Groupe Crystal Ventures ; investisseur atypique rwandais :histoire et identité

Redigé par IGIHE
Le 28 janvier 2013 à 01:30

Une grande partie de l’opinion publique se pose des questions sur les propriétaires de la Société Crystal Ventures et sur l’étendue de son investissement. D’aucuns disent que Crystal appartient au parti au pouvoir, le FPR/Front Patriotique Rwandais. D’autres disent que c’est une entreprise parastatale au moment où une autre opinion croit qu’elle a pour actionnaires des membres du FPR. Crystal Ventures est un Groupe qui rassemble en son sein Ruliba Clays Ltd, Inyange Industries, Mutara Enterprises, (...)

Une grande partie de l’opinion publique se pose des questions sur les propriétaires de la Société Crystal Ventures et sur l’étendue de son investissement. D’aucuns disent que Crystal appartient au parti au pouvoir, le FPR/Front Patriotique Rwandais. D’autres disent que c’est une entreprise parastatale au moment où une autre opinion croit qu’elle a pour actionnaires des membres du FPR.

Crystal Ventures est un Groupe qui rassemble en son sein Ruliba Clays Ltd, Inyange Industries, Mutara Enterprises, East African Granite Industries, Bourbon Coffee, CVL Developpers, Real Contractors, Intersec, GPS Ltd, NPD Cotraco, MSG et bien d’autres.

Après la faillite de l’Etat rwandais causée par le génocide Tutsi de 1994, des survivants de ce génocide et d’autres qui rentraient de l’exil avaient besoin de bonnes conditions de vie qui passent la bonne gouvernance qui embrasse non seulement le politique mais aussi la reprise des activités de croissance économique du pays. De façon visible, le FPR a atteint un niveau appréciable pour ces deux dimensions de la vie sociale. Pour y arriver, il a dépensé des sommes d’argent qui lui étaient restées après la guerre de libération. Il les a investies dans la croissance économique du pays. C’est ainsi qu’est née la Crystal Ventures.

Le journaliste Magnus Mazimpaka de Rwanda Dispatch a tendu le micro à au CEO de Crystal Venture, Prof Nshuti Manasseh. Ci après l’interview :

Quel est le volume actuel de Crystal Ventures ?

Nshuti Manasseh : Le Chiffre d’affaires d’une société commerciale change de jour en jour… pour l’immédiat Crystal Ventures a des valeurs de l’ordre de 500 millions de dollars

A qui appartient Crystal Ventures et quel est son mode de fonctionnement ?

Crystal est une branche d’investissement du FPR. Le FPR en collaboration avec d’autres partenaires a pu former un capital de démarrage suffisant pour s’adonner à une série d’activités commerciales variées. Nous n’avons aucune faveur ou un quelconque privilège du gouvernement rwandais.

Le FPR est l’un des investisseurs opérant au Rwanda. Les membres du FPR avaient des fonds et ils ont décidé de les placer dans les activités lucratives.

Ceci devrait se comprendre par la situation particulière qui a prévalu à la création de Crystal Ventures.

La faillite de l’Etat rwandais aidant suite au génocide des Tutsi de 1994, les citoyens avaient perdu espoir comme quoi l’Etat allait redémarrer. Il n’y avait aucun environnement propice à l’attraction des investissements.

C’est ainsi que nous avons mis sur pied Inyange Ltd (eau, jus, produits laitiers et autres).

Nos activités d’investissement se sont étendues à d’autres secteurs dont la construction… le FPR a investi dans des secteurs où il était difficile d’avoir des opérateurs économiques privés pour que l’Etat et la société rwandais puissent reprendre la normale.

Expliquez-nous votre mode d’investissement

Nous faisons du commerce, donc nous visons le profit. Et nous connaissons la psychologie de nos clients. Nous visons en même temps deux objectifs : le profit mais aussi le bien public. En d’autres termes, nous investissons dans des secteurs à hautes potentialités de profit et dans les secteurs prioritaires du Gouvernement qui, généralement, ne sont pas prisés par les autres investisseurs privés. Nous investissements sont délibérément à long terme en termes de profits à récolter.

Crystal Ventures serait-elle une propriété du FPR ou de ses membres ?

