La parlementaire de Seine-Saint-Denis, née au Congo et élue au suffrage universel, a récemment reçu un courrier anonyme saturé de propos ignominieux, ouvertement racistes et sexistes. L’anonymat de l’expéditeur n’atténue en rien la gravité de ces invectives : "Une noire n’a rien à faire à ce poste", "Vous n’avez pas votre place ici, ni ailleurs", autant de phrases d’une violence inouïe, qui s’attaquent non seulement à la personne mais à l’institution tout entière.
Cette tentative de délégitimation repose sur une matrice idéologique bien connue : la négation de la citoyenneté des Français racisés et la stigmatisation de toute forme de promotion institutionnelle qui échappe au monopole de la figure masculine, blanche et hégémonique. À travers Nadège Abomangoli, c’est la République dans sa diversité que l’on cherche à rabaisser, à effacer, à exiler symboliquement. En ciblant une femme noire accédant à une fonction d’autorité dans l’Assemblée nationale, les auteurs de cette lettre inscrivent leur haine dans un projet de purification symbolique de l’espace public, devenu pour eux un sanctuaire identitaire à défendre contre l’altérité.
De la parole ordurière à la violence politique : la gangrène de la République
Ces outrages ne sont ni isolés, ni anecdotiques. Ils s’inscrivent dans une spirale plus large, où le racisme structurel s’adosse désormais à une stratégie délibérée d’avilissement des élus issus de la diversité. Plusieurs parlementaires de gauche, notamment Carlos Martens Bilongo et Aly Diouara, subissent depuis leur entrée à l’Assemblée une campagne continue d’injures racistes, d’intimidations et de harcèlement, souvent relayée sur les réseaux sociaux et parfois même amplifiée par des figures médiatiques. Le champ politique, censé incarner l’universalisme républicain, se transforme peu à peu en théâtre d’agression raciale, où l’origine devient prétexte à la déchéance symbolique.
L’inquiétude est d’autant plus légitime que ces attaques surviennent dans un climat de montée fulgurante de l’extrême droite, où la frontière entre le discours idéologique et l’incitation à la haine devient chaque jour plus floue. Le procès du racisme n’a plus lieu : il est désormais assimilé à une posture victimaire, quand ce n’est pas à une stratégie communautariste. Les victimes sont sommées de se taire, sous peine d’être accusées de "racialiser" le débat. L’effet recherché est clair : étouffer la parole, isoler les figures politiques racisées, les rendre suspectes jusque dans leur légitimité démocratique.
Zemmourisation des esprits : la banalité du mal à la française
La banalisation de l’injure raciste dans l’espace public français n’est pas le fruit du hasard. Elle est le résultat d’années de sape idéologique, orchestrée à visage découvert par des polémistes tels qu’Éric Zemmour, plusieurs fois condamné par la justice pour incitation à la haine raciale, mais toujours omniprésent dans le paysage médiatique français. Son discours, imprégné d’une nostalgie coloniale à peine voilée, a contribué à déplacer le centre de gravité du débat public, imposant le racisme comme une opinion parmi d’autres, et non plus comme une transgression grave de l’idéal républicain.
Cette "zemmourisation" des esprits a ouvert une brèche dans laquelle s’engouffrent désormais sans complexe toutes les formes de haine ordinaire. Le racisme s’exprime sans masque, le sexisme s’érige en opinion, la violence symbolique devient la norme. Et pendant que les victimes portent plainte, souvent sans effet dissuasif, les auteurs, eux, se sentent légitimés par une société qui, au nom de la liberté d’expression, tolère l’inacceptable.
Face à cette dérive, il devient urgent de réaffirmer avec force que la République n’est pas négociable. Ni dans ses principes, ni dans la dignité de celles et ceux qui la servent. Les attaques contre Nadège Abomangoli ne visent pas seulement une femme noire, mais l’idée même d’une France plurielle et égalitaire. Si la haine raciste conquiert l’hémicycle, c’est toute la démocratie qui vacille. Le combat contre ce poison ne peut être ni différé, ni relativisé. Il est, plus que jamais, une exigence vitale.

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