Burundi : Une Crise institutionnelle annoncée

Redigé par Jean- Baptiste Rucibigango
Le 21 mai 2015 à 07:04

Le 19 février 2015 marque un véritable tournant, indique Olivier Caslin, envoyé spécial d’hebdomadaire international indépendant Jeune Afrique à partir de Bujumbura.
Ce jour- là, en effet, en moins de 24 heures, le président en exercice Pierre Nkurunziza a dû faire face, pour la toute première fois, à l’une des manifestations gigantesques spontanées, réunissant plusieurs milliers d’hommes et de femmes de toutes les conditions sociales et de toutes les tendances politiques, parmi lesquels d’innombrables (...)

Le 19 février 2015 marque un véritable tournant, indique Olivier Caslin, envoyé spécial d’hebdomadaire international indépendant Jeune Afrique à partir de Bujumbura.

Ce jour- là, en effet, en moins de 24 heures, le président en exercice Pierre Nkurunziza a dû faire face, pour la toute première fois, à l’une des manifestations gigantesques spontanées, réunissant plusieurs milliers d’hommes et de femmes de toutes les conditions sociales et de toutes les tendances politiques, parmi lesquels d’innombrables paysans et paysannes venus des collines.

Un spectacle jamais vu auparavant au Burundi. Pour réclamer la libération, sans condition, d’un journaliste jusque-là presque inconnu du grand public, Bob Rugurika, directeur de la Radio Publique Africaine- RPA.

Environ 9 jours plus tôt, Bob Rugurika avait été jeté en prison d’une ville de province, à Muramvya, pour « complicité d’assassinat » après avoir interviewé un présumé criminel de 3 religieuses italiennes expatriées de la congrégation des Missionnaires Savériennes : les Sœurs Lucie Pul ici, 75 ans ; Olga Racchietti, 83 ans ; et Bernadette Boggia, 79 ans- cette dernière décapitée- de la paroisse Guido Maria Conforti, à Kamenge,- un assassinat qui avait eu lieu en septembre 2014, probablement opéré pour le compte des services secrets burundais, parce qu’en raison de leurs contacts dans la province Rdcongolaise du Sud Kivu, les 3 Sœurs paraissaient trop bien informées de l’entraînement reçu par les miliciens du CNDD- FDD, de l’autre côté de la frontière, notamment à Kiriba près de la ville congolaise d’Uvira.

Jeudi, le 7 mai 2015, le quotidien La Libre Belgique contactée par Me Bernard Maingain, avocat belge travaillant depuis de nombreuses années sur des dossiers politiques et économiques, sensibles, dans les Grands Lacs, a révélé l’ampleur des préparatifs criminels du régime burundais, contre les populations civiles du Burundi et de la sous- région.

« J’ai été contacté, écrit- il à LLB, par la société civile burundaise il y a mois, pour rencontrer un collaborateur du général Adolphe Nshimirimana [aujourd’hui chargé de mission à la présidence du Burundi et bras droit de Pierre Nkurunziza]. Il m’a raconté comment ce dernier [Adolphe Nshimirimana] avait acheté des armes pour les distribuer sur les collines. Il m’a aussi parlé de l’opération Kiribat, qui consistait à envoyer des Imbonerakure [milice pro- Nkurunziza] s’entraîner en RDC, en vue de préparer une déstabilisation régionale ».

Dans la même dépêche de LLB, Me Bernard Maingain ajoute qu’il a rencontré, quelque part en Afrique, un second témoin supérieur hiérarchique du précédent, qui lui « a expliqué comment l’opération Kiribat comptait ethniciser les relations conflictuelles existant au Burundi », conflit notamment lié à la volonté du président Nkurunziza de se maintenir au pouvoir alors que l’Accord de paix d’Arusha, qui avait mis fin à la guerre civile Hutu- Tutsi [1993-2005], l’interdit.

