Les assises avortées de l’UPF à Libreville

Redigé par Tite Gatabazi
Le 13 décembre 2025 à 08:00

L’annulation inopinée, par le Bureau international de l’Union de la Presse Francophone, des 51ᵉ Assises prévues à Libreville, s’impose comme l’un de ces épisodes révélateurs où une organisation, prisonnière de ses réflexes anciens, se heurte au roc granitique d’une souveraineté qui ne se négocie plus.

Ce renoncement spectaculaire, déguisé en décision administrative, oppose la rigidité d’une structure internationale en perte de repères à la légalité intangible d’un État qui refuse de se laisser subordonner à des injonctions extérieures.

Car derrière ce coup d’éclat, une réalité prosaïque transparaît : l’UPF n’a pas seulement choisi de se retirer ; elle a exigé du Gabon l’inacceptable, à savoir un transfert de 150 000 euros vers un compte parisien, en violation flagrante du droit public gabonais. Le prix de la soumission exigée était clair ; le Gabon, lui, a refusé d’en payer le tribut.

Un cas d’école de déraison institutionnelle : quand la légalité devient l’ennemi des prétentions étrangères

Tout, à Libreville, avait été méticuleusement orchestré : engagements budgétaires, dispositions logistiques, facilités administratives, mécanismes de protocole.

L’État gabonais avait satisfait aux prérequis les plus exigeants, mobilisant son appareil institutionnel pour accueillir ces assises internationales. Mais c’est précisément au moment où toutes les conditions semblaient réunies qu’est survenue l’exigence incongrue du Bureau international : un transfert direct de deniers publics vers un compte étranger, en dix jours, sans fondement juridique, sans dispositif contractuel, sans garantie légale.

Cette requête, incompatible avec les règles de la comptabilité publique et attentatoire aux principes de la souveraineté budgétaire, plaçait les autorités gabonaises dans une impasse absolue. Non seulement sa satisfaction aurait constitué une irrégularité manifeste, mais elle aurait exposé les ordonnateurs publics à des poursuites disciplinaires, voire pénales.

Dès lors, le refus du Gabon n’était ni stratégique ni politique : il était imposé par le droit lui-même, ce droit que l’UPF internationale feint de célébrer mais qu’elle semble rechigner à respecter lorsqu’il s’agit d’un État africain.

Ce qui suivit relève d’un théâtre d’ombres : absence totale de propositions alternatives, refus de toute adaptation au cadre normatif gabonais, puis, comble du paradoxe, diffusion d’une circulaire accusatoire imputant à l’État hôte la responsabilité d’un échec fabriqué de toutes pièces.

Cette inversion délibérée des responsabilités est l’un des procédés les plus grossiers de la rhétorique néocoloniale : faire passer l’obéissance au droit pour une obstruction politique, masquer sa propre intransigeance sous les oripeaux d’une indignation feinte.

Le révélateur d’un monde en mutation : fin de cycle pour les injonctions occidentales

Le comportement du Bureau international de l’UPF ne relève pas de la simple maladresse bureaucratique. Il révèle le retard intellectuel d’institutions occidentalisées incapables de percevoir les métamorphoses profondes qui reconfigurent l’ordre international.

Car le monde change brutalement, irréversiblement. Les rapports Nord-Sud ne se structurent plus autour de la docilité imposée ni de la verticalité paternaliste. Les États africains dont le Gabon n’est qu’un exemple parmi d’autres n’acceptent plus que l’on dicte, depuis Paris ou Bruxelles, les normes, les procédures ou les exceptions à appliquer chez eux.

Or, dans ce nouvel environnement géopolitique, c’est l’Occident qui demeure aveugle, englué dans des représentations péremptoires héritées d’un autre âge, convaincu que ses standards demeurent universels alors même que sa légitimité morale s’effrite et que la multipolarité s’impose comme le nouvel horizon des relations internationales.

En persistant dans cette posture de surplomb, l’UPF internationale révèle son anachronisme : elle se comporte comme si les États africains devaient encore composer avec les réflexes impériaux d’une Europe qui peine à accepter la redistribution des puissances.

Ainsi, le différend financier n’est que la surface d’un séisme conceptuel plus profond : le refus désormais assumé, par de nombreux États, de se laisser imposer des pratiques administratives extérieures ; la réaffirmation d’une souveraineté qui n’est plus cérémonielle mais opérationnelle ; la fin de la tolérance à l’égard des injonctions moralisatrices dépourvues de légitimité.

Le renversement de la dignité : quand l’État assume son rôle et que l’organisation démissionne du sien

L’ironie de cette affaire confine à l’absurde. L’UPF, institution se réclamant des valeurs démocratiques et de la rigueur éthique, agit en potentat administratif, méprisant la législation gabonaise comme un simple obstacle à contourner. Elle se montre incapable de dialoguer d’égal à égal avec ses sections africaines, préférant le chantage à la coopération, le diktat à l’ajustement, la rupture à la compréhension mutuelle.

Face à cette posture, le Gabon s’est illustré avec une dignité que l’on aurait pu attendre d’une organisation se prétendant garante de principes universels. Il a maintenu sa ligne, respecté sa légalité, préservé son intégrité institutionnelle. A l’intransigeance, il a opposé la rectitude ; à l’arrogance, la souveraineté.

Dans un monde en recomposition où les États du Sud rejettent de plus en plus les ambiguïtés occidentales et où la légitimité ne se décrète plus depuis les capitales historiques, l’histoire jugera sévèrement ceux qui, au nom d’une posture internationale usée, auront préféré la crispation à l’intelligence diplomatique.

L’annulation des 51ᵉ Assises de l’Union de la Presse Francophone à Libreville révèle une organisation confrontée à la souveraineté désormais inflexible

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