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Dire au théâtre le génocide du Rwanda, le défi de Dorothée Munyaneza

Redigé par afp
Le 27 avril 2017 à 10:04

L’enfance de Dorothée Munyaneza s’arrête le 6 avril 1994, lorsque débute le génocide des Tutsis au Rwanda. Elle a 12 ans. Vingt trois ans plus tard, c’est à une "communion" qu’elle invite le public avec un spectacle saisissant, "Samedi détente".
La pièce jouée jusqu’au 28 avril au Théâtre des Abbesses et le 20 juin au Festival de Marseille, a été créée en 2014 à Nîmes, soit vingt ans exactement après les faits. "En cent jours, il y eu plus de 800.000 morts. Ce fut le génocide le plus rapide de l’histoire", dit (...)

L’enfance de Dorothée Munyaneza s’arrête le 6 avril 1994, lorsque débute le génocide des Tutsis au Rwanda. Elle a 12 ans. Vingt trois ans plus tard, c’est à une "communion" qu’elle invite le public avec un spectacle saisissant, "Samedi détente".

La pièce jouée jusqu’au 28 avril au Théâtre des Abbesses et le 20 juin au Festival de Marseille, a été créée en 2014 à Nîmes, soit vingt ans exactement après les faits. "En cent jours, il y eu plus de 800.000 morts. Ce fut le génocide le plus rapide de l’histoire", dit sur scène le musicien Alain Mahé.

Il lui suffit de frotter l’une contre l’autre deux lames de couteaux pour évoquer les machettes qui tranchèrent les cous, les seins, les ventres, les bras, les jambes pendant ces journées effroyables.

Les massacres ne sont jamais montrés sur scène, il suffit de brandir une machette, de lancer un cri, de voir un corps se recroqueviller pour que le public éprouve l’horreur de l’événement.
Bien sûr, pour Dorothée Munyaneza, aujourd’hui âgée de 34 ans, chaque représentation "est une épreuve". "Chaque nom que j’énumère sur scène me fait du mal", dit-elle.

Ce soir d’avril, au Théâtre des Abbesses, elle est "particulièrement émue. On est en avril, c’est 23 ans plus tard, je sentais qu’il y avait des Rwandais dans la salle... il y a un moment de communion, d’être ensemble, de voyager et de convoquer ceux qui ne sont plus là".

Sur scène, ils sont trois : le musicien et improvisateur Alain Mahé, la danseuse et chorégraphe ivoirienne Nadia Beugré, corps puissant de déesse africaine, et Dorothée Munyaneza, si fine qu’elle peut sans problème incarner l’enfant de douze ans d’alors, dans sa robe bleue d’écolière.

"Quand je suis sur scène je vais puiser dans l’énergie d’avant pour raconter, j’essaie de me souvenir de l’enfant que j’étais à l’époque. La robe bleue que je porte, c’est celle que j’avais pour aller à l’école, toutes les filles étaient habillées comme ça, les garçons étaient en short et chemise kaki", dit-elle en souriant.

Festival d’Avignon

Une famille heureuse, le père pasteur, très engagé dans la réconciliation entre Tutsis et Hutus, la mère partie depuis peu à Londres, où toute la famille devait la rejoindre l’été 1994. Mais le 6 avril, l’avion du président Habyarimana est abattu, marquant le déclenchement du génocide des Tutsis.

La pièce est un patchwork, où le chant, la parole, la danse, la musique inventive d’Alain Mahé retracent par petites touches la peur, l’errance de la famille sur les routes, les retrouvailles "miraculeuses" avec la mère.

"Elle n’avait aucune nouvelle à Londres, et un jour elle a décidé de venir en passant par le Kenya, puis par l’Ouganda. Là, personne ne voulait l’emmener. On lui disait qu’elle allait dans un charnier à ciel ouvert. Un chauffeur a fini par l’emmener et nous étions revenus à Kigali depuis seulement deux jours, c’est un miracle qu’elle nous ait retrouvés".

La famille finira par échapper au massacre, s’installant à Londres où Dorothée Munyaneza a grandi et s’est formée à la musique et au chant. Interprète pour d’autres chorégraphes, elle signe avec "Samedi détente" (nom d’une émission de radio populaire du Rwanda avant le génocide) sa première pièce.

Elle prépare pour le Festival d’Avignon une pièce sur les femmes violées et les enfants nées de ces viols, "Unwanted", qui sera jouée du 7 au 13 juillet.

"Samedi détente" a été joué au Rwanda, à Kigali et Butaré, en novembre dernier. "J’ai deux tantes qui sont venues nous voir à Kigali, et on a pleuré ensemble. Pour moi c’était une offrande, je leur rapportais ce qui reste, c’est un témoignage devenu une oeuvre artistique".


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