Le second témoin a précisé qu’ « il s’agissait notamment de créer de fausses rebellions » et a donné à Me Bernard Maingain les noms des personnes impliquées. « Les 2 témoins ont aussi révélé un plan d’élimination ciblée des opposants. Ils ont donné, pour chaque province, les noms des responsables de la gestion des armes et les circuits de distribution, avec les numéros de plaques minéralogiques des véhicules utilisés et les lieux de stockage des armes », poursuit Me Maingain précisant qu’il a reçu une liste des chefs de la milice burundaise Imbonerakure, avec copie de leurs cartes d’identité, et que tous ces documents ont été envoyés au Conseil de Sécurité de l’ONU, et que ses 2 témoins sont prêts à collaborer à une enquête internationale sérieuse sur ce qui ce passe au Burundi.
Les 2 témoins cités par Me Maingain ont également détaillé les responsabilités du régime Nkurunziza dans l’assassinat de 3 religieuses italiennes à Bujumbura, en septembre dernier et ont dénoncé la présence des forces résiduelles des miliciens génocidaires rwandais Interahamwe, qui opèrent en liaison avec les miliciens Imbonerakure du Parti au pouvoir CNDD- FDD, « au service de la présidence burundaise.
Lorsque, en décembre 2014, vers Noël, un mystérieux groupe de rebelles burundais attaqua par surprise la localité burundaise de Cibitoke au Nord- Ouest du pays, ce groupe était constitué de chômeurs à peine formés militairement en RDC, reconnus comme étant des miliciens du CNDD- FDD, auxquels s’étaient mêlés des forces génocidaires résiduelles des FDLR, vestiges des ex- FAR et des miliciens Interahamwe, qui ont commis l’horrible génocide de 1994 au Rwanda. Ces dernières forces, dans leur stratégie interne, envisageaient de pénétrer dans la forêt de Kibira en bordure de la frontière rwando- burundaise, d’y établir un sanctuaire pouvant menacer la sécurité du Rwanda méridional. Lorsque leur secret fut éventré l’armée régulière burundaise réagit et fit une centaine de morts parmi les FDLR. Mais d’autres éléments des FDLR, probablement plus nombreux s’étaient infiltrés, dans la population, et continuent d’opérer actuellement toujours en liaison avec les Imbonerakure du CNDD- FDD, conformément au plan décrit par La Libre Belgique. Voir supra.

À l’analyse, l’incident du lac Rweru, survenu à peu près à la même époque, où quelque 40 corps en décomposition ont été repêchés dans les eaux du lac, procède également de la même logique de règlements de compte internes au sein du CNDD- FDD et de ses alliés objectifs, les FDLR. Sinon comment expliquerait- on l’enterrement à la sauvette, en toute hâte, en commune de Kirundo, des restes des victimes par noyade sans que l’autopsie, ou tout au moins, leur identification par empreintes digitales, contrôlées par un médecin légiste, aient été effectuées ?

La référence culturelle de respect que l’on doit aux morts, invoquée par des autorités burundaises locales, constitue un alibi aléatoire. Depuis lors, toute l’affaire a été définitivement enterrée en même temps que les morts.

Auparavant, il y avait eu l’incendie spectaculaire et criminel du marché central de Bujumbura, éteint sommairement par le secours des hélicoptères de l’Armée de Défense du Rwanda [RDF], et même un braquage d’une banque. Ultérieurement, d’autres mises en scène aussi macabres que les précédentes ont suivi :

(i) Le 13 mai 2015, un simulacre d’un putsch militaire déclenché par la lecture d’un communiqué laconique sur une radio privée périphérique Isanganiro, faite par un ancien plus proche collaborateur de la présidence, le général Godefroid Niyombare. On raconte qu’une bagatelle de vingt milliards [20.000.000.000] FBU circulaient parmi les putschistes, ce qui explique que la tentative du coup fut un fiasco.

Néanmoins, elle avait réussi à faire court- circuiter la tenue du sommet des chefs d’État d’EAC à Dar Es Salaam, sur le Burundi, et à faire arrêter le général Cyrille Ndayirukiye, un rival politique crédible de Nkurunziza à la tête du pays ;

(ii) La destruction, dans la nuit du 15 mai 2015, de toutes les chaînes privées de radio, qui diffusaient les informations en temps réel, et rendaient envisageable l’alternative au pouvoir foncièrement corrompu.

Et d’autres mises en scène inédites qui témoignent de l’escalade des violences répressive actuellement au Burundi.

De manière encore plus accablante, lors de sa première réapparition en public, montée théâtralement par son protocole, après le « putsch manqué », Nkurunziza déclara, sans commentaire, que les terroristes d’El Shabab s’apprêtaient à commettre un attentat au Burundi. Ce n’était là qu’absurdités et mensonges, vite démentis par le chef du mouvement terroriste somalien.

