A travers ces travaux communautaires, l’assainissement des quartiers naguère livrés à l’insalubrité se transforme en acte de salut public. Cette dynamique, qui conjugue engagement populaire et quête d’un mieux-vivre, trouve une expression exemplaire dans l’initiative de nettoyage du lac Kivu – matrice vitale, nourricière et identitaire dont la préservation apparaît aujourd’hui comme un impératif éthique et stratégique. Enracinée dans la responsabilité partagée, cette entreprise mérite d’être saluée, renforcée et pérennisée, tant elle incarne une écologie de la reconstruction et une santé publique en acte.
Depuis quelques jours, les rives du lac Kivu ont été le théâtre d’un sursaut citoyen aux accents d’urgence écologique et sanitaire. Près d’une tonne de déchets plastiques a été extraite des eaux par une centaine de volontaires mobilisés par le Réseau des Jeunes Professionnels de l’Eau et de l’Assainissement (RJPEA-RDC), en partenariat avec l’entreprise pharmaceutique Pharmakina, spécialisée dans la lutte contre le paludisme.
La semaine dernière, dès l’aube, bottés et gantés, les jeunes de Bukavu se sont lancés dans une opération de nettoyage minutieuse. Arpentant les berges engluées de détritus, ils ont collecté sachets, bouteilles et détritus flottants, témoins visibles d’une pollution devenue chronique. Dans cette lutte silencieuse mais vitale, chaque geste devient un acte de résistance face à l’inaction généralisée et à l’indifférence environnementale.
« Ce n’est pas qu’un simple ramassage de déchets, c’est un cri d’alarme », confie Nelson Zagabe, engagé dans l’opération. Et d’ajouter : « Le lac Kivu, joyau naturel et ressource vitale, est asphyxié par les plastiques. Cela ne menace pas seulement l’écosystème, cela tue. »
En effet, les déchets plastiques abandonnés créent des zones d’eaux stagnantes, propices à la prolifération des moustiques, principaux vecteurs du paludisme. Cette maladie demeure, dans la province du Sud-Kivu, l’un des fléaux sanitaires les plus meurtriers, notamment chez les enfants en bas âge. Le choléra, autre conséquence dramatique du déficit d’assainissement, se propage également dans un pays où plus de la moitié de la population vit sans accès fiable à l’eau potable ni à l’hygiène de base.
« Retirer ces déchets, c’est sauver des vies », martèle Arnold Shimpa. « L’insalubrité alimente les épidémies. Chaque sachet retiré, chaque bouteille collectée, c’est un pas vers une santé publique renforcée. »
Mais au-delà de cette journée symbolique, la population locale souligne l’ampleur du défi. « Une action isolée ne suffit pas. C’est un mouvement collectif et permanent qu’il faut engager », insiste Johnson Amani, habitant de Bukavu.
Cette opération s’inscrit dans le cadre du programme « Lake Kivu Clean Up », soutenu par le Swiss Water Partnership. Cette initiative sur douze mois entend répondre à une triple menace pesant sur ce lac partagé entre la RDC et le Rwanda : la pollution plastique galopante, la dégradation de la productivité halieutique, et l’envasement progressif de l’infrastructure hydroélectrique de Ruzizi, essentielle à l’approvisionnement énergétique régional.
Le lac Kivu, vaste de 2 650 km², se trouve aujourd’hui à la croisée des périls. Il cristallise des enjeux majeurs : sécurité alimentaire, durabilité économique, santé communautaire et stabilité énergétique. Dans ce contexte, « Lake Kivu Clean Up » déploie une approche intégrée, misant sur la mobilisation de la jeunesse, la sensibilisation des riverains, et la valorisation des déchets plastiques par leur transformation en matériaux de construction tels que pavés ou briques.
Ainsi, cette entreprise écologique, bien plus qu’une campagne ponctuelle, se veut le ferment d’un changement durable. Car préserver le lac Kivu, c’est défendre la vie qui en dépend, c’est protéger la santé des populations riveraines, et c’est affirmer que l’avenir se bâtit aussi dans la boue et le silence, là où des mains déterminées refusent de céder à la fatalité.

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