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Agathon Rwasa, du rebelle au politicien

Redigé par Edouard Madirisha pour IWACU
Le 9 juin 2015 à 08:45

Le leader historique du FNL, qui se présente aujourd’hui en indépendant aux élections de 2015, semble être un homme a plusieurs facettes. Une image qui, selon Agathon Rwasa, a été forgée par ses ennemis, puisqu’il déclare qu’il a toujours été égal à lui-même. Agathon Rwasa : « Je ne viendrais pas pour régler mes comptes comme semblent le craindre certains, car ce serait perdre du temps en oubliant de s’occuper des choses essentielles. » ©Iwacu
Agathon Rwasa tient à préciser que même s’il se présente (...)

Le leader historique du FNL, qui se présente aujourd’hui en indépendant aux élections de 2015, semble être un homme a plusieurs facettes. Une image qui, selon Agathon Rwasa, a été forgée par ses ennemis, puisqu’il déclare qu’il a toujours été égal à lui-même.
Agathon Rwasa :

« Je ne viendrais pas pour régler mes comptes comme semblent le craindre certains, car ce serait perdre du temps en oubliant de s’occuper des choses essentielles. »

©Iwacu

Agathon Rwasa tient à préciser que même s’il se présente aujourd’hui comme un indépendant, il n’en reste pas moins un FNL. « Mon histoire avec ce parti n’est pas terminée, et j’imagine que ce climat malsain qui a été crée par le Cndd-Fdd prendra fin et que les partis pourront s’organiser selon leur propre volonté. Je pourrai alors renouer avec ma formation politique pour la consolider. »

Plutôt calme, parlant doucement, Agathon Rwasa fixe son interlocuteur sans dérober son regard. Un regard tantôt gentil, tantôt grave, l’homme est parfois souriant, selon le sujet abordé… Rwasa s’exprime doucement. Il se dégage pourtant de sa personne une certaine force et une assurance qui ne passent pas inaperçues.

A 51 ans révolus, l’ex chef rebelle semble être aujourd’hui un politicien assagi. Pourtant, il a fallu du temps et de l’expérience pour y arriver.

Il entre dans la rébellion du Palipehutu en 1990, alors qu’il était au camp de refugiés de Kigwa, dans la province de Tabora, en Tanzanie. Un camp qu’il a rejoint en 1988 après les événements de Ntega et Marangara, alors qu’il était en 1ère année à l’Université du Burundi, dans la faculté de psychologie.

Natif de Kiremba, une commune frontalière de Marangara, il a peur d’être tué, parce qu’il aurait figuré sur une liste des personnes éliminer dans sa commune natale. « A Kigwa, c’était une vie de galère pratiquement. La vie devait reprendre à zéro et on a dû s’adapter tant bien que mal puisqu’on n’avait même pas le droit d’asile. Nous avons pris conscience qu’il fallait prendre une autre voie. Lutter pour conquérir notre nationalité. »

Un leader craint, mais…

Dix ans après avoir rejoint le Palipehutu, Agathon Rwasa devient leader de ce mouvement : « Je suis devenu leader du mouvement en 2001 suite a la décision des militants de l’intérieur du pays et de la diaspora. Ils constataient que le leader du mouvement ne s’occupait que de ses propres affaires. Il voulait utiliser le label du mouvement pour ses propres intérêts. »

Selon certains témoignages, il va diriger le mouvement d’une main de fer, en concentrant tous les pouvoirs. Plutôt impitoyable et expéditif, il ne supporte aucune contradiction. Il est très craint par ses hommes et la population. Mais d’autres témoignages parlent d’un Agathon Rwasa bon, loyal et compatissant.

« Ceux qui disent que j’étais un chef impitoyable qui allait jusqu’à tuer ses propres hommes pour les punir veulent ternir mon image. Franchement, si tel était mon comportement, c’est une lutte qui n’aurait pas du tout duré parce qu’on se serait détruits nous-mêmes », se défend M. Rwasa. Il souligne pourtant que, à quelques égards, il y a des gens qui ont été fautifs a l’extrême et des mesures exemplaires ont dû être prises. Pour lui, il n’y a aucune organisation qui ne sanctionne pas, sinon elle irait droit à l’anarchie. « Je suis fidele aux principes, j’aime que la discipline règne dans une organisation. Mais cela ne veut pas dire que je suis aussi brutal que l’on veut le faire croire, sinon je n’aurais ni ami, ni sympathisants, ni aucune personne qui me témoignerait de la solidarité. Je serais un monstre, et un monstre ne peut pas avoir d’amis. »