L’objet de cette dernière intoxication médiatique était de donner l’impression qu’il était pour le retour au calme dans son pays, et que les tensions qui se poursuivent ne sont aucunement de son fait.
Son attitude réelle à l’égard du drame actuel du Burundi est suggérée de manière plus fidèle par l’absence de toute réflexion critique vis- à-vis de l’idée obsessionnelle qui l’habite de la tenue des élections à tous les niveaux, en un temps record, alors que le pays s’enfonce « dans le gouffre ».

Lire à ce sujet J.A. no 2835 du 10 au 16 mai 2015, pp. 12-15.

Les révélations secrètes du SNR

Par la pression de la rue, Bob Rugurika fut, le 19 février 2015, mis en liberté provisoire et relâché dans les mêmes conditions qu’il avait été incarcéré un mois plus tôt, c’est- à- dire sans jugement. Mais, plus tard, dans la nuit du 13 au 14 mai, sa station de radiodiffusion, la plus écoutée du pays, fut incendiée, après avoir été interdite auparavant d’émettre par le gouvernement.

Presque simultanément que la libération de Rugurika, le président Pierre Nkurunziza prenait connaissance d’une note interne de son service de renseignement [SNR] aux conclusions assez alarmantes pour le régime et la stabilité du pays au cas où il briguerait un nouveau mandat présidentiel.

Fou de rage, semble- t-il, le chef de l’État a procédé, sur- le- champ, au limogeage du général Godefroid Niyombare qui, à ses yeux, était présumé être l’auteur de ce document capital pour comprendre le back ground, les soubassements et la suite des événements dans le cadre de la crise institutionnelle qui sévit actuellement, y compris l’exode massif de plus d’une centaines de milliers de réfugiés- quelque 110.000 selon les sources proches du HCR- en un clin d’œil, à cause de la psychose de guerre civile créée par le régime du CNDD-FDD, des manifestations non- violentes des opposants politiques et de la société civile réprimées par la police de manière sanglante et, enfin, la lamentable tentative de coup d’État des 3 jours, du 13 au 15 mai 2015.

Le document dont on ignore tout de son lieu de publication initiale porte le titre :
«  L’éventuelle candidature du président Nkurunziza au troisième mandat est- elle constitutionnelle ?  ».

Et indique dans son sous- titre : «  Positions des différents partenaires et orientations du SNR », et présente plutôt toute l’allure d’un résultat de réflexion collective que l’œuvre d’un seul homme. En outre, le document top secret annonciateur des mauvais jours pour le Burundi et probablement pour toute la sous- région des pays des Grands Lacs est daté du 13 février 2015 et estimé à une fiabilité de 96%.

En filigrane, bien que cela ne soit pas explicite dans le texte intégral, la note secrète cible le calendrier des scrutins prévus, unilatéralement par le CNDD- FDD, pendant l’année en cours, et répartis comme suit :

  26 mai, élections législatives et communales [reportées au 5 juin 2015, à nouveau de manière unilatérale] ;
  26 juin, premier tour de l’élection présidentielle [le cas échéant, second tour prévu le 27 juillet] ;
  17 juillet, élections sénatoriales ;
  24 août, élections des conseils de collines et de quartiers.

Un marathon électoral ultra- rapide que Pierre Nkurunziza, près de 10 ans au pouvoir, entend gagner la main levée malgré les tensions grandissantes et son apparente impopularité, consécutive à l’indigence généralisée de la population et à la gabegie administrative, qui poussent la plupart des Burundais à manifester publiquement leur mécontentement au risque d’être fusillés sur les barricades ou d’être arbitrairement emprisonnés.

Après 10 ans et 2 mandats présidentiels successifs de 5 ans chacun, écrit J.A. no 2831, à sa page 67, Nkurunziza n’a pratiquement aucun bilan positif à présenter au peuple burundais, sauf de temps en temps, les distributions à tout- va des sacs de riz ou de haricots, qu’il fait accompagner par son message de la nécessité de se serrer la ceinture. Mais jusque quand ?

En plus, la population se plaint amèrement des exactions et extra- judiciaires que, continuellement, les plus proches collaborateurs du chef de l’État lui font subir. Il s’agit d’un quarteron de généraux de son entourage immédiat, Adolphe Nshirimana, le « dauphin » du président, Gervais Ndirakobucya dit « Ndakugarika » [c’est- à- dire, en français « le tueur », Ntakirutimana, actuel patron du SNR, Prime Niyongabo, chef d’État- Major de l’armée et d’un civil, Alain Guillaume Bunyoni, tous des Fascistes traînant une sulfureuse réputation des criminels avérés.