Crystal Ventures est une société des membres du FPR. Au nombre de ses partenaires et actionnaires, il y a RSSB (Rwanda Social Security Board) et autres investisseurs privés y compris des étrangers.

La direction élue de la société représente les intérêts du FPR et non les intérêts des individus membres.

Aucune personne physique n’a d’actions au sein de Crystal. En clair, les fonds investis dans Crystal sont ceux qui sont restés dans les caisses du FPR à la fin de la guerre en 1994.

Au vu de hautes fonctions gouvernementales (Ministre du commerce, conseiller du Président de la République) que vous avez occupées avant de diriger cette Cristal Ventures, comment faites –vous pour ne pas user de votre influence et manquer de fair play en compétition commerciale ?

Aucune ligne politique ou instructions de l’Etat ne sont faites pour le favoritisme de Crystal Ventures qui est indépendante à cent pour cent.

Chez nous, on ne fait pas de politique. Nous avions des fonds après guerre et nous avons réfléchi à leur usage pour apporter des changements économiques dans le pays.

Nous avons réfléchi sur le meilleur moyen de les investir à haut rendement pour qu’au cas où le parti a besoin de fonds pour ses campagnes électorales et autres activités.

Cette indépendance a été privilégiée à l’autre alternative, celle d’aller demander des contributions à des sociétés commerciales pour financer des activités électorales

Pourquoi des Ministres et autres dirigeants issus du FPR n’useraient-ils pas du favoritisme au profit de Crystal au cours de prises de décision l’impliquant ?

Les politiques sectorielles sont conçues et mis en exécution par le Gouvernement au cours du Conseil des Ministres. Or ce Conseil des Ministres n’est pas que fait uniquement par les membres du FPR.

La plupart d’entre eux sont issus du FPR ? Ces politiques sont décidées de façon transparente au point que je doute que Crystal Ventures puisse être dans leurs préoccupations durant le débat.

En vérité, lors de la passation de marchés publics, nous avons perdu beaucoup de ces derniers. Nous avons pu en gagner d’autres, il est vrai.

Mais c’est vous dire qu’aucun favoritisme n’est fait à notre faveur. Tenez ! Nous avons perdu des marchés importants comme la construction d’ immeubles publics construits par la ROKO kenyane, les marchés de construction de routes gagnées par la STRABAG allemande, d’autres marchés nombreux gagnés par des sociétés chinoises.

Vous avez des facilités d’accès aux fonds d’investissement contrairement à d’autres opérateurs économiques. Est-ce de par le fait que le FPR puise dans les caisses de l’Etat au profit de Crystal ?

Nous ne recevons de directives de personne ni même du Secrétariat général du FPR. Nous faisons professionnellement notre métier de commerce. S’il n’en était pas ainsi, ils nous dicteraient de ne pas donner nos offres de prix pour des marchés publics.

N’aimez-vous pas le favoritisme ?

La question n’est pas celle-là, mais plutôt le fait que le favoritisme est pratiquement impossible dans notre pays. On ne peut pas vivre du favoritisme jusqu’à non plus.

Pour ce qui est de notre part, les audits montrent très bien qu’il n’y a aucune trace de favoritisme.

Le Rwanda a-t-il de potentialités d’investissements à hauts profits ?

Oui, cela est vrai quand vous avez fait le bon choix du secteur d’investissement. Et puis, comme beaucoup de secteurs sont vierges, vous pouvez récupérer dans très peu de temps les fonds investis.

Dans le secteur Construction, nous avons investi dans des engins lourds parce que nous voulions entrer en compétitions avec des compagnies étrangères.

Pour ce qui est d’Inyange Ltd, si cette usine avait été initiée par un privé qui, ayant réalisé assez de bénéfice, décidait qu’il n’allait plus dans la transformation des produits laitiers, que ce serait-il passé pour le lait de nos fermiers de Nyagatare et d’ailleurs ?

Nous réalisons des profits même s’ils ne sont pas élevés. Actuellement nous utilisons l’argent des banques alors qu’auparavant nous n’utilisions que notre propre argent.

Quels sont les défis que vous observez dans le domaine des investissements au Rwanda ?

Avec la formation de l’East African Community il y a une compétition économique féroce. Le lait ugandais est moins cher par rapport à Inyange. L’eau kenyane est moins chère par raport à la nôtre. Il y a des mécanismes douteux dans tout ceci.

