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« Gêneurs de Survivants ! » de Dominique Celis

Redigé par Karirima A.Ngarambe
Le 28 mai 2012 à 04:38

Karirima A. Ngarambe, de « IGIHE.com » en Belgique s’est entretenu avec Dominique Celis, une rwandaise-Belgo qui vient de publier un livre sur le génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda.
Le livre intitulé « Gêneurs de Survivants ! »
IGIHE : Qu’est-ce qui a déclenché cette envie d’écrire un livre ? D’où vient cette envie ?
Dominique Celis : En fait, je n’ai jamais pensé écrire un livre !
C’est mon ami Jérôme Jamin qui m’a proposé d’écrire un livre sur le génocide des Tutsi pour la petite collection (...)

Karirima A. Ngarambe, de « IGIHE.com » en Belgique s’est entretenu avec Dominique Celis, une rwandaise-Belgo qui vient de publier un livre sur le génocide perpétré contre les Tutsi au Rwanda.

Le livre intitulé « Gêneurs de Survivants ! »

 IGIHE : Qu’est-ce qui a déclenché cette envie d’écrire un livre ? D’où vient cette envie ?

 Dominique Celis : En fait, je n’ai jamais pensé écrire un livre !

C’est mon ami Jérôme Jamin qui m’a proposé d’écrire un livre sur le génocide des Tutsi pour la petite collection qu’il a dirigée de 2008 à 2011, Libertés j’écris ton nom, aux Editions du Centre d’Action Laïque. Pendant des années, je lui ai parlé de la complicité de la Belgique envers les présumés génocidaires, dont plusieurs vivent tranquillement ici avec leurs familles, travaillent ou bénéficient d’allocations sociales... Plusieurs d’entre-eux n’hésitent pas à nier ouvertement le génocide des Tutsi, notamment en diffusant la théorie du double génocide.

 Il y a principalement deux raisons qui m’ont décidé à accepter cette proposition d’écrire un livre.

La première : c’est la colère que je ressens face à la banalisation ou à la minimisation de ce qu’ont vécu les rescapés : cette négation est un véritable mépris et, en plus, elle humilie une deuxième fois ceux des nôtres qui ont été mis à mort en 1994.

La deuxième raison : c’est que j’ai voulu apporter une réponse aux non rwandais lorsqu’ils me disent « le génocide des Tutsi ? Je ne sais pas, je ne suis pas informé, ce sont des massacres inter-ethniques », etc.

L’objectif du livre est de montrer la difficulté de la cohabitation et de dénoncer le négationnisme. Le livre comprend six chapitres. Les 3 premiers retracent le contexte historique c’est-à-dire de l’époque coloniale à la chute de l’ex-président Habyarimana. Le 4ème porte sur le génocide lui-même, rappelle quelles sont les catégories de victimes et comment le négationnisme est organisé dès la fuite vers le Congo-Zaïre. Les deux derniers chapitres abordent la période actuelle. La 5ème traite de la cohabitation entre les bourreaux et les victimes et le 6 ème concerne les rapports complexes entre négationnisme et démocratie.

 IGIHE : Parle-moi de vous, de votre action quotidienne, de tes combats......

 Dominique Celis : Comme mon frère et ma soeur, je suis née au Burundi où ma mère s’était réfugiée et où mon père, Belge, travaillait comme professeur de mathématiques. Nous avons ensuite vécu au Rwanda et au Zaïre, jusqu’au départ pour la Belgique. J’ai étudié la philosophie et aujourd’hui je travaille comme collaboratrice politique auprès d’un parlementaire et d’un Echevin adjoint au Maire de la ville de Liège.

J’ai milité pour plusieurs causes différentes mais avec un même objectif : l’égalité de tous en droit et en devoir.

 IGIHE : Aujourd’hui, quelle est la proposition pourriez-vous adresser aux rescapés ?

 Dominique Celis : C’est une question délicate...

 C’est une question délicate parce que je n’ai pas éprouvé moi-même dans ma chair ce qu’ils ont vécu, en particulier de 1990 à 1994.

Mais j’ai envie de dire deux choses : une que j’adresse spécifiquement aux rescapés, l’autre à tous ceux qui te liront.

Je voudrais encourager les survivants à témoigner de ce qu’ils ont vu et de ce qu’ils ont vécu. C’est la seule manière de combattre les négationnistes ; de réhabiliter la dignité de ceux qui ont été massacrés ; de préserver et de diffuser la mémoire du génocide des Tutsi.

Il y a de nombreuses manières de témoigner (organiser des groupes de paroles, écrire, raconter, chanter, peindre, etc) et, j’en suis sûre, il y a de nombreuses personnes qui sont prêtes à aider et à soutenir ceux qui veulent essayer de partager leur expérience.

Chacun à notre mesure et selon nos capacités, nous devons être attentifs à ne pas laisser l’espace vide car les négationnistes et autres racistes n’hésiteront pas à l’occuper.

 L’autre point que je voudrais partager concerne la situation sociale des survivantes qui ont été violées. Elles sont majoritairement contaminées par le VIH et, certaines, ont mis au monde l’enfant de leur/s tortionnaire/s….

Le viol, nous le savons, est une stratégie du génocide et il est désormais reconnu et puni pour ce qu’il est : un crime.

Un ensemble de préjugés fait que ces femmes sont souvent montrées du doigt, ou rejetées par leurs familles, ou méprisées, ou mises à l’écart de la société, etc.

 Je voudrais dire à toutes ces femmes l’immense respect qu’elles m’inspirent.

Ce n’est pas à elles d’avoir honte, mais aux violeurs et leurs complices.Ce n’est pas elles qui sont déshonorées, mais ceux qui ont commis ces actes.

Ce n’est pas à elles de se cacher, mais à eux.

Elles, elles peuvent marcher tête haute, avec fierté, car qui peut se permettre de les juger  ? Au nom de quoi ? Au nom de qui ?

Je les encourage de tout mon cœur à raconter ce qu’elles ont vécu parce qu’il ne faut rien épargner à ces criminels, rien. Je les encourage à témoigner parce que dire, parfois, libère (soulage) l’âme.

La photo de Dominique Celis

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