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Qui soutiennent le troisième mandat de Pierre Nkurunziza ? Une tentative réflexive de compréhension

Redigé par Dr Isaac Nizigama
Le 3 septembre 2015 à 07:50

Décidément le Rwanda et le Burundi sont des faux jumeaux. Le Docteur Isaac Nizigama en souligne les contours autour de deux hommes d’Etat. Dans son long texte, il ne fera pas allusion au style de gouvernance musclé rwandais qui focalise sur les résultats ; un changement socio économique et culturel du citoyen. Il ne montrera pas que le Rwandais espère s’épanouir sainement quand il aura maîtrisé les outils et moyens de production tout en se désolidarisant des vendeurs de clichés pseudo démocratiques (...)

Décidément le Rwanda et le Burundi sont des faux jumeaux. Le Docteur Isaac Nizigama en souligne les contours autour de deux hommes d’Etat. Dans son long texte, il ne fera pas allusion au style de gouvernance musclé rwandais qui focalise sur les résultats ; un changement socio économique et culturel du citoyen. Il ne montrera pas que le Rwandais espère s’épanouir sainement quand il aura maîtrisé les outils et moyens de production tout en se désolidarisant des vendeurs de clichés pseudo démocratiques occidentaux, ceux-là qui nous font miroiter une démocratie théorique et irréelle dans la nudité et la mendicité.

Au Burundi, Nkurunziza est loin d’être un leader éclairé musclé comme le Rwandais Paul Kagame. Aucune action d’éclat dans le sens de créer des initiatives inédites de développement centré sur le petit citoyen tout en créant des conditions de rayonnement d’un capitalisme pur et dur. Non ! Contrairement à Kagame et ses frères d’infortune qui ont, depuis qu’ils ont pris le pouvoir, dépassé les décades d’exil pour être nés tutsi, la faim dans le ventre dans les camps de réfugiés, ne promeuvent-ils pas à tous les échelons de la vie économique et sans exception les jeunes gens, peu importe de quelle ethnie ou région qu’ils viennent au point qu’ils s’épanouissent dans les affaires ?

Nkurunziza est loin d’être ce leader tant espéré par les Barundi, les hutus de surcroît ! Car au Burundi, les Bahutus avaient pensé saisir leur étoile. Et cela les a perdus. Le pouvoir grise ou rend sage celui qui le prend. Mal intentionné, égocentrique et jamais satisfait des nourritures terrestes, il se corrompt jusqu’à être Caligula ou Néron romains. Capitaliste ou marxisant, dictateur ou nationaliste, l’homme politique africain visionnaire doit savoir qu’amasser ses richesses doit passer par l’inculcation des méthodes de grande productivité de richesses nationales tout en opérant des changements profonds de mentalités pour faire entre son peuple en pleine économie de marché et de facto, d’éclosion des mentalités démocratiques citoyennes responsables. Kagame y va avec son style de gouvernance. Nkurunziza devrait devoir s’y essayer autant que le suggère le texte ci après du docteur Isaac Nizigama.

Note de l’éditeur


Comment comprendre l’existence de Burundais(e)s, plus ou moins nombreux, qui soutiennent le troisième mandat anticonstitutionnel de Pierre Nkurunziza ?

Cette question vaut la peine d’être posée puisque ces gens manifestent une attitude difficile à saisir pour quiconque s’inscrit dans la logique de la modernité, du respect des principes démocratiques qui garantissent la liberté et la vie individuelles, la paix partagée et le respect des institutions responsables et des lois.

Ces gens ont commencé, depuis bien longtemps, à proférer des menaces contre toute personne qui avertissait des conséquences graves qui devaient découler d’un forcing de Pierre Nkurunziza pour faire un autre mandat allant au-delà des deux mandats reconnus par la Constitution et les Accords d’Arusha.

J’ai moi-même subi de telles menaces lorsque j’ai publié à la fin du mois d’août 2014 mon article intitulé « 2015 : Le Burundi à la croisée des chemins », où je dénonçais le projet du troisième mandat dont j’avais eu des échos.

Alors comment comprendre l’attitude de ces Burundais(es) pro-3è mandat de Pierre Nkurunziza du moment que le choix d’un autre candidat présidentiable pour cette législature n’était pas une chose difficile, encore moins impossible, pour le parti CNDD-FDD ?
Au-delà des appartenances politiques, il me semble que les pro-troisième mandat peuvent être classifiés en trois catégories principales :
1°Ceux qui, parmi les Bahutus du Burundi, sont acquis à l’ethnisme hutu révolutionnaire de type extrémiste

