Succédant à Antoine Anfré, en poste à Kigali pendant quatre ans, l’Ambassadrice Royet-Gounin arrive avec une solide expérience africaine, ayant travaillé au Kenya (2000–2003) et au Sénégal (2006–2009). Dans un entretien exclusif accordé à IGIHE, elle a admis que sa connaissance du Rwanda se limitait auparavant à des impressions générales.
« J’avais beaucoup entendu parler du Rwanda, mais je n’y avais jamais mis les pieds », a-t-elle confié. « Avant de venir, j’ai rencontré de nombreuses personnes à Paris, issues de ministères, d’institutions et d’organisations liées au Rwanda, afin de mieux comprendre le pays et de me préparer à ma mission. »
À son arrivée, l’ambassadrice a été frappée par la singularité du pays : « Chaque pays a sa propre identité, mais ici, il y a quelque chose de vraiment spécial : les collines, l’ordre, la civilité. Les gens sont déterminés, respectueux et remarquablement calmes », a-t-elle décrit, soulignant l’atmosphère de sécurité et de courtoisie.
Royet-Gounin prend ses fonctions à un moment particulier dans les relations franco-rwandaises, encore marquées par le génocide contre les Tutsi de 1994. « Notre réconciliation, qui a culminé en 2021, a exigé une introspection de la part de la France et une grande générosité de la part du Rwanda. Nous avons réinitialisé nos relations et nous nous concentrons désormais sur la confiance mutuelle et la coopération », a-t-elle déclaré.
Pour la France, la mémoire et la justice restent au cœur de son engagement. Cela se traduit par des projets concrets, tels que la recherche historique, la création d’un mémorial à Paris et des programmes éducatifs dans les écoles françaises pour transmettre l’histoire du génocide.
La dimension judiciaire est également centrale. Ces dernières années, la France a intensifié ses efforts contre les fugitifs du génocide présents sur son territoire. Parmi les affaires emblématiques figurent la condamnation de Laurent Bucyibaruta à 20 ans de réclusion pour complicité de génocide en 2022, la condamnation à perpétuité de Philippe Hategekimana en 2023 et le procès en cours de Sosthène Munyemana. L’arrestation en 2020 de Félicien Kabuga, considéré comme le « financier » du génocide, reste également un moment symbolique.
« La France est fermement engagée dans la lutte contre l’impunité », a insisté l’ambassadrice, rappelant la coopération étroite entre le Parquet national antiterroriste français et le Bureau du Procureur général du Rwanda.
Développement et coopération
Au-delà de la mémoire et de la justice, la France oriente sa relation avec le Rwanda vers le développement. L’Agence Française de Développement (AFD) a investi massivement depuis le relancement de la coopération en 2021, avec un engagement de 500 millions d’euros suivi de 400 millions supplémentaires en 2024. Les projets incluent la réhabilitation de l’hôpital de Ruhengeri, des programmes de formation professionnelle et des initiatives pour l’emploi des jeunes.
« La santé, l’éducation et l’inclusion par le sport sont des axes clés », a précisé Royet-Gounin. « Nous travaillons également sur la résilience climatique, un défi universel partagé par la France et le Rwanda. »
La coopération culturelle et linguistique reste également essentielle : formation des enseignants, accréditation d’écoles bilingues et amélioration de la qualité de l’enseignement des langues sont autant de priorités pour l’ambassadrice.
Lors de la conférence humanitaire du 30 octobre à Paris, co-organisée par la France et le Togo sous l’égide de l’Union africaine, Royet-Gounin a insisté sur le rôle de solidarité internationale plutôt que sur la négociation. La conférence a permis de réunir 1,5 milliard d’euros pour soutenir la reconstruction dans la région des Grands Lacs et les processus de paix en cours, notamment les pourparlers Rwanda–RDC et le dialogue intercongolais.
L’ambassadrice a également évoqué la prochaine réunion des ministres des Affaires étrangères de la Francophonie à Kigali, qualifiant l’événement de « symbolique et stratégique ». Le thème, « 30 ans après la Conférence de Beijing : la contribution des femmes dans l’espace francophone », illustre l’importance accordée par la France à la diplomatie féministe et à la promotion des droits des femmes, de l’inclusion et de la participation égale aux processus de paix.
« La Francophonie ne se limite pas à la langue ou à la culture, c’est aussi une communauté économique et fondée sur des valeurs. D’ici 2050, le nombre de francophones devrait atteindre 700 millions, faisant du français la cinquième langue la plus parlée au monde », a-t-elle souligné.
Malgré un agenda chargé, Aurélie Royet-Gounin insiste sur l’importance de l’humilité et de l’observation. « La personne sage est d’abord une oreille qui écoute », dit-elle, citant son adage préféré. Elle prévoit passer ses premiers mois à rencontrer des Rwandais de tous horizons, au-delà des réunions officielles et des rapports.
« Mon rôle n’est pas seulement de représenter la France, mais aussi de comprendre et de transmettre ce que nous observons et ressentons. J’ai apporté mes chaussures de marche et j’ai l’intention d’explorer ce magnifique pays autant que possible », a-t-elle conclu.














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