Voulez-vous dire que les sociétés rwandaises ne font pas assez de profit avec le grand marché de l’Est africain ?

Les matières premières de ces pays de l’est africain sont moins chères et les entreprises sont assez grandes pour produire beaucoup de marchandises au point qu’il leur est facile de baisser les prix.

Et là notre compétitivité en pâtit. Au Rwanda, nous payons des impôts sur tout item entrant dans la production. Dans les autres pays de l’afrique de l’Est, il n’en est pas ainsi.

Des critiques disent que vos produits ont des prix élevés

Nous vendons à un prix qui nous permet de faire des profits. Il est vrai que nos prix sont abordables par une certaine classe sociale.

Quel intérêt ont les membres du FPR dans les activités de Crystal ?

Il est une bonne chose quand une famille politique adopte des activités lucratives, au lieu de demander des contributions financières aux privés pour son fonctionnement autant que cela se fait dans les pays développés où telle société demande des intérêts au parti qu’il aura sponsorisé durant la campagne économique.

Nous ne voulons travailler sous l’influence de qui que ce soit. Cela permet aussi à la Famille FPR d’acquérir la capacité d’entreprendre ses programmes au moment opportun et où il est de besoin.

A qui Crystal Ventures donne-t-elle ses rapports d’activités ?

Cela dépend du type de rapport. Quand c’est un projet où d’autres partenaires sont impliqués, il est donné à l’assemblée des actionnaires. Quand c’est un projet entiérement financé par nos soins, le rapport est transmis au FPR.

Certains dissidents du FPR dont Karegeya et Kayumba disent que seules les hautes autorités du FPR profitent de cette Crystal Ventures. Vrai ?

Non ! Kayumba sait bien que nous n’avons jamais utilisé l’argent de l’Etat dans le commerce de Crystal. Par contre, le FPR a prêté au gouvernement 9 millions de dollars qui ne sont pas encore remboursés.

Tu ne peux pas décaisser de la BNR sans que le FMI le sache surtout quand il y a des bailleurs de fonds qui ont les yeux braqués sur l’utilisation de leur argent.

Le patrimoine de Crystal est celui de ses membres. Il faut également dire que le FPR en dépense une partie pour financer ses activités. Ainsi au cours des récentes élections présidentielles, 50 % du budget de fonctionnement du FPR ont été fournis par Crystal.

300 millions de francs ont été décaissés de Crystal pour contribuer au bon déroulement de la commémoration du 25ème anniversaire du FPR.

A quelle hauteur le Président suit-il les activités de Crystal et du FPR ?

En tant que Chairman du Parti, il est automatiquement le dirigeant de Crystal mais pas dans ses activités quotidiennes. Nous lui soumettons le rapport annuel des activités. Il suit de près nos activités en tant que dirigeant. Il n’a aucun rôle dans nos activités quotidiennes. Il ne peut pas avoir le temps.

Des fonds FPR investis à l’étranger ?

Oui, un peu partout dans le monde.

Votre Tendance à investir à l’étranger est-elle persistante ?

Oui mais tout dépend de la capacité financière de Crystal. Pour le moment, nous voulons fusionner toutes nos activités. La plupart de nos sociétés sont encore à leur début. Pour initier d’autres activités commerciales, il faut que les existantes soient bien assises.

Comment un simple citoyen profite-t-il des activités commerciales de Crystal Ventures ?

Nous avons une main d’œuvre de 70.000 ouvriers et un personnel de 10.000 agents. Inyange Ltd est très importante pour les fermiers rwandais qui lui fournissent en lait frais en échange d’argent.

Crystal a construit des voies publiques dans la paysannerie là où d’autres entreprises se déclaraient ne pas être prêtes. Crystal est l’une des entreprises qui payent un volume d’impôt très élevé dans le pays.

Vos objectifs à moyen terme ?

Fusionner les activités d’investissement des sociétés rassemblées dans le Groupe Crystal Ventures pour pouvoir mieux aller à l’assaut du marché de la région.

Concrètement nous allons étendre INYANGE Ltd au Burundi et à l’Uganda. Enfin, nous continuerons à investir dans des secteurs d’activités qui ne sont pas choyés par d’autres investisseurs.


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