J’en parle dans mon récent livre intitulé « Murundi qui es-tu ? ». L’ethnisme hutu révolutionnaire, en tant qu’idéologie pour le changement sociopolitique au Burundi en faveur de la majorité hutue, longtemps mise à l’écart des rouages du pouvoir, et luttant ainsi pour l’égalité des chances, pour la démocratie véritable, pour la pleine citoyenneté burundaise pour toutes les composantes de la Nation burundaise, n’est pas en soi une mauvaise idéologie. Au contraire, on peut en retracer les idées dans le Palipehutu de Rémy Gahutu, dans le Frodebu de Ndadaye Melchior, dans le CNDD de Léonard Nyangoma, dans le CNDD-FDD d’avant 2007, etc. Les Accords d’Arusha eux-mêmes en reconnaissent implicitement la légitimité par les réformes structurelles et institutionnelles qu’ils ont exigées.
Mais au sein de ce courant révolutionnaire, la frange extrémiste ne s’en tient pas à l’idéologie égalitariste en faveur de la justice sociale. Elle perçoit plutôt, de façon globalisante, les Batutsis du Burundi et du Rwanda, comme des ennemis éternels des Bahutus de ces pays. Elle entretient une idéologie revancharde, prônant la vengeance contre les Batutsis pour des crimes commis dans l’histoire de ces pays par une partie de ces derniers.
Parmi les défenseurs du 3è mandat de Pierre Nkurunziza, en dehors du petit cercle qui contrôle le pouvoir, une bonne partie de Bahutus se situe dans ce courant extrémiste. Certains l’affirment ouvertement, d’autres agissent dans ce sens sans l’affirmer. J’ai même rencontré un Burundais qui m’a affirmé que « le troisième mandat est un mandat des Bahutus ».
Le problème de cette idéologie est qu’elle s’écarte dangereusement de l’idéal révolutionnaire lui-même. La révolution suppose en effet qu’on change l’ordre social pour le meilleur et non pour le pire. S’il y avait une situation d’injustice, la révolution devrait instaurer un ordre plus juste pour tous. On ne peut pas prétendre faire une révolution et remplacer un système injuste par un autre système injuste.

Les adeptes de cette idéologie extrémiste n’apprécient plus, de manière objective et cohérente, les situations d’injustice pouvant comporter des dimensions très graves : les tueries, les tortures, les violations graves des droits humains, la violation flagrante des lois du pays, etc. ne sont plus condamnées par ces gens pourvu que le projet de « Hutu power » soit consolidé.

Les propos qu’ils tiennent pour défendre ce pouvoir hutu sont souvent émotionnels, intolérants, justifiant tout, même l’injustifiable. Beaucoup de ces gens écrivent sur les réseaux sociaux sous couvert d’anonymat avec des pseudonymes, proférant des menaces et des injures contre les défenseurs des droits de l’homme et des lois du pays. Ils n’apportent souvent aucune argumentation pour soutenir leurs propos. Rien que des affirmations gratuites, répétitives, catégoriques, dirigées contre des individus.
De tels militants devraient être repérés pour que, si les choses venaient à changer, ils soient écartés des hautes fonctions du pays, à moins qu’ils n’abandonnent ce type d’idéologie. En effet, ce sont les principes universels qui protègent chaque personne, quelle que soit son origine ethnique ou régionale, qui doivent être promus et défendus pour que le Burundi puisse jouir d’une paix durable et par conséquent du développement économique. La violence, l’injustice et les exclusions ne font que perpétuer les cycles de violence et des vengeances sans fin.

2° Ceux qui sont souvent appelés des « ventriotes » (Ba Nsumirinda).
Ce mot est faible. Il qualifie des gens, de toutes les ethnies, de toutes les couches sociales et de toutes les régions, qui n’ont aucun idéal politique à poursuivre mais qui veulent seulement profiter des privilèges socioéconomiques allant avec le pouvoir politique. Je dis que ce mot est faible, parce que ces gens sont dangereux pour la société du moment qu’ils peuvent soutenir tout pouvoir quelles que soient sa cruauté et ses injustices, dans le but de gagner les bonnes grâces des dirigeants et de recevoir des positions (des postes) leur permettant d’arriver à leurs fins égoïstes. Parmi les défenseurs du 3è mandat, de telles gens sont aussi nombreux et Pierre Nkurunziza a su s’entourer de ce type de Burundais.

Pour de l’argent, ces gens peuvent accepter de commettre les crimes les plus innommables (sur la vie des citoyens et sur l’économie du pays). Beaucoup de ces gens parlent peu (du moins publiquement), écrivent peu, Sauf peut-être les plus haut placés qui doivent défendre leur position et le régime, ces « sans idéologie » savent seulement se rendre serviteurs pour les dirigeants et profiter des « dividendes de la paix » (expression de Pierre Nkurunziza) alors que d’autres concitoyens sont tués, emprisonnés injustement, exilés, maltraités et croupissent dans la misère.

Dans cette catégorie, on peut situer également les catégories de Batutsis qui avaient été marginalisés par les Bahima de Bururi après Micombero au cours des quelques 40 dernières années. Certains Baganwas ont aussi adopté un profil bas pour servir le pouvoir de Pierre Nkurunziza dans cette même perspective.
Si les choses venaient à changer, il faudrait également que les Burundais apprennent à repérer ce type d’individus lors des recrutements à de hautes fonctions demandant un leadership idéologique clair au niveau politique et économique. En étudiant leur curriculum vitae, et leur parcours (ces gens changent souvent d’allégeance politique suivant les intérêts), on peut les identifier et ainsi limiter le nombre de ces gens au niveau des hauts responsables du pays.

