Guerres civiles, tensions frontalières, effondrements étatiques, crispations identitaires : le siècle naissant s’ouvre sur un concert dissonant d’affrontements, d’éclats de haine et d’abandons silencieux. Mais comment, dans un monde si fragmenté, concevoir encore l’utopie raisonnable d’une paix véritable, non comme un simple interlude entre deux conflits, mais comme un ordre fondé sur la justice, la reconnaissance mutuelle et la solidarité entre les communautés ?
La paix ne saurait se réduire à la signature de traités solennels dans le marbre diplomatique. Elle ne résulte pas seulement du bon vouloir des chancelleries ou de la lassitude des belligérants. Elle exige un travail long, profond, souvent ingrat, d’édification patiente des conditions de la coexistence. Car la paix durable, pour être plus qu’une simple cessation des hostilités, appelle la consolidation d’institutions impartiales, le respect rigoureux de l’État de droit, la garantie des droits fondamentaux et la réhabilitation de la parole comme vecteur de résolution des différends.
Elle suppose aussi, plus en amont, l’organisation équitable des relations entre les communautés humaines, la reconnaissance des mémoires blessées, l’investissement dans l’éducation à la tolérance, à la citoyenneté et à la dignité partagée.
Nulle paix authentique ne peut se bâtir sur l’oubli ou l’amnésie imposée : elle exige justice. Non point justice vengeresse, mais justice réparatrice, restaurative, qui redonne nom, visage et histoire aux victimes. Une paix véritable n’évacue pas le passé : elle l’intègre dans un récit commun, non pour figer les antagonismes, mais pour ouvrir un chemin de réconciliation.
L’Afrique du Sud post-apartheid, le Rwanda post- génocide contre ls tutsi, ou encore la Colombie post-FARC nous enseignent, dans leur diversité, que si la réconciliation demeure un chemin escarpé, elle n’est pas hors de portée. Là où les hommes et les femmes s’emploient à retisser le tissu déchiré de la confiance, là renaît une espérance possible.
Mais au-delà des arènes officielles, la paix se forge aussi dans les cœurs, dans les consciences et dans les actes quotidiens des peuples. Elle réside dans la mobilisation des sociétés civiles, dans la capacité des citoyens à dire non à la spirale de la haine, à s’organiser, à témoigner, à interpeller, à panser. Ce sont les voix multiples de femmes, d’hommes, de jeunes, de réfugiés, d’enseignants, de cultivateurs, de croyants de tous horizons qui, par leur engagement concret, repoussent les frontières de la résignation. Car la paix n’est pas le fruit d’un décret : elle est une œuvre collective, un élan partagé, une marche résolue vers un horizon commun, même incertain.
Il nous faut donc, avec humilité et détermination, renouer avec l’art politique au sens le plus noble, celui qui ne vise pas à conquérir le pouvoir, mais à organiser le vivre-ensemble, à rendre possible une vie bonne au sein de la pluralité. Il nous faut forger une diplomatie du soin, du dialogue et de la vérité, qui ne soit ni naïve ni désarmée, mais ferme sur les principes et attentive aux vulnérabilités.
En ces temps de dislocation géopolitique et de désenchantement démocratique, penser la paix relève moins de l’idéalisation que de la lucidité. Elle n’est ni donnée ni acquise : elle se construit dans la durée, contre vents et marées, dans la fidélité à ce que l’humanité a de meilleur à offrir, sa capacité à créer, à réparer, à aimer. C’est là, dans cette marche exigeante et fragile vers la paix, que se joue sans doute la véritable grandeur de notre siècle.

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