La note de renseignement que nous avons reçue, de source anonyme indépendante, met en exergue le fait que les textes constitutionnels [l’Accord de paix d’Arusha sur le Burundi, du 28 août 2000, et la Constitution de 2005] ne suffisent pas à être analysés seuls pour prolonger la candidature de Nkurunziza aux présidentielles.

« Des facteurs endogènes et exogènes bien que non exigés ni par la Constitution ni par l’Accord d’Arusha, des conditions sociales, politiques, environnementales, religieuses, etc…, doivent être considérées avant de prendre une décision dans le sens de la légalité constitutionnelle de Nkurunziza aux présidentielles de 2015 », soulignent, à la page 4, les auteurs de la note de renseignement. Mais aussi, du point de vue strictement légal, le mode d’élection du chef de l’État du Burundi, prévu aux articles 96 et 302, rend irrecevable la candidature du président sortant Pierre Nkurunziza à un troisième mandat présidentiel.

C’est pourquoi, entre autres éminentes personnalités, Mme Dlamini- Zuma, cheffe de l’exécutif de l’Union Africaine [UA] s’est clairement prononcée contre le troisième mandat de Nkurunziza en ces termes :

« Le climat n’est pas propice à la tenue d’un scrutin. On ne peut pas aller dans un pays pour rencontrer des réfugiés qui fuient, et dire que nous allons observer les élections ».

Dlamini- Zuma était citée par la chaîne câblée chinoise CCTV, en prime time, ensuite sa déclaration allait être reprise textuellement par la plupart des grands medias de par le monde. Et elle ajoutait, à l’instar du collectif des opposants contre Nkurunziza, qui tiennent le haut du pavé actuellement à Bujumbura, que « même s’il y a différentes interprétations de la Constitution, il ne faut pas se limiter à une approche légaliste, ce qui est important ce ne sont pas les légalités, c’est la paix du Burundi ».

Cf. notamment Gérard Rugambwa, in LNR du 11 au 17 mai 2015, p.6.

Mais bien avant Dlamini- Zuma, beaucoup d’autres partenaires internationaux du Burundi, avaient tenté, sans succès, de prévenir l’anarchie qui paralyse, aujourd’hui, le Burundi. Dans cet article, nous allons passer en revue les principaux parmi eux, en nous tenant strictement à l’unique critère d’objectivité et sans prendre aucun parti pris.

La position de la toute puissance Église catholique burundaise

Sans devoir revenir au temps lointain où, au début des années 1960, Mgr Antoon Grauls, évêque de Gitega, et son secrétaire particulier Jean Ntiruhwama aidèrent de manière décisive le prince Louis Rwagasore à décoloniser pacifiquement le Burundi- pendant que le Rwanda et l’actuelle RDC brûlaient déjà- il est d’emblée important de souligner le rôle prééminent de l’Église catholique dans l’évolution des institutions politiques du Burundi.

Au tournant des années 1990, la communauté catholique Saint Egidio en Italie a tenté la médiation afin d’assurer le retour à la paix au Burundi, après la crise qui avait suivi l’assassinat du président démocratiquement élu Melchior Ndadaye. L’acteur principal de cette médiation était un catholique fervent Matthew Zupi.

Malgré la résistance du gouvernement de Pierre Buyoya à négocier, sous la pression exercée par l’Église catholique par le biais de Saint Egidio, le principe de négociations a été accepté. Et finalement, des négociations réelles eurent lieu à Arusha en Tanzanie, dirigées par Mwalimu Julius Kambarage Nyerere, également un catholique.
En 2005, les élections ont été organisées à l’issue desquelles Pierre Nkurunziza est devenu président de la république.

Or, déjà, ses convictions religieuses le portaient à être un protestant et un évangélique born gain, ce qui n’a pas beaucoup plu à l’Église catholique locale. De surcroît, il a fondé, dans la foulée, sa propre équipe Alleluia Football Club, affichant sa mouvance évangélique et son goût immodéré pour la bigoterie moyenâgeuse. Ce qui a fini d’exaspérer l’Église catholique.