Le pays a en effet besoin de leaders visionnaires, ayant un idéal politique à poursuivre et à défendre pour le bien de la Nation. Les « sans idéologie » peuvent être utilisés à des échelons techniques, s’ils sont compétents, parce qu’ils ne poursuivent que de l’argent et le bien-être matériel. Or, un dirigeant de haut niveau pour un pays ne doit pas être motivé premièrement par la recherche du gain matériel. Il doit être animé d’un idéal politique, d’un projet de société, pour le pays.
3° Ceux qu’on peut qualifier de « suiveurs », indifférents aux idées et aux idéaux politiques, suivant des leaders politiques auxquels ils vouent souvent un culte de la personnalité. Ces gens sont parmi ceux qu’on nomme en Kirundi « Ntirumveko », mais aussi les simples paysans des collines qui maîtrisent peu le langage juridique, les lois du pays et la haute politique nationale et internationale.

Le mot d’ordre est souvent « Nzosaba uwimye » (Je servirai celui qui sera intronisé quel que soit le mode de son accession au pouvoir). Pour ces gens, que le Président Nkurunziza soit inéligible pour un troisième mandat, que ce dernier soit dénoncé comme anticonstitutionnel, cela n’est pas grave, puisqu’il a été investi, il faut se soumettre et le servir sans critiquer ! Ce type de Burundais n’ont pas pu répérer ou suivre l’évolution de la société burundaise et d’autres sociétés contemporaines.
Ils vivent comme dans l’antiquité où l’on suivait seulement les chefs les plus forts rien que parce qu’ils étaient momentanément les plus forts. Or, actuellement, les gens ne se contentent pas seulement de suivre, on critique, on veut comprendre pourquoi on doit suivre, on veut savoir si c’est légal, juste, légitime, utile même, etc.
Plus donc d’être dangereux, les « suiveurs » ont besoin de plus d’éducation civique et politique pour apprendre à distinguer le bon grain de l’ivraie, à suivre ce qui vaut la peine d’être suivi et à refuser de suivre les mauvais dirigeants. Malheureusement, Pierre Nkurunziza et sa machine du CNDD-FDD acquise à la cause du troisième mandat, ont su exploiter la grande masse des suiveurs du Burundi, surtout du Burundi profond, notamment en fermant l’espace politique, en empêchant d’autres politiciens, pouvant apporter des messages contredisant son idéologie, de faire campagne, d’apporter plus de connaissance politique sur les enjeux fondamentaux du moment aux gens des collines pour renforcer leur capacité à choisir.
Ces trois catégories me semblent répérables dans la conjoncture de la politique burundaise. La plus dangereuse est la première, parce qu’elle tend à légitimer et à tolérer la violence d’une manière cynique et insensible pourvu qu’elle consolide le pouvoir des Bahutus défendu sous la rhétorique de la libération. Il importe donc de répérer les adeptes de cette idéologie extrémiste, de noter leurs noms et leurs identités, pour qu’un jour ils rendent des comptes devant la Justice, en même temps que les promoteurs du troisième mandat anticonstitutionnel.

Ce dernier a déjà emporté de nombreuses vies humaines, beaucoup de Burundais ont été injustement emprisonnés, d’autres contraints à s’exiler. Qui plus est, l’impunité s’est installée de façon permanente du côté des auteurs de ces crimes. On ne peut invoquer l’idéal de la libération des Bahutus en commettant de tels actes et atrocités rétrogrades. Et la capacité du pouvoir de poursuivre et de punir les criminels, qui peuvent ne même pas seulement provenir de chez ses défenseurs, s’est considérablement réduite à cause de ce troisième mandat dont la légitimité est contestée. La vie humaine est sacrée et elle doit être protégée par les pouvoirs publics.
Tôt ou tard, la justice fonctionnera et les auteurs et les défenseurs de ces crimes et des criminels, ainsi que les détenteurs du pouvoir qui se rendent coupables d’une telle direction vers laquelle ils mènent le Burundi, seront poursuivis et punis. On doit le redire, la vie humaine est sacrée, on ne peut s’arroger le droit de l’ôter à son semblable sous aucun prétexte. La démocratie doit défendre chaque citoyen individuel dans ses droits. Les dirigeants qui détiennent les moyens publics de la violence légitime doivent utiliser cette dernière pour le bien des citoyens, pour protéger la vie de chaque citoyen. Ils ne peuvent invoquer la démocratie pour brimer les droits fondamentaux des citoyens. Tôt ou tard, ils devront rendre des comptes de l’usage des responsabilités publiques qui leur ont été confiées par la confiance du peuple dès 2005 dans l’esprit et l’application des Accords d’Arusha pour la paix et la réconciliation.


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