Dans une interview exclusive accordée à IGIHE, Mukuralinda détaille ses inquiétudes face à ce gouvernement caractérisé par la cacophonie. Il revient sur les multiples provocations de la RDC, qui a lancé de multiples attaques sur le Rwanda, dans le but de renverser le pouvoir en place à Kigali.

Ci-après, l’intégralité de cette interview :

IGIHE : La RDC a multiplié les obstacles au rapatriement des Congolais exilés au Rwanda, après le mini-sommet des chefs d’État de l’EAC à Addis-Abeba, s’est finalement mise d’accord sur le retour de ces réfugiés. Quelle est votre position là dessus ?

Alain Mukuralinda : On a accueilli cette décision de différentes manières. Premièrement c’est vraiment affligeant ou même triste de voir un gouvernement qui se dit responsable de son peuple, considérer la situation dans laquelle une partie de son peuple se trouve, la traiter comme un prétexte fallacieux.

Donc vous prenez plus de 80.000 personnes qui souffrent dans les camps de réfugiés depuis 2016 et vous dites que la situation, que ces personnes vivent, est un prétexte fallacieux que le Rwanda utilise. De ce côté-là c’est vraiment triste ; et je trouve même irresponsable.

De l’autre côté, il y a une évolution. Il y a un changement dans le narratif du gouvernement congolais ; et c’est à féliciter à condition que les actions suivent. Parce qu’aujourd’hui comme vous venez de le dire, ils ont admis pour la première fois, officiellement, face aux yeux du monde entier qu’il y a un problème des réfugiés…

Le gouvernement Congolais change de discours du jour au lendemain, espérez-vous qu’ils vont réellement le faire ?

On espère, comme le gouvernement rwandais, que cette fois-ci, ce qu’ils ont dit, vont le faire. De toute façon, il l’avait signé. On n’avait pas besoin qu’ils viennent le confirmer, parce qu’à Luanda ce problème avait été bien précisé. On avait suggéré que ces pays s’asseyent sur une table pour trouver une solution durable à ce problème. Le président de la RDC avait signé ce document.

Mais par après on a entendu un de ses ministres dire qu’un vrai congolais ne pourrait pas se réfugier au Rwanda. Soit celui qui s’est réfugié au Rwanda n’est pas congolais ou soit il n’y a pas de réfugiés…

Est-ce que les massacres, les violences basées sur l’ethnie et d’autres actes d’insécurité qui ont poussé ces Congolais à se réfugier ont-ils été résolus pour que ces réfugiés puissent rentrer ? Est-ce que ceci ne serait pas un piège contre le Rwanda et le HCR ?

Je ne pense pas, cela serait plutôt un piège pour le gouvernement Congolais. Parce que si vous admettez des choses que vous ne faites pas, c’est vous qui vous serez mis en difficulté. Mais aujourd’hui, avec les informations qui circulent et en notre possession, les raisons qui ont fait que ces personnes quittent leur pays existent toujours.

Donc, c’est ce que je disais, ce n’est pas seulement dire que vous allez aider au retour des réfugiés. Pour aider au retour des réfugiés, il faut d’abord résoudre le problème dans le fond, soit venir à bout des raisons qui les ont poussés à quitter leur pays. Espérons que le gouvernement Congolais va commencer par là.

De toute façon, ce n’est pas difficile, tout est prévu dans la résolution de Luanda, tout est prévu, donc tout ce qui doit être fait pour que ces personnes puissent rentrer dans leur pays…

Revenons sur la situation entre la RDC et le Rwanda, le gouvernement Congolais et ses FARDC ont prétendu vouloir annexer une partie du Rwanda, est-ce vrai ? Quelle a été la réaction du Rwanda face à cette provocation ?

Cette énième provocation. Le Rwanda a fait ce qu’il fallait pour assurer la sécurité de son peuple et de son territoire. Oui c’est arrivé, des informations faisaient état que tout près de la frontière à certains moments il y avait quinze mille militaires prêts à attaquer le Rwanda. On a même entendu dire que l’objectif était de voir le drapeau congolais ici à Kigali avant le début du sommet du CHOGM. Il y a des informations qui circulent et certaines d’entre elles sont vérifiées.

Est-ce qu’ils ont exécuté leur plan ?

Certaines personnes se demandaient pourquoi dans différentes communications du gouvernement Rwandais on parlait de la guerre. Voilà des raisons qui font qu’on parle de cela. Parce que les préparatifs ont eu lieu y compris des tentatives même si elles ont échoué.

