’entremêlent griefs historiques, enjeux économiques et sécuritaires, aient consenti à parapher un texte ouvrant la voie à une paix durable devraient susciter un intérêt soutenu, bien au delà des rives du lac Kivu.

L’acte posé le 18 juin 2025 ne saurait être relégué au rang des cérémonials protocolaires sans lendemains  : il jalonne la reconquête d’une souveraineté partagée sur la région des Grands Lacs. A New York, naguère, l’accord cadre dit d’Addis Abeba contenait déjà les germes d’une normalisation  ; aujourd’hui, la médiation américaine, secondée par la diplomatie de Doha, confère à ces promesses une ossature stratégique inédite.

L’intégrité territoriale, longtemps bafouée par l’intrusion de groupes armés et l’exploitation illicite des ressources, se trouve désormais élevée au rang de principe cardinal, non négociable.

Or, la mécanique de la confiance ne se nourrit pas uniquement de déclarations solennelles. L’on retiendra avec intérêt la création d’un Mécanisme conjoint de coordination sécuritaire prolongement opérationnel du CONOPS du 31 octobre 2024 qui devrait, si l’on s’y attelle avec rigueur, constituer l’ossature d’une architecture de sécurité collective régionale.

Qu’il s’agisse du désengagement progressif de milices aux allégeances bigarrées, de leur désarmement effectif ou de leur intégration conditionnelle au sein d’armées régulières assainies, chaque étape exigera une surveillance technique, budgétaire et morale exemplaire.

À cet égard, la garantie d’un accès humanitaire renforcé et le retour ordonné des réfugiés, souvent condamnés à l’errance depuis plus d’un quart de siècle, ne représentent pas seulement un geste de mansuétude  : ils constituent un test décisif de la crédibilité des parties prenantes.

L’histoire rappelle, avec la rigueur d’une sentence kantienne, que l’injustice d’hier est le ferment des convulsions de demain. Les rescapés d’hier ne sauraient être les laissés pour compte de la nouvelle donne.

Par-delà ces impératifs sécuritaires, l’accord s’aventure et c’est sans doute son mérite le plus visionnaire sur le terrain de l’intégration économique. Dans une région où les frontières furent souvent tracées pour segmenter plutôt que fédérer, l’émergence d’un espace économique fluide fait figure d’antidote à la géopolitique du soupçon.

La libre circulation des biens et des capitaux, assortie d’un cadre normatif commun, représente l’unique antidote pérenne aux spirales belligènes. Les corridors énergétiques, les infrastructures routières et ferroviaires, l’harmonisation des régimes miniers  : autant de lignes de force qui pourraient substituer à la logique de prédation une coopération mutuellement bénéfique.

Certes, cette symphonie diplomatique ne se jouera pas sans fausses notes. D’aucuns dénonceront l’entremise des puissances extérieures comme un rappel à une altérité tutélaire, indice d’une indépendance encore sous condition. Pourtant, pareille critique néglige l’heuristique du partenariat.

Les États Unis et le Qatar ne se posent pas ici en directeurs de conscience  ; ils arbitrent un espace de dialogue que les antagonistes eux mêmes peinaient à instituer. La signature ministérielle attendue le 27 juin, sous l’œil vigilant du secrétaire d’État Marco Rubio, conférera à cet édifice la légitimité politique nécessaire, mais non suffisante.

L’ultime consécration incombera aux chefs d’État, lors du sommet annoncé à Washington  : à eux de transfigurer l’intendance en dessein partagé, l’encre diplomatique en actes tangibles.

La communauté internationale se doit donc d’accompagner cette dynamique par une assistance financière ciblée, la mobilisation de compétences techniques et, surtout, une exigence de redevabilité. Car la paix, disait déjà Aristote, consiste moins dans l’absence de guerre que dans une disposition pérenne à la justice.

En définitive, cet accord, plutôt qu’un épilogue, trace l’esquisse d’un nouveau prologue. Au delà du soulagement immédiat que peut inspirer l’arrêt programmé des hostilités, c’est la possibilité d’une prospérité partagée qui se dessine, prompte à désamorcer les récidives conflictuelles.

Que ces deux nations, jadis séparées par la méfiance et la mémoire meurtrie, rédigent ensemble le chapitre d’une réconciliation telle est la grande leçon de ce 18 juin 2025. Elle rappelle aux sceptiques que, même sur les terres labourées de tant de larmes, les semences de l’espérance peuvent encore germer, pour peu que la main humaine s’y applique avec constance et discernement.

Dans un monde marqué par les tensions, l’initiative conjointe des États-Unis et du Qatar pour rapprocher la RDC et le Rwanda offre une rare bouffée d’espoir diplomatique

Publicité

AJOUTER UN COMMENTAIRE

REGLES D'UTILISATIONS DU FORUM
Publicité