L’échange, qui a mis en évidence la persistance des tensions entre Kigali et Kinshasa, a été provoqué par les accusations du ministre congolais des Droits humains, Samuel Mbemba Kabuya Tanda, tout en suscitant des doutes sur la fiabilité des rapports onusiens relatifs au conflit.
Au cours de cette séance présidée par Jürg Lauber, président du Conseil des droits de l’homme, l’Ambassadrice Bakuramutsa a exigé des explications de la part de la RDC, dénonçant des accusations qu’elle a qualifiées de « ligne rouge » que le Rwanda ne saurait tolérer.
« Le ministre des Droits humains du gouvernement de la RDC a-t-il accusé ma délégation et mon pays d’être génocidaires sur leur territoire ? », a-t-elle demandé, en soulignant que de telles accusations graves doivent respecter les normes du droit international.
« Aucun mécanisme n’a établi une telle conclusion, et je n’autoriserai pas que cela soit évoqué ici, dans l’enceinte des Nations unies, ni que cela se produise sous votre responsabilité. »
Les propos de Mme Bakuramutsa faisaient suite à un rappel au règlement, qu’elle a relevé avoir été ignoré par le président du Conseil, lequel a suggéré de régler la question de manière bilatérale avec la délégation congolaise. L’ambassadrice a insisté pour que l’accusation soit traitée publiquement, arguant que la redevabilité doit reposer sur des « résultats objectifs et vérifiés » plutôt que sur des rapports sélectifs qui portent un jugement préalable sur des États membres comme le Rwanda.
La controverse découle d’un récent rapport du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH), que le Rwanda a qualifié de « sensationnaliste » et infondé.
Publié le 11 août 2025, le ministère rwandais des Affaires étrangères et de la Coopération internationale a critiqué le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme (HCDH) pour avoir allégué, sans preuves, que les Forces de défense du Rwanda (RDF) avaient participé au meurtre de civils dans des exploitations agricoles de l’est de la RDC entre le 9 et le 21 juillet 2025.
Le rapport accuse également le groupe rebelle Alliance Fleuve Congo (AFC/M23) d’atrocités similaires, des allégations que le mouvement a, lui aussi, rejetées comme étant politiquement motivées.
L’ambassadrice Bakuramutsa a contesté la méthodologie du rapport onusien, soulignant sa dépendance à « des sources ouvertes à distance » et l’absence d’accès aux données. Elle a dénoncé un « récit préfabriqué » dans le document, relevant que le M23 y est mentionné 110 fois, le Rwanda/RDF 65 fois, les FARDC (forces armées de la RDC) 42 fois, les Wazalendo 43 fois, les FDLR seulement 15 fois, et les groupes armés génériques 23 fois.
« Ce déséquilibre façonne un récit et déforme la réalité sur le terrain », a-t-elle fait savoir, tout en rappelant la présence d’environ 260 groupes armés dans l’est de la RDC, y compris des sociétés militaires privées et des mercenaires, largement ignorés par le rapport.
Le Rwanda a constamment nié soutenir le M23, affirmant que ses mesures défensives le long de la frontière avec la RDC visent à neutraliser les menaces des FDLR, une milice formée par les auteurs du génocide de 1994 contre les Tutsi.
Mme Bakuramutsa a accusé la RDC d’équiper et soutenir les FDLR, leur permettant de « recruter et de diffuser l’idéologie génocidaire », en dépit des engagements pris pour neutraliser ce groupe dans le cadre de processus de paix régionaux tels que l’Accord de Washington, l’Union africaine, ainsi que les initiatives de Nairobi et de Luanda.
L’Union européenne, représentée par Pierre Minard, a exprimé son inquiétude face à l’escalade de la violence dans l’est de la RDC, en se référant au rapport de la Mission d’établissement des faits (MEF) du HCDH, qui documente de graves violations des droits humains, incluant de possibles crimes de guerre et crimes contre l’humanité.
L’UE a appelé à la mise en place rapide d’une Commission d’enquête pour la RDC et a exhorté à un financement adéquat du HCDH afin de poursuivre la collecte de preuves d’abus jusqu’à ce que la commission soit opérationnelle.
Mme Bakuramutsa a rétorqué que les rapports des Nations unies minimisent les discours de haine vérifiés et les attaques ciblant les communautés tutsies congolaises, en particulier autour de Minembwe, au Sud-Kivu.
Elle a qualifié ces faits de « priorité d’alerte précoce » pour le Conseil, avertissant que l’étiquetage ethnique dans les rapports risque d’attiser les tensions. Elle a également critiqué la mission onusienne de la MONUSCO, rappelant qu’après 25 ans et des milliards dépensés, elle n’a pas réussi à protéger les civils, tandis que les forces FDLR soutenues par la RDC continuent de recruter et s’armer.
Dans ses remarques finales, l’ambassadrice Bakuramutsa a présenté trois principales revendications. Premièrement, Elle a exhorté le Conseil à ne pas adopter de nouveaux mandats pour l’instant et à revoir les mécanismes existants, de façon à garantir une protection réelle des civils.
Deuxièmement, elle a demandé l’instauration d’une norme unique et publiée en matière de preuves pour tous les rapports, les États concernés devant être informés au préalable et associés avant toute condamnation publique.
Troisièmement, elle a rejeté toutes les recommandations adressées au Rwanda dans le rapport du HCDH, invoquant l’absence de preuves et déplorant l’incapacité du Conseil à donner suite à son rappel au règlement.
Rappelant l’engagement du Rwanda pour la paix et la stabilité au sein de l’ONU, l’ambassadrice a indiqué que le pays n’acceptera pas d’être accusés sans preuves : « Des preuves fiables sont obligatoires, et toute infraction à cette règle sera contestée systématiquement »

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