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Accusés d’empoisonnement, massacrés - Les anciens élèves rescapés du génocide au GS Marie Merci Kibeho réclament justice

Redigé par Ingrid Jossy Ineza
Le 12 mai 2020 à 12:44

GS Marie Merci Kibeho est une école publique sous convention religieuse fondée en 1989. Pendant le génocide contre les Tutsis, de nombreux élèves ont été enlevés et trouvés massacrés par leurs camarades de classe en complicité avec les Interahamwe dans les enceintes du Groupe Scolaire Mère du verbe ex-Ecole des Lettres.

Depuis les années 1990, dans la région de Gikongoro où se trouve cette école, c’est là qu’a commencé le génocide des Tutsi d’Avril-Juin 1994. Les élèves hutus avec leurs professeurs ont commencé à préparer les manifestations contre les dirigeants tutsis de l’école dont le directeur Sebera Jean-Marie Vianney.

Mureramanzi Jérôme, un tutsi qui fut professeur de cette école jusqu’en 1992, confie que ses collègues hutus lui disaient qu’ils allaient le tuer mais qu’il n’y croyait pas.
Ça a commencé avec la mutation de certains directeurs et professeurs certains dans les écoles primaires du fait que, disait-on, étaient incompétents. Même si Mureramanzi n’a pas était été redéployé, il a perdu un quart de son salaire parce qu’il est Tutsi.

Raconte-t-il « Tous ces actes étaient un prélude de ce qui allait se passer. on a chassé ces personnes, semé la haine dans les élèves et tout cela, publiquement", raconte Mureramanzi qui se dit étonné le jour où, devant ses élèves, ceux-ci se sont levés en bloc et lui ont lancé à la figure : " Pourquoi vous les Tutsis voulez toujours donner des ordres ?".

À cause de toutes ces tortures morales, Mureramanzi a décidé de quitter son emploi en 1992 et il a rejoint la guérilla du FPR Inkotanyi dans le but de libérer son pays.

Les préparatifs du génocide dans Marie Merci Kibeho continuent
Entretemps, les esprits surchauffés, les élèves du GS Marie Merci ont continué d’organiser des manifestations bruyantes jusqu’en mars 1994. N’en pouvant plus, les dirigeants de la dite école ont été obligés d’arrêter les activités scolaires et l’école a fermé ses portes durant 30 jours.

Mutiganda Innocent était en 2eme année dans ce groupe scolaire. Il raconte qu’à un certain moment les parents militaires de certains élèves venaient voir leurs enfants en tenue militaire.

« Normalement lorsque les élèves commettent une faute ils sont punis. Mais au cours de cette situation de pré-génocide, les élèves violents proférant la haine ethnique étaient impunis, mieux, leurs crimes étaient passés sous silence comme si rien n’était passé. Les enfants des officiers supérieurs de l’Armée Gouvernementale (Forces Armées Rwandaises) portaient des tenues militaires dans l’enceinte de l’Ecole. Ils avaient le droit de porter des armes blanches soi-disant pour se protéger des Inyenzi », se souvient Mutiganda.

Lorsque le génocide perpétré contre les Tutsis est survenu, toutes les écoles du pays avaient commencé les vacances de Pâques sauf le G.S Marie Merci Kibeho. Les élèves du Groupe devaient suivre les cours pendant les 30 jours chômés à cause des grèves.

Zigirumugabe Théophile qui était en 3eme année secondaire dans Marie Merci Kibeho raconte à IGIHE que lors du génocide les Tutsi des collines avoisinant Kibeho se sont réfugiés vers la paroisse Kibeho espérant pouvoir y survivre.
Les élèves de Marie Merci Kibeho, quant à eux, avaient reçu l’ordre de rester à l’école. Des gendarmes étaient placés aux portes de l’école pour empêcher que personne ne sorte.

Zigirumugabe dit que c’était seulement les Tutsis qui ne pouvaient pas sortir parce que les élèves Hutu étaient libres surtout la nuit pour participer aux réunions avec les Interahamwe. Ils préparaient ensemble des plans de massacrer les élèves Tutsis de cette école en premier.

En date du 14 Mai 1994, les Tutsis qui s’étaient réfugiés dans la paroisse de Kibeho ont été tués. Ce jour-là, environ trois mille personnes ont été tuées.
Même si les élèves de Marie Merci Kibeho entendaient des coups de feux, ils ne savaient ce qui se passait parce qu’ils n’en étaient pas informés.

