Les dérives de la MONUSCO et la menace des FDLR : le Général Makenga décrypte les enjeux sécuritaires en RDC

Redigé par IGIHE
Le 14 mars 2025 à 03:24

Dans un entretien exclusif accordé à l’ancien sénateur et chercheur belge Alain Destexhe, à Goma le 12 mars 2025, le général Sultani Makenga s’est exprimé sur plusieurs sujets brûlants, notamment le rôle controversé de la MONUSCO dans l’est de la RDC, les relations présumées avec le Rwanda, la menace persistante des FDLR, ainsi que les accusations d’exploitation minière et d’ingérence étrangère.

Il a également dénoncé les sanctions internationales visant son mouvement. Face aux défis sécuritaires et économiques, il plaide pour un Congo fédéral et décentralisé, tout en critiquant la gouvernance du président Tshisekedi. Voici un extrait publié sur la plateforme X par Alain Destexhe.

Alain Destexhe : Vous demandez le départ de la Monusco qui a participé aux combats contre vous ?

Sultani Makenga : Non, mais la MONUSCO a dévié de sa mission de maintien de la paix et devrait être neutre. Même si la Monusco a tiré sur nous, nous ne sommes pas animés d’un esprit de vengeance. Quand le combat est fini, il n’y a chez nous aucune haine des anciens adversaires.

Alain Destexhe : L’Union européenne demande la réouverture de l’aéroport de Goma pour acheminer de l’aide humanitaire ?

Sultani Makenga : J’y suis favorable, mais les FARDC ont détruit et pillé la tour de contrôle et ils ont laissé des postes de fortification et de nombreux véhicules sur les pistes dont nous craignons qu’ils soient minés. Le terrain (herbeux) autour de l’aéroport est peut-être aussi miné. Allez voir par vous-même !

Alain Destexhe : On vous accuse d’être les marionnettes du Rwanda ?

Sultani Makenga : Le régime de Kinshasa cherche un bouc émissaire pour les problèmes qu’il a créés ou qu’il n’a pas résolus. Les Rwandais nous comprennent et ils essaient d’expliquer notre situation au monde. Ce sont nos voisins et nos frères et ils font face, comme nous, depuis longtemps à la menace des FDLR. Nous avons encore aussi une centaine de milliers de réfugiés dans des camps au Rwanda qui souhaitent rentrer chez eux.

Alain Destexhe : Pensez-vous que Tshisekedi avait l’intention d’attaquer le Rwanda ?

Sultani Makenga : Il l’a déclaré lui-même. De plus, avec les forces et les armes qu’il avait concentrées à Goma et les alliances dans la région, notamment avec le Burundi et les FDLR, cela me semble évident.

Alain Destexhe : Les FDLR constituent-elles encore une menace ?

Sultani Makenga : Les FDLR sont partout dans les FARDC, y compris dans la garde présidentielle. Ils ont été rééquipés et réarmés. Ils ne peuvent pas gagner la guerre contre nous, mais ils peuvent encore s’en prendre à des populations civiles dans notre zone qui est très vaste et où les villages sont espacés. Il y a trois jours, ils ont tué 40 personnes dans le village de Kirumbu. Par ailleurs, avec les FARDC, les FDLR ils détruisent le Parc national de Virunga que nous voulons protéger.

Alain Destexhe : Certains disent aussi que les minerais constituent votre principal objectif ?

Sultani Makenga : Écoutez ! D’abord, on a passé des années dans des zones où il n’y avait aucune mine. Quand il nous arrive de prendre une localité où il y a une mine comme à Rubaya, nous ne nous mêlons ni de près ni de loin à l’exploitation qui est faite de façon artisanale par les populations locales à travers des coopératives. Puis les minerais sont achetés par des intermédiaires qui les vendent à des sociétés qui les exportent.

Alain Destexhe : Vous n’intervenez pas dans la commercialisation ?

Sultani Makenga : Pas du tout ! (d’un ton ferme). Mais depuis que nous contrôlons la frontière à Goma et à Bukavu, nous percevons des droits de douane sur les marchandises, avec des tarifs plus réduits et sans l’arbitraire et la corruption qui caractérisent le régime de Kinshasa.

Alain Destexhe : Et les sanctions qui vous visent ainsi que le Rwanda ?

Sultani Makenga : C’est injuste. La vérité finira par émerger. Quand on tue les nôtres, personne ne s’émeut et il n’y a pas de sanctions. Quand nous réagissons, nous sommes sanctionnés.

Alain Destexhe : Quelles sont les relations entre le M23 politique et militaire ?

Sultani Makenga : Bertrand Bisimwa est le président du M23, j’en suis le vice-président et je m’occupe de la branche militaire. Nous faisons partie d’une plateforme plus large, l’AFC, l’Alliance Fleuve Congo dont Corneille Nangaa est coordinateur.

Alain Destexhe : À Goma, la vie semble normale, mais les banques sont fermées, pourquoi ?

Sultani Makenga  : C’est Kinshasa qui a fermé les banques. L’argent déposé dans les banques n’appartient pas à Tshisekedi, mais aux clients ! Il punit la population et continue la spoliation à distance.

Alain Destexhe : Le M23 est-il multiethnique ?

Sultani Makenga : Notre président est un Shi, notre porte-parole est Luba comme Tshisekedi, le porte-parole adjoint est Mukongo du Bas-Congo (il me cite une série de noms avec leur appartenance ethnique), mais nous voulons construire une nation et un Etat qui dépassent ces questions ethniques qui handicapent notre grand pays.

Alain Destexhe : Quel message souhaitez-vous adresser à la communauté internationale ?

Sultani Makenga : Notre combat est existentiel. Nous luttons pour notre survie. Nous sommes pour un Congo uni, décentralisé et fédéral qui s’attaque avec urgence aux questions de développement et de gouvernance. Vous avez vu comment vivent les Congolais sous Tshisekedi ? Qu’est ce qu’il a fait pour eux ?

Alain Destexhe : Vous êtes un combattant, vous avez passé cinq années dans des conditions très difficiles sur les hauteurs du volcan Sabinyo aux limites des trois pays, Congo, Rwanda et Ouganda. Comment viviez-vous ? Dans une maison ?

Sultani Makenga : (Éclats de rire). Je vais vous inviter à aller voir sur place vous-mêmes !

L’interview menée par Alain Destexhe à Goma, RDC, le 12 mars 2025, permet de revenir sur la situation sécuritaire complexe qui prévaut dans l’est de la RDC.

Né le 19 juin 1958, Destexhe a marqué la politique belge en tant que sénateur de 1995 à 2011 et membre du Parlement régional de Bruxelles jusqu’en 2019. Ancien membre du Mouvement Réformateur (MR), il a également représenté la Belgique au Forum Économique Mondial.

En 2006, il a reçu le prestigieux Prix de la Liberté de Nova Civitas pour son action en faveur des droits et libertés. Sa carrière s’est également enrichie au sein de Médecins Sans Frontières, où il a été Secrétaire Général de 1991 à 1995, puis à la tête du Groupe de Crise International entre 1997 et 1999.

Dans un entretien exclusif accordé à l’ancien sénateur et chercheur belge, Alain Destexhe, le Général Makenga s’est exprimé sur le rôle controversé de la MONUSCO en RDC et la menace que constitue les FDLR

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