C’est que déjà lors des élections de 2010, l’influent Monseigneur Simon Ntamwana, archevêque de l’archidiocèse de Gitega, au centre du pays, n’était pas favorable au renouvellement du mandat du président Nkurunziza.

Et, plus récemment, Mrg Simon Ntamwana, dans une homélie, n’a pas hésité à déclarer que « voter pour la troisieme fois Pierre Nkurunziza, c’est accepter l’esclavage »- en kirundi : « Ntituzomutora twoba dutoye kuba abaja ».

Cf. note de renseignement, op.cit. , p.4. On peut se demander ici si la position de ce prélat acquiert le consensus de tout le clergé catholique du Burundi. En l’absence d’une réponse positive formelle, la note du SNR indique, cependant, en citant l’adage bien connu « Qui ne dit mot consent », que le silence Conseil des Evêques Catholiques observé jusqu’à ce jour serait probablement en accord avec les propos tenus par Mgr Simon Ntamwana. Ibidem.

La preuve que les auteurs de la note du SNR en donnent se retrouve dans un autre sermon, où un prêtre de la Cathédrale Regina Mundi, située dans la capitale Bujumbura, a réitéré la même déclaration que Mrg Ntamwana, en s’adressant, le 25 janvier 2015, à ses ouailles : « Ivyo Musenyeri avuze ntibiba bisunitswe n’impwemu »- en traduction littérale française cela veut dire qu’un discours tenu par un évêque n’es pas une parole simplement en l’air, qu’il doit s’ensuivre des graves conséquences.

Ajoutons que, dans son sermon, le curé de Regina Mundi s’appuyait symboliquement sur la fin dramatique de Ninive, capitale Assyrienne détruite en 612 av. J.- C. Sermon prémonitoire, puisque, aujourd’hui, la ville de Bujumbura et sa banlieue est effectivement livrée au vandalisme des miliciens Imbonerakure associés aux sinistres miliciens génocidaires Interahamwe rwandais des FDLR, après l’échec provisoire d’une insurrection populaire soutenue par une faction progressiste des Forces armées régulières.

Mais poursuivons sur la position des Églises dans la crise institutionnelle toujours en cours au Burundi. Mardi, le 27 janvier 2015, à l’Hôtel du Lac Tanganyika, les principaux responsables religieux : des Catholiques, des Protestants, de la Communauté des Églises Pentecôtistes du Burundi [CEPBU] ainsi que ceux de l’Église Méthodiste Libre et Unie, avaient consensuellement convenu de ne pas soutenir la candidature de Nkurunziza au troisième mandat.

Peu après, on apprenait que l’Église catholique, en particulier, venait d’initier un projet d’encadrement de sa jeunesse et de la fraction de la société civile d’obédience catholique. Les mêmes sources auxquelles nous nous référons ajoutent que la plupart des évêques catholiques affirment que même si Nkurunziza est un chrétien pratiquant, ils ont franchement horreur de ce qui se passe dans leur pays sous sa direction.

Et il semble que les modules de formation de leurs ouailles se poursuivent et s’amplifient dans presque toutes les paroisses, conduites par les « Bagumyabanga », équivalents des membres de la Légion de Marie au Rwanda. Et avec comme toile de fond : le lâche assassinat des 3 sœurs italiennes survenu à Kamenge.

« Naho twogatoye, ntawotora Perezida abandanya ashigikire abishe ababikira batatu », - littéralement, cela veut dire, en français : « même si l’on doit participer au vote, on ne peut pas élire le président Nkurunziza, qui soutient les assassins présumés des 3 religieuses ». Les observateurs concluent que le processus en cours est identique à celui du précédent Rdcongolais, où l’Église catholique se trouve en désaccord avec le renouvellement de la candidature du président Joseph Kabila, et s’affiche courageusement hostile à toute manipulation de la loi électorale, dans ce sens.

Une démocratie du bout des lèvres

Dans le sigle CNDD-FDD, le mot démocratie est repris 2 fois, comme pour souligner l’idéal démocratique que ce parti serait censé d’incarner. Pourtant, dans sa pratique politique, tout est, au contraire, anti- démocratique. Ce qui davantage désabuse presque toute la communauté internationale.

Dans leur tradition, les Américains en général estiment que 10 ans au pouvoir sont amplement suffisants pour évaluer les réalisations d’un chef d’État. Or, nous avons déjà vu que le bilan socio- économique de Nkurunziza sur 2 mandats successifs est quasiment nul.

