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Coronavirus : le saxophoniste Manu Dibango est mort des suites du Covid-19

Redigé par France Info
Le 26 mars 2020 à 01:39

Manu Dibango est mort. La famille du chanteur et saxophoniste a annoncé, mardi 24 mars, son décès des suites du Covid-19, la maladie provoquée par le coronavirus. "Chers parents, chers amis, chers fans, une voix s’élève au lointain… C’est avec une profonde tristesse que nous vous annonçons la disparition de Manu Dibango, notre ’Papy Groove’, survenue le 24 mars 2020 à l’âge de 86 ans, des suites du Covid-19", a-t-elle déclaré.

Arrivé à Marseille en 1949 alors qu’il était adolescent, fait Chevalier de la Légion d’honneur en 2010, l’artiste camerounais était encore en pleine forme et en tournée l’an passé pour ses 60 ans de carrière avec son Safari Symphonique mêlant jazz et musique classique, un programme dont il nous avait parlé en juillet 2019 avec sa bonne humeur et son dynamisme inaltérables. Manu Dibango était un géant par sa taille et son talent, mais aussi par sa gentillesse et son enthousiasme communicatif.

Le 18 mars, la contamination de l’artiste avait été annoncée sur sa page Facebook. Mais ce communiqué nous donnait alors l’espoir que le solide colosse, qui avait traversé plus de 86 années de vie terrestre en conservant cette pêche inoxydable, surmonterait ce terrible coup dur. Cela n’aura pas été le cas. À cause des règles du confinement, "les obsèques auront lieu dans la stricte intimité familiale, et un hommage lui sera rendu ultérieurement dès que possible", précise la famille dans son communiqué.

Tout au long d’une longue et dense carrière, Manu Dibango a traîné sa haute silhouette et son large sourire reconnaissables entre mille sur les cinq continents. C’est en Europe qu’il a posé ses valises, s’installant en France à partir de 1949, d’abord à Marseille, puis en vadrouille en Belgique, à Bruxelles, afin de s’établir en région parisienne.

Jeu sans frontières
Activiste de l’abolition des frontières entre les genres musicaux, Manu Dibango se décrivait comme un "bâtisseur de ponts entre l’Occident et l’Afrique". Il a abordé de multiples styles, collaboré avec de grands musiciens africains comme Youssou N’Dour et Angélique Kidjo, des rock stars comme Peter Gabriel et Sting, des chanteurs français comme Serge Gainsbourg, Nino Ferrer ou Dick Rivers, des musiciens classiques, et, bien sûr, des gens du jazz comme Herbie Hancock, Bill Laswell ou, en France, le bassiste Jérôme Regard et le tubiste Didier Havet. En 2007, il a rendu un hommage discographique au saxophoniste américain Sidney Bechet qui, comme lui, s’était établi en France. C’est auprès d’un ami, le musicien et écrivain camerounais Francis Bebey, que Manu Dibango avait découvert le jazz dans les années 50.

Né le 12 décembre 1933 à Douala, au Cameroun, Emmanuel N’Djoké Dibango a grandi au sein d’une famille protestante très stricte. "Mon oncle paternel jouait de l’harmonium, ma mère dirigeait la chorale. Je suis un enfant élevé dans les Alléluia. Ça n’empêche que je suis africain, camerounais et tout ça", confiait le musicien à l’AFP en août 2019. Son père, fonctionnaire, qui rêvait d’en faire un ingénieur ou un médecinl’a envoyé en France à l’âge de 15 ans. Mais son destin aura été autre.

Après 21 jours de bateau, Manu Dibango rejoint Marseille, puis Saint-Calais dans la Sarthe. Dans ses bagages, "trois kilos de café", alors une denrée rare dans l’immédiat après-guerre et futur titre de son autobiographie, pour payer sa famille d’accueil. Puis il étudie à Chartres, où il fait ses premiers pas musicaux à la mandoline et au piano.