Les élèves filles Tutsies ont aidé un enfant rescapé de la tuerie à l’arme à feu et autres machettes et massues qui s’était déroulée dans la paroisse Kibeho. Elles l’ont ramené avec elles à l’école parce qu’elles voyaient qu’il n’y avait personne pour sa protection. À cause de la peur et l’angoisse pour avoir perdu les siens l’enfant a passé toute la nuit en pleurs, ce qui a mis en colère les filles hutu.

Le lendemain elles sont allées chez les Interahamwe pour dénoncer les filles tutsies les accusant d’avoir amené leur frère dans l’internat. Les Interahamwe ont fait irruption et ont tué cet enfant.

Ils ont commis ce crime devant tous les élèves. Par après, ils l’ont jeté dans une fosse après l’avoir découpé en morceaux. Les élèves hutus ont alors promis la même mort à leurs camarades tutsi.

Ce voyant, certaines élèves ont tenté de fuir l’école. Pour ceux qui sont restés à l’école et qui devaient faire la cuisine pour leurs camarades Hutu, il a été fomenté un prétexté pour les massacrer. L’argument tout trouvé est qu’ils avaient empoisonné le repas qu’ils avaient préparé pour tuer les Hutu.

Dans la matinée du 7 juin 1994, les Interahamwe ont commencé de tuer les 90 Tutsi qui étaient restés à l’école.

« Vers 4h du matin, les gendarmes qui nous gardaient nous ont ordonné d’aller au réfectoire. Après un instant, nous avons entendu un coup de feu. Les Interahamwe sont entrés avec leurs machettes, sifflets, fouets……… Des 90 élèves, il n’a survécu que huit enfants", se souvient Zigirumugabe qui pour échapper à ces tueries des Interahamwe en complicité avec les gendarmes qui les gardaient, a pu fuir par la fenêtre pour se cacher dans les toilettes.

Mais c’était juste un petit sursis puisqu’après ces massacres, les Interahamwe ont inspecté les lieux et l’ont débusqué de la cachette où il se blottissait.
"Ils m’ont amené et jeté dans une fosse commune où ils avaient rassemblé les corps de mes camarades. Ils ont tiré sur nous pour s’assurer qu’aucun d’entre nous n’allait survivre. Par chance, les balles de fusils m’ont troué le corps et je suis resté vivant jusqu’au moment où un garçon ami est passé dans ladite fosse et m’a repêché pour aller me cacher chez ses parents", confie Zigirumugabe qui se souvient que les dits Interahamweont su qu’il avait survécu, qu’ils ont cherché où il se cachait et ne pas pu le débusquer car il avait rejoint les positions des Inkotanyi.

Que la justice soit faite pour les Tutsis qui ont subi le crime aux écoles de Kibeho

Zigirumugabe regrette le fait que les bourreaux de l’Ecole Marie Merci n’ont pas écopé des peines proportionnelles à leurs forfaits. "Les professeurs et élèves qui nous ont génocidé ont, après le génocide des Tutsi, regagné leurs domiciles un peu partout dans le pays. Les juridictions Gacaca qui se sont déroulées partout dans le pays ne poursuivaient que des criminels qui étaient connus des rescapés de leur voisinage. Personne ne pouvait poursuivre un élève du GS Marie Merci situé à plusieurs kilomètres de son village", dit avec dépit Zigirumugabe. Pourtant ce jeune homme et ses camarades survivants, peuvent documenter ce crime organisé au GS Marie Merci encore que le crime de génocide n’expire jamais.

Outre le fait que ses anciens camarades d’école Hutu ayant fui au Burundi, en RDC et ailleurs, ceux-là qui participaient aux réunion de planification des massacres de leurs collègues, Zigirumugabe se révolte contre le fait que l’Abbé directeur du GS Marie Merci, Emmanuel Uwayezu, celui-là qui commandait les Interahamwe pour tuer les professeurs et élèves tutsi, vit en Italie à Rome et n’est pas du tout inquiété.
"Nous exigeons que justice soit rendue pour les Tutsis tués à l’école Marie Merci et à l’Ecole des Lettres de Kibeho. Que ceux qui ont commis ces crimes soient punis", crie-t-il révolté.
Ingrid


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