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Jean Paul II, le péché de chaire

Redigé par Le Point
Le 17 février 2016 à 01:14

Selon un documentaire de la BBC, l’ancien souverain avait une « relation intense » et épistolaire avec une universitaire américaine.
Le titre est alléchant et invite aux spéculations les plus osées : " Jean Paul II, le péché de chaire". Les lettres secrètes du pape Jean Paul II, un documentaire de Panorama, l’émission d’investigation de la BBC, se penche sur une « relation intense » entre le pape Jean Paul II et la philosophe américaine d’origine polonaise Anna-Teresa Tymieniecka. Mais rien dans l’enquête (...)

Selon un documentaire de la BBC, l’ancien souverain avait une « relation intense » et épistolaire avec une universitaire américaine.

Le titre est alléchant et invite aux spéculations les plus osées : " Jean Paul II, le péché de chaire". Les lettres secrètes du pape Jean Paul II, un documentaire de Panorama, l’émission d’investigation de la BBC, se penche sur une « relation intense » entre le pape Jean Paul II et la philosophe américaine d’origine polonaise Anna-Teresa Tymieniecka. Mais rien dans l’enquête du journaliste Ed Stourton ne permet de penser que cette relation platonique ait basculé un jour dans une liaison charnelle.

Le lien s’est développé pendant plus de trente-deux ans, entre rencontres fréquentes et échanges de lettres très intimes. Le documentaire, diffusé ce lundi soir sur la BBC (et mardi soir à 20h50 sur Arte), s’appuie sur des centaines de lettres, écrites par Karol Wojtyla, avant et après qu’il est devenu pape, et de photographies, toutes conservées à la Bibliothèque nationale de Pologne. Ces documents n’ont, d’après la BBC, jamais été montrés au public.
La place des femmes

Parmi les spécialistes de Wojtyla, Anna-Teresa n’est pas une inconnue. Ce qui surprend, c’est l’ampleur de sa correspondance, 300 lettres qui dormaient dans les archives polonaises. « Colossal », lâche Bernard Lecomte, l’un des meilleurs connaisseurs de Wojtyla, auteur d’une monumentale et passionnante biographie, parue chez Gallimard (Jean-Paul II).

Les liens du pape polonais avec les femmes ne surprennent guère non plus. « C’était un bel homme qui plaisait beaucoup », poursuit Bernard Lecomte. C’est Anna-Teresa Tymieniecka elle-même qui, en 2008, six ans avant sa mort et trois ans après celle de Jean Paul II, a vendu ses lettres aux archives. Les photos ont été retrouvées après son décès. Beaucoup d’entre elles montrent Jean Paul II et elle-même dans des situations informelles, en tenue de ski, en short au bord d’un lac lors de vacances en camping.

Plusieurs femmes ont joué un rôle clé dans la vie du pape, canonisé en 2014. Sentimentalement, celle qui aurait le plus compté est son amour de jeunesse, Halina Krolikiewicz, la fille du proviseur du lycée qu’il fréquentait, sa principale partenaire au théâtre devenue plus tard une actrice connue dans son pays.

Pendant la guerre, le futur pape rompt avec elle pour entrer au séminaire. Halina épouse leur meilleur ami commun. Tout juste devenu prêtre, Wojtyla baptise leur premier enfant. En 1978, une fois élu pape, il invite Halina à Rome pour assister à sa messe d’intronisation.
« Un peu amoureuse »

Professeur de philosophie dans une université américaine, Anna-Teresa entre, elle, dans sa vie en 1973. Tout comme Wojtyla, professeur de philosophie à l’université de Lublin, elle se rattache au courant philosophique de la phénoménologie. Cette année-là, elle lit Personne et Acte de Karol Wojtyla, son opus philosophique majeur.

Elle saute dans un avion pour Cracovie et se retrouve devant cet archevêque puissant de la Pologne communiste. « Le futur pape a sûrement été très flatté de voir débarquer cette universitaire américaine, lui adressant tous ces compliments », analyse Bernard Lecomte. Commence une relation amicale et intellectuelle qui comptera, à sa manière, dans l’histoire de l’Eglise catholique.

Tymieniecka traduit Personne et Acte en anglais. Surtout, en 1976, elle organise pour Wojtyla une tournée aux Etats-Unis qui joue un rôle primordial dans sa future élection à la papauté. Grâce à son mari, Hendrik Houthakker, économiste à Harvard (ancien conseiller du président Richard Nixon mais aussi, plus tard, du Vatican), Wojtyla donne une conférence dans cette université. Le futur Jean Paul II, qui loge chez le couple, se fait connaître des évêques américains. Deux ans plus tard, au conclave, il aura le soutien de cardinaux nord-américains influents.

Après avoir consulté les lettres, le journaliste Ed Stourton estime qu’Anna-Teresa a probablement avoué des sentiments amoureux à Jean Paul II dès l’été 1975, deux ans après leur rencontre. Son mari même, selon Bernard Lecomte, reconnaîtra plus tard qu’Anna-Teresa « était un peu amoureuse de Wojtyla ». Ils partageront plusieurs fois des vacances au cours des années, notamment dans la maison du couple dans le Vermont.
« Cadeau de Dieu »

Les seules lettres qu’a pu consulter la BBC sont celles de la main du pape. Celles écrites par Anna-Teresa manquent. « Ma chère Teresa, j’ai reçu tes trois lettres. Tu parles d’être déchirée, mais je n’ai pu trouver de réponse à ces mots », écrit-il en septembre 1976. Dans une autre lettre, il la décrit comme un « cadeau de Dieu ».

Toujours en septembre 1976, il ajoute : « Déjà l’an dernier, je cherchais une réponse à ces mots : "Je t’appartiens." Et finalement, avant de quitter la Pologne, j’ai trouvé un moyen, un scapulaire. C’est la dimension dans laquelle je t’accepte et te sens près de moi dans toutes sortes de situations, lorsque tu es loin et lorsque tu es proche. »

Ce scapulaire de dévotion, constitué de deux petits rectangles de tissus reliés par des fils, porté l’un contre le cœur et l’autre dans le dos, aurait été offert à Karol Wojtyla par son père lors de sa première communion. Il l’offrira à Anna-Teresa, révèle le documentaire. « Ce n’est pas invraisemblable d’imaginer le futur pape s’expliquant sur comment il ne peut donner suite aux sentiments amoureux d’Anna-Teresa.

C’était une personne très franche, très carrée », pointe Bernard Lecomte. C’était aussi, avant d’être un pape historique (1978-2005) et désormais un saint, tout simplement un homme.

Par Bernadette Sauvaget et Sonia Delesalle-Stolper, Correspondante à Londres


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