Selon la même tradition, le peuple américain a l’habitude de rappeler que l’illustre homme d’État, Abraham Lincoln, approché par le Congrès des USA et la population américaine afin qu’il puisse accepter l’offre d’un troisième mandat présidentiel, leur aurait opposé un refus catégorique. Car cela aurait contribué à violer le principe fondateur de la nation américaine.

En règle générale, l’administration américaine a mis en garde contre tout président africain qui chercherait à manipuler la constitution de son pays pour s’accrocher au pouvoir à l’expiration de son mandat. En particulier contre Pierre Nkurunziza du Burundi contre lequel le président Obama a déjà, personnellement, fait les gros yeux, indique J.A. no 2831, à la page 27, qui ajoute qu’en dépit de cette mise en garde américaine Nkurunziza n’en a cure et ne se fie qu’à sa bonne étoile, en tant qu’un évangélique borné.

Cependant, lors de la crise institutionnelle actuelle, on a pu observer que la position américaine peut varier. L’administration américaine a, en effet, parlé tour à tour de la « légitimé » de Nkurunziza et d’ « instabilité » du pays à la suite de son troisième mandat.

Au sein de l’Union Européenne, seul le gouvernement français semble soutenir résolument le régime de Pierre Nkurunziza. En effet, il n’a pas encore mis fin-ou tout au moins suspendu- l’assistance technique et financière qu’il accorde habituellement à la police des criminels [lire supra] de Bujumbura, qui terrorise la population.

En plus, c’est sur la demande du délégué français au Conseil de sécurité que, le 15 mai 2015, l’ONU a incité la communauté internationale à condamner le processus insurrectionnel populaire au Burundi

. Cette attitude française était plus au moins attendue bien que la France officielle très bien renseignée par les services secrets tanzaniens et sud- africains, avec lesquels elle entretient de bonnes relations, n’ignorait rien de l’anti- constitutionnalité du troisième mandat de Pierre Nkurunziza. Il faut indiquer que, malgré les apparences, la plupart des autorités tanzaniennes et sud- africaines ne soutiennent pas inconditionnellement le troisième mandat de Nkurunziza.

Car cela reviendrait à faire remuer dans leur tombe leurs 2 pères respectifs de la nation, Mwalimu Julius Kambarage Nyerere et Nelson Mandela, co- auteurs de l’Accord de paix d’Arusha sur le Burundi.

Le gouvernement sud- africain, en particulier, juge sévèrement le régime de Bujumbura d’avoir transformé le Burundi en une plaque tournante du trafic illégal de drogues en suivant le circuit Afrique du Sud- Bujumbura- Brésil, par des transits qui s’effectuent à l’aéroport international de Bujumbura, et d’avoir compliqué les relations bilatérales entre l’Afrique du Sud et le Rwanda en autorisant l’utilisation des passeports burundais par des opposants rwandais du RNC du général dissident Kayumba Nyamwasa qui, on s’en souvient, faisaient des ravages dans la population civile par des jets des grenades, jusqu’il n’y a pas longtemps.

En bref, bien des partenaires internationaux du Burundi doutent de l’orientation démocratique du régime de Pierre Nkurunziza et prennent continuellement des distances avec ce régime, raison des purges incessantes dans ses propres rangs, et viole publiquement les droits de l’homme.

Cas, par exemple, de Hussein Rajabu, qui avait porté Pierre Nkurunziza au pouvoir, et moisissait en prison jusqu’à son évasion récente. Mais, pendant longtemps, ce qu’on appelle conventionnellement « la communauté internationale » garda la sourde oreille.

« La communauté internationale » est, en raccourci sémantique, ce nouveau Léviathan, qui incarne un pouvoir supranational planétaire, dont la constitution date de la fin de la guerre froide, et qui prétend se battre pour résoudre les conflits, - mais dont, en réalité, l’action baigne perpétuellement dans le sang. Si les Burundais continuent à l’écouter scrupuleusement, jamais leur pays ne connaîtra ni la paix, ni l’essor socio- économique auquel il aspire, uni et libre.

Et cela passera par une longue lutte de résistance contre l’oppression, qui n’est qu’à ses préliminaires actuellement. Comme aimait dire le camarade Samora Machel, un freedom- fighter et un Panafricaniste convaincu, il faut vous répéter que « la lutte continue et la victoire est certaine ».


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