Un possible dialogue politique ou revirement en RDC

Redigé par Tite Gatabazi
Le 13 mars 2025 à 03:36

Le conflit qui ensanglante l’Est de la République démocratique du Congo demeure une préoccupation majeure de la diplomatie régionale, comme en témoigne la récente entrevue, le 11 mars à Luanda, entre le président congolais, Son Excellence Félix Tshisekedi, et son homologue angolais, Son Excellence João Lourenço.

L’Angola, en sa qualité de médiateur dans cette crise complexe et multiforme, a fait montre de sa volonté de favoriser l’émergence d’un dialogue politique entre Kinshasa et la faction armée AFC-M23. Un communiqué officiel de la présidence angolaise précise que des contacts seront initiés avec ce mouvement rebelle en vue d’amorcer, dans un avenir proche, des pourparlers directs.

Toutefois, cette déclaration, loin de susciter une adhésion unanime, suscite moult interrogations et appelle à une clarification quant à ses modalités de mise en œuvre. Pour l’heure, les autorités congolaises se limitent à "prendre acte" de cette initiative, adoptant une posture empreinte de circonspection et de retenue.

Ce revirement diplomatique intervient dans un contexte particulièrement troublé. En effet, à la veille du week-end précédent, le ministère congolais de la Justice avait publiquement annoncé la mise à prix des chefs de trois figures de proue de l’AFC-M23 : Corneille Nangaa, Bertrand Bisimwa et Sultani Makenga. Une récompense de cinq millions de dollars était promise à quiconque fournirait des informations permettant leur capture. Or, à peine quatre jours plus tard, la présidence angolaise rendait publique une initiative entrant en contradiction avec la rhétorique jusque-là adoptée par Kinshasa.

Sans ambages, le communiqué angolais précise que cette démarche procède d’une sollicitation explicite de Son Excellence Félix Tshisekedi lors d’un déplacement à Luanda, où il aurait personnellement requis la médiation des autorités angolaises en vue d’établir un dialogue avec l’AFC-M23. Ce revirement de paradigme, après de multiples déclarations où il excluait toute négociation avec ce qu’il qualifiait de "terroristes" et de "mercenaires aux ordres de forces occultes", apparaît comme un tournant stratégique de grande ampleur. Cette volte-face tranche avec la posture de fermeté affichée jusqu’alors et illustre, s’il en était besoin, les difficultés de Kinshasa à contenir l’expansion des forces rebelles sur le terrain.

Du côté de l’AFC-M23, cette annonce angolaise est accueillie avec une réserve prudente. Oscar Bahinda, porte-parole adjoint du mouvement, affirme avoir pris connaissance du communiqué, tout en précisant qu’aucune invitation formelle ne leur a été adressée à ce jour. Il rappelle que l’AFC/M23 s’est toujours dit disposé à engager des pourparlers, tout en soulignant que, cette fois, l’initiative émane directement du chef de l’État congolais. Cependant, l’historique des tentatives de négociation passées, notamment l’accord du 23 mars 2009 conclu à Nairobi puis ratifié à Goma, ainsi que les pourparlers de Kampala en 2013, qui n’ont jamais trouvé d’application concrète, incite à la plus grande circonspection.

D’un point de vue strictement militaire, l’AFC-M23 se trouve dans une dynamique d’ascension. L’incapacité des forces régulières à enrayer leur progression est patente. L’armée congolaise, en dépit de diverses initiatives, peine à contenir l’avancée des rebelles, dont les incursions menacent à présent Kisangani au nord et le Katanga au sud. L’une des clés de cette dynamique réside dans l’attitude du Burundi, jadis soutien militaire déterminant de Kinshasa, mais qui semble désormais avoir opté pour un repli tactique, consolidant ainsi un accord tacite avec l’AFC/M23 afin de préserver la stabilité de sa propre frontière.

Les analystes s’accordent à penser que cette conjoncture a précipité la volonté de Félix Tshisekedi d’instaurer un dialogue, dans l’optique d’éviter une posture de négociateur affaibli face à un adversaire en position de force.

Cependant, l’AFC-M23, conscient de son ascendant stratégique, ne se précipitera guère dans cette voie sans préalablement exiger des garanties substantielles. Il pourrait poser comme conditions sine qua non la levée des condamnations à mort frappant plusieurs de ses cadres, l’abandon des primes offertes pour la capture de ses dirigeants ainsi que l’abrogation de la résolution parlementaire interdisant tout dialogue avec les groupes armés. Or, de telles concessions ne manqueraient pas de provoquer des tensions au sein de la majorité présidentielle et de restreindre considérablement la marge de manœuvre de Tshisekedi.

Jusqu’alors, la position officielle du gouvernement congolais a toujours été de réfuter toute négociation directe avec l’AFC-M23, arguant que les véritables instigateurs du conflit se situent à Kigali.

Kinshasa accuse en effet le Rwanda d’apporter un soutien actif à cette rébellion (ce que le Rwanda a toujours réfuté) et soutient que toute issue diplomatique ne saurait s’envisager qu’au travers d’un dialogue interétatique plutôt que par des tractations avec des factions armées.

« Nous ne transigerons jamais sur la souveraineté ni sur l’intégrité territoriale de la République démocratique du Congo », a réaffirmé avec fermeté Patrick Muyaya, porte-parole du gouvernement, lors d’un récent point de presse.

Dès lors, une interrogation demeure : ces négociations, si elles venaient à se concrétiser, préfigureront-elles une paix durable ou, à l’inverse, ne seront-elles que le prélude à une nouvelle impasse diplomatique ?

Le conflit qui ensanglante l’Est de la République démocratique du Congo demeure une préoccupation majeure de la diplomatie régionale

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