Aujourd’hui, des fois, on se demande pourquoi le gouvernement Congolais continue de ne pas appliquer les décisions qu’il a lui-même signées, c’est parce que peut-être il a toujours cet espoir.

Le président Tshisekedi l’a même dit dans un discours devant des jeunes qu’il était prêt à apporter son soutien à toute personne qui voudrait faire tomber le pouvoir de Kigali.

Est-ce que si vous analysez le fait de ne pas appliquer les décisions prises dans différents sommets justifierait que la RDC reste en collusion avec les FDLR dans les rangs des FARDC ?

Ce n’est pas à moi de le justifier, mais une chose est sûre, c’est que les informations sont sur la place publique. Malheureusement des fois on lit des rapports biaisés, alors qu’il suffit juste de tourner la page, d’avancer et de trouver d’autres informations là. Je parle du rapport des experts des Nations unies. Il y a une page ou on parle de la collaboration claire, nette et limpide des FARDC et des groupes armés y compris les FDLR.

Cette page parle de quoi réellement ?

On dit qu’ils se sont réunis au mois de mai 2022 à Pinga dans le territoire de Walikale, qu’il y avait tel général de l’armée congolaise, qu’il y avait tel colonel des FDLR, qu’ils ont décidé que tous ces groupes armés n’allaient plus se combattre, ils ont fait une coalition.

Ils ont décidé que chaque groupe allait fournir autant d’hommes de troupe pour combattre aux côtés des FARDC. Ils leur ont donné l’autorisation de recruter et ils ont fourni du matériel. Cela n’est pas le Rwanda qui l’a écrit, ce n’est pas les journalistes qui ont fait des enquêtes pour l’écrire, ce sont des experts des Nations unies. C’est un fait.

Cette alliance entre FDLR et FARDC se manifeste sous quelles formes, si vous pouvez nous en dire un mot ?

Aujourd’hui, quand vous voyez les contradictions entre les plus hautes autorités de la RDC, il y a le président qui, interrogé par la presse européenne, a affirmé que oui, ils existent, mais, c’est juste des bandits de coupeurs de routes. Au moins, il admet qu’ils sont là, mais qu’ils n’ont même plus cette idéologie de vouloir aller prendre le pouvoir à Kigali.

Mais quand on entend le ministre de la Communication, pour lui, ils sont là, mais ils sont vieux. Quand on attend le ministre des affaires étrangères, pour lui ce sont des fantomatiques, comme s’ils n’existaient pas. Quand on attend le président du Parlement dans la presse étrangère, pour lui, c’est un prétexte que l’on utilise.

Alors si on a quatre hautes autorités qui se contredisent, c’est qu’il y a un réel problème, c’est qu’il y a quelque chose qu’ils cachent et qui les dérangent.

Me Alain Mukuralinda, quel serait votre message à la population Congolaise et Rwandaise ?

Le message, c’est qu’entre les deux populations, entre deux peuples, il ne doit pas y avoir de problème. Il n’y en a même pas. Chaque fois que je circule en ville ou vers Musanze ou Rubavu, il y a partout des Congolais.

Ils n’ont jamais eu de problème. Ce qui prouve qu’entre les peuples, il n’y a pas de problème. Le problème, c’est au niveau de la gestion de ces difficultés, de cette insécurité en RDC par le gouvernement Congolais. Si aujourd’hui, prenons un exemple, comme Nairobi l’a dit que la force de l’Afrique de l’Est doit s’installer, et que quand la force commence à s’installer, vous appelez la population à manifester ? Pourquoi donc vous inciter la population à manifester alors que pour eux il n’y avait pas de problème avec cette force aujourd’hui ?

Alors, vous dites quoi à cette jeunesse Rwandaise et Congolaise ?

Donc j’appelle les deux peuples à continuer à essayer de vivre en harmonie, mais d’analyser ce que les autorités, surtout la jeunesse qu’on voit, ce que l’on dit, on leur dit, ce qui se passe réellement sur le terrain, et ce qui a été décidé pour résoudre ce problème.

À eux de se lever, de prendre les documents et de lire, de voir et de comparer si ce que leur gouvernement leur dit correspond exactement à ce qui a été décidé à Nairobi. A la jeunesse Rwandaise, Je leur ai dit de suivre cette situation, de ne pas en vouloir à la population Congolaise, mais aussi de prendre en compte ces décisions qui ont été prises et de les expliquer, d’utiliser les réseaux sociaux comme tous les autres les utilisent parfois en faisant croire à la population le contraire de ce qui a été écrit et décidé.

Donc c’est comme ça qu’on va pouvoir se sortir de ce bourbier.