Du rebelle au politicien

Une autre étiquette qui a longtemps collé à la peau d’Agathon Rwasa est celle d’un grand extrémiste, qui déteste les Tutsis. « C’est faux, j’ai toujours eu des amis parmi toutes les ethnies du Burundi, depuis l’école primaire jusqu’à l’université », dément-il. Au maquis, explique-t-il, c’était une rébellion constituée par des refugiés quasiment tous des Hutus.

Mai parmi les dirigeants du Palipehutu, souligne M. Rwasa, certains avaient épousé des femmes tutsis et ces dernières n’étaient pas inquiétées. Elles participaient aux activités du parti comme tout le monde. « J’ai plutôt travaillé pour que les gens comprennent que la situation doit évoluer positivement. Et que nous devons rentrer dans notre pays où on doit vivre avec toutes les composantes de la nation burundaise. »

Après environ 20 ans au maquis, Agathon Rwasa rentre au pays en 2008. Une année plus tard, il est démobilisé et renonce définitivement à la lutte armée. En 2009, son mouvement est agréé comme parti politique moyennant changement de nom. De Palipehutu FNL, il devient les Forces Nationales de Libération.

En mai 2010, aux élections communales, le FNL obtient 14%, un resultat contesté par Agathon Rwasa. Il se joint à une dizaine de partis politiques ont décidé de boycotter le reste des élections pour créer l’ADC-Ikibiri. Cependant, Agathon Rwasa craint pour sa sécurité reprend le chemin de l’exil. Il ne revient au Burundi qu’en 2013.

Il finit par quitter l’ADC-Ikibiri et rejoint une autre coalition, le Rassemblement National pour le Changement, RANAC. Une coalition qu’il a également abandonnée aujourd’hui, le ministre de l’Intérieur y étant beaucoup pour quelque chose. Pourtant, Agathon Rwasa ne s’avoue pas vaincu pour autant, malgré les efforts fournis par le pouvoir pour lui barrer la route.

Si Agathon Rwasa est président de la République…

« Si le pouvoir va dans la logique de vouloir que tout le monde adhère au parti du président, c’est qu’il n’a rien compris a la démocratie », indique-t-il. Il se demande comment on peut chercher à éliminer les concurrents politiques, alors que la démocratie repose sur le principe d’alternance. Pour lui, il s’agit plutôt d’une haine viscérale de certains dirigeants du Cndd-Fdd à son égard.

Qui devrait le craindre s’il est élu président de la République ? « Ce sont tous ceux qui s’adonnent à la malversation et usurpent les biens des autres, et surtout qui ne veulent pas que les autres jouissent de leurs droits dans leur nation. Je ne viendrais pas pour régler mes comptes comme semblent le craindre certains, car ce serait perdre du temps en oubliant de s’occuper des choses essentielles. »

En attendant, Agathon Rwasa essaie d’avoir une vie comme les autres, malgré une épée de Damoclès qui semble suspendue au dessus de lui.

« J’essaie de faire du sport à mes moments perdus, mais dans des conditions extrêmes. Dans le temps je jouais au football, au basket u au volleyball, mais aujourd’hui c’est difficile parce que les conditions sécuritaires ne me le permettent pas. J’aurais également aimé faire de la marche, mais je me contente juste de quelques exercices chez moi. »

Entre deux réunions, il trouve aussi parfois du temps pour faire un peu de lecture, surtout des ouvrages biographiques et scientifiques, en écoutant du gospel.

« En tant que mari et père de deux enfants, j’essaie de m’occuper de ma famille le mieux possible dans les conditions qui sont les miennes », souligne-t-il en jetant un coup d’œil très tendre à son fils qui joue avec sa mère à l’autre bout du salon.

Catholique pratiquant, Agathon Rwasa considère le commandement de Jésus Christ d’aimer autrui comme le plus important. Pour lui, tout politicien devrait s’armer d’amour pour bien diriger, sa qualité devrait être l’altruisme. Il paraphrase Che Guevara : « Je dois dire au risque de paraître ridicule qu’un véritable révolutionnaire est guidé par des sentiments d’amour ! »


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