Ses premiers héros : les jazzmen afro-américains
Dans cet univers blanc, l’adolescent qui, de son propre aveu, "ne connaissait pas la culture africaine", s’identifie aux vedettes afro-américaines de l’époque. Count Basie, Duke Ellington, Charlie Parker deviennent ses "héros".

Dibango découvre le saxophone lors d’une colonie de vacances, traîne dans le Saint-Germain-des-Près de Boris Vian et finit par échouer à la seconde partie de son baccalauréat. Son père, mécontent, lui coupe les vivres en 1956. Il part alors pour Bruxelles où il court le cachet, jouant de la variété. "À mon époque, il fallait faire des cabarets, des bals, des cirques. Jouer avec un accordéoniste comme André Verchuren assurait quelques dates."

Son séjour belge est marqué par deux rencontres fondatrices : la blonde Marie-Josée, dite "Coco", qui devient sa femme, et Joseph Kabasélé, chef d’orchestre de l’African Jazz. Dans l’effervescence des indépendances, le musicien congolais lui ouvre les portes de l’Afrique. Manu Dibango le suit à Léopoldville - l’ancien nom de Kinshasa - où il lance la mode du twist en 1962, puis ouvre une boîte au Cameroun.

Trois ans plus tard, il est de retour en France, sans le sou. Il devient pianiste de rock pour Dick Rivers, organiste puis chef d’orchestre pour Nino Ferrer.

En 1972, on lui commande un hymne pour la Coupe d’Afrique des nations de football, qui doit se tenir au Cameroun. Sur la face B du 45-tours, il enregistre Soul Makossa. Des DJs new-yorkais s’emparent de ce rythme syncopé. C’est un tournant décisif. Le saxophoniste s’envole pour New York et joue au théâtre Apollo, temple de la musique afro-américaine à Harlem. Sa musique élargit davantage ses influences et inspirations alors qu’il tourne en Amérique du sud.

Michael Jackson le plagie, ce qui lui vaudra un procès

Un peu plus tard, son irrésistible Soul Makossa, inspiré d’un rythme du mouvement éponyme, séduit un certain Michael Jackson qui le cite clairement à la toute fin de son électrisant Wanna Be Startin’ Somethin’, sans son autorisation, dans Thriller (1982), son album au triomphe planétaire. Plusieurs procès et un accord financier suivront. Rebelote quelques années plus tard avec la chanteuse Rihanna dans son titre Don’t Stop the Music (2007) qui samplait Wanna Be Startin’ Somethin’, et par conséquent, Soul Makossa... De quoi consolider un peu plus la consécration mondiale d’un artiste aux multiples facettes.

"J’ai l’harmonie des Bach et des Haendel dans l’oreille avec les paroles camerounaises. C’est une richesse de pouvoir avoir au minimum deux possibilités. Dans la vie, je préfère être stéréo que mono", racontait-il encore à l’AFP en 2019, avec sa voix grave et son rire si malicieux... Mais il concédait toutefois un regret, dans une interview à Télérama en octobre 2019 : "Ne pas avoir fait le conservatoire (...), car j’ai dû gagner ma vie très tôt. J’aurais tellement voulu apprendre la composition !"

Le monde de la musique exprime sa tristesse
Les réactions ont afflué dans la matinée de mardi après l’annonce de la disparition de Manu Dibango, émanant des musiciens du monde entier et des protagonistes de la world music et de la culture en général. Et plusieurs radios bousculent leurs programmes (voir plus bas).

Franck Riester, ministre de la Culture, a rendu hommage à Manu Dibango sur Twitter : "Le monde de la musique perd l’une de ses légendes. La générosité et le talent de Manu Dibango ne connaissaient pas de frontières. Chaque fois qu’il montait sur scène, il se donnait sans retenue à son public pour le faire vibrer d’émotion. Je pense à sa famille et à ses proches."


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