Ayant grandi dans un camp de réfugiés en Ouganda, Kagame, entre l’âge de 11 et 12 ans, a commencé à s’interroger sur les raisons pour lesquelles sa communauté se trouvait dans une telle situation et comment elle y était arrivée.

Son père est décédé lorsque Kagame avait entre 15 et 16 ans, période pendant laquelle il avait commencé à lui poser des questions sur leur passé.

Kagame a raconté "C’est une longue histoire que je ne peux pas entièrement relater ici, mais je peux en partager quelques fragments. Ma famille a dû fuir le Rwanda alors que j’avais un peu plus de 4 ans. Nous avons trouvé refuge en Ouganda, où nous avons vécu dans différents camps de réfugiés. C’est là que j’ai grandi, et mon père est décédé quand j’avais environ 15 ou 16 ans. »

Il a également évoqué les difficiles conditions de vie dans ces camps de réfugiés, qui l’ont poussé à se questionner davantage.

« Je me souviens, peu avant le décès de mon père, quand j’avais 11 ou 12 ans, je lui demandais pourquoi nous étions là, pourquoi nous étions devenus des réfugiés, car je voyais ce que d’autres personnes enduraient. Dans notre famille, étant le benjamin, je voyais mes grands frères faire la queue pour de la nourriture, puis la ramener à la maison pour que nous puissions la partager. Cela m’a incité à questionner notre situation. Ces expériences m’ont profondément marqué. »

D’après les récits de son père, Kagame a appris qu’aucun membre de sa famille n’avait commis de crime ; ils étaient plutôt les victimes de politiques désastreuses et de l’histoire tumultueuse de leur pays.

« Il m’a tout expliqué, et au fur et à mesure que je grandissais, je conservais ces récits en mémoire », a-t-il déclaré.

Réfléchissant sur les moyens de retourner dans leur pays avec ses camarades, mais sans succès, ils ont finalement rejoint l’armée de Yoweri Museveni en Ouganda, saisissant l’opportunité de s’engager dans leur propre lutte.

« Nous avons rejoint les forces de Museveni, qui luttaient contre l’armée gouvernementale. Nous pensions que si nous survivions à cette lutte, ce que nous aurions réalisé et appris nous aiderait à mener notre propre combat pour changer la politique, et améliorer la vie dans notre pays », a ajouté Kagame.

Paul Kagame fut l’un des 27 hommes qui, aux côtés de Yoweri Kaguta Museveni, lancèrent une guerre de libération en Ouganda en 1981, qui dura 5 ans.

L’équipe de cette libération comptait une quarantaine de membres, dont 27 étaient armés ; Kagame faisait partie de ces combattants armés à l’âge de 24 ans. Au sein de cette équipe, qui menait la lutte ougandaise, Kagame était aux côtés de Fred Rwigema ; ils étaient les seuls Rwandais, rejoints plus tard par d’autres compatriotes.

Kagame a précisé qu’à l’époque, il n’envisageait pas de diriger le Rwanda.

« Ce n’était pas mon intention à ce moment-là ; je réfléchissais plutôt à ce que nous pouvions faire pour améliorer la situation », a-t-il expliqué.

En 1990, après avoir suivi une formation militaire de commandement à Fort Leavenworth, au Kansas (États-Unis), il est retourné au Rwanda pour prendre la tête de l’Armée Patriotique Rwandaise, après la mort de Fred Rwigema.

Il a appris le décès de Rwigema alors qu’il se préparait à quitter les États-Unis pour rejoindre le combat.

« La lutte avait débuté en mon absence, alors que j’étais parti suivre une formation. J’ai dû interrompre mes études et revenir car la situation était critique », a-t-il confié.

« La mort de notre leader, Fred Rwigema, a créé un vide énorme. J’avais prévu de revenir avant même d’être informé de son décès. Cette nouvelle, apprise en chemin, confirmait la gravité de la situation. À mon arrivée, j’ai réalisé l’ampleur du défi : il fallait rassembler les gens et raviver leur volonté de combattre. »

Cette intervention de Kagame sur des stations de radio privées constitue un moment significatif, car il s’agit de sa première interview en direct sur un média privé depuis dix ans, la précédente ayant été accordée à la Radio Contact FM.