Décédé le 3 août dernier à Niamey, au Niger, à l’âge de 87 ans, Protais Zigiranyirazo était le frère aîné de la veuve de l’ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, assassiné le 6 avril 1994, événement immédiatement suivi par le début du génocide contre les Tutsi. Condamné en première instance à vingt ans de prison par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), il avait été acquitté en appel en 2009 en raison de vices de procédure. Malgré cette décision judiciaire, «  Monsieur Z  » reste considéré comme une figure clé du cercle présidentiel Habyarimana ayant activement planifié le génocide contre les Tutsi.

Le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), association française regroupant des rescapés du génocide et leurs soutiens, avait demandé au gouvernement et aux élus d’Orléans de s’opposer à l’inhumation. «  Pourquoi le gouvernement français a-t-il accepté qu’il bénéficie d’obsèques à grand spectacle après avoir refusé de l’accueillir de son vivant  ?  », s’interroge l’association.

Dans un communiqué, le maire d’Orléans, Serge Grouard a justifié sa décision en invoquant «  la gravité des faits reprochés  » à Zigiranyirazo et le «  risque grave de troubles à l’ordre public  ». Il a également souligné la «  possibilité sérieuse que la sépulture devienne un lieu de glorification pour les auteurs et complices du génocide perpétré contre les Tutsi  ». Près de 400 personnes, issues de l’entourage du défunt, étaient attendues aux obsèques.

Le corps, déjà rapatrié en France, est actuellement conservé au cimetière des Ifs, à Saran. La famille de Zigiranyirazo peut contester l’arrêté municipal devant le tribunal administratif d’Orléans. Par ailleurs, l’évêché a annulé la messe prévue jeudi matin à l’église Saint-Paterne, l’évêque Jacques Blaquart ayant précisé qu’aucune cérémonie religieuse n’aurait lieu pour ce défunt, qui n’a jamais exprimé de repentance.

Pourquoi Orléans  ?

Protais Zigiranyirazo, ancien préfet de Ruhengeri de 1974 à 1989, est accusé d’avoir transformé la préfecture en son domaine personnel, s’adonnant à des activités illégales telles que le trafic de cocaïne, de pierres précieuses, ainsi que le braconnage de gorilles et le commerce de leurs parties, acheminées jusqu’à Paris. Selon plusieurs enquêtes, lorsque la chercheuse américaine Dian Fossey découvrit ces pratiques, Zigiranyirazo et sa sœur, Agathe Kanziga, épouse de Juvénal Habyarimana, auraient orchestré son assassinat en 1985.

Après avoir quitté la préfecture, Zigiranyirazo poursuivit ses études au Canada. En 1994, lors de la libération du Rwanda par les forces des RPA Inkotanyi, il se réfugia en Belgique, où il fut arrêté en 2001 avant d’être remis à la justice rwandaise.

Selon le professeur Vincent Duclert, historien ayant dirigé l’enquête sur le rôle de l’État français sous François Mitterrand dans le génocide contre les Tutsi, la ville d’Orléans est devenue un refuge pour les membres du régime Habyarimana et leurs proches. «  Orléans abrite d’anciens membres du régime hutu extrémiste, des proches de M. Z ainsi que des personnes impliquées dans le génocide contre les Tutsi ou qui le nient, dont son épouse, ses enfants, un ancien lieutenant-colonel et un ancien ambassadeur  », précise-t-il.

La mairie d’Orléans a pris, ce mardi 26 août, un arrêté exceptionnel interdisant l’inhumation de Protais Zigiranyirazo, alias « Monsieur Z »