Ce 29 novembre 2013,
Dans le cadre de ‘Ndi Umunyarwanda’, le Ministre du Commerce et Industrie, François Kanimba, a demandé pardon pour, lui et sa famille, s’être réfugiés laissant les enfants Tutsi chez son beau-père où ils ont été massacrés par les Interahamwe.
Il a fait cette déclaration devant plus de 300 agents de son Ministère et de ceux des établissements dont ledit ministère assure la tutelle.

“Nous avons vécu des moments douloureux qui ont laissé des séquelles profondes au point qu’on ne peut pas dire qu’elles peuvent guérir avec les beaux discours des dirigeants qui appellent les Rwandais à revivre ensemble. Il faut accepter la réalité vécue et en demander pardon », a-t-il dit avant d’ajouter :

« Ceux qui se disent des Bahutu parmi vous, parmi nous, nous sommes couverts de honte pour nous asseoir avec les rescapés du génocide des Tutsi, pour travailler ensemble alors que les leurs ont été victimes de nos frères, de nos amis. Le Mutuitsi ne peut pas non plus oublier l’injustice qu’il a vécue durant plus de 40 ans ».

Il a ajouté qu’au vu de l’ethnocentrisme hutu qui a prévalu jusqu’au génocide de Tutsi de 1994, la simple demande de pardon ne confirme en rien que l’affaire est réglée à 100%, qu’au contraire c’est un bon défoulement psychologique.

Dans son témoignage, François Kanimba dit qu’il est issu de famille hutu qui a pris femmes tutsi depuis son grand-père polygame.

Avec le pogrom des Batutsi de 1959, il dit qu’il était petit mais qu’il se souvient que sa famille a caché beaucoup de Tutsi dans le plafond de la maison et dans d’autres cachettes. Cela a valu à sa famille d’être déconsidérée sous le règne de l’idéologie PARMEHUTU pour ne pas avoir été active dans les massacres de ces temps-là.

Au cours de son école primaire, a-t-il dit, le fait qu’on le soupçonnait de Tutsi a fait qu’il a refait 4 fois la sixième primaire avant d’être reçu à l’école secondaire. Il dit avoir même abandonné l’école pour faire le boulanger pendant une certaine période de l’année pour cela que, grâce à l’intercession de son père auprès du directeur de son école, il a pu se présenter au test de fin de cycle avec succès.

Une assistance attentive au témoignage du Ministre François Kanimba
A l’Ecole secondaire de Runyombyi, dans l’ancienne Préfecture de Gikongoro, où il a été affecté, la direction a douté de son appartenance ethnique hutu au point qu’il est retourné à la maison pour apporter les pièces d’identité de son père, a-t-il ainsi continué pour montrer le petit calvaire d’incompréhension qu’il a vécu.

“Tu n’es pas un tutsi des moindres, tu as du sang royal. Va dis à ton père de venir nous l’expliquer », lui a-t-on dit après qu’il ait exhibé l’identité de son père qui montrait qu’il était Hutu de clan Nyiginya.”

A la fin de ses études secondaires, il a toujours rencontré le même problème. Ayant réussi le difficile test lui donnant droit à l’Ecole de statistiques en France, il a eu du mal à convaincre les autorités qu’il était Hutu pour le laisser bénéficier de la bourse du PNUD et continuer en France.

De retour au Rwanda et fonctionnaire au Ministère du Plan, il a confié aux participants aux débats qu’il n’a jamais été en confiance avec ses collègues car il n’avait pas voulu appartenir ni au MRND ni à d’autres partis politiques.

Tentative de l’éliminer

Dans la nuit du 12 Février 1992, dans sa résidence de Kiyovu, il a été visité par une horde d’Interahamwe qui ont décidé de piller tout ce qu’il possédait et lui ont laissé la vie sauve, raconte-il.

« Attention, lui ont dit ses voisins, ça c’est un avertissement de taille. La fois prochaine qu’ils descendront chez toi, ils ne te laisseront pas vivant », confie-t-il à son assistance disant que ses voisins lui reprochaient de ne pas montrer qu’il soutient le régime en tant que leader d’opinion.

Selon lui, il a vécu de très mauvais moments avec le commencement du génocide. Sortir de Kigali pour Cyarwa à Butare chez son beau-père a été une sérieuse affaire. On lui a raconté que peu après son départ, des militaires ont fait irruption chez lui pour le tuer.

De Cyarwa, il a regagné la Zone Tutrquoise où l’on disait qu’elle était sécurisée. Il regrette ne pas avoir pris dans sa voiture les jeunes tutsi qui étaient cachés chez son beau-père et qui ont fini par être tués.

« Je demande pardon pour ne pas avoir eu la bravoure de rester avec eux et mourir ensemble même si l’héroisme n’est pas donné à tout le monde », a-t-il dit
« Il faut dire qu’en tant que hutu je n’ai pas commis le génocide mais certains membres de ma famille ont été des génocidaires. C’est cet opprobre pour lequel je demande pardon » a-t-il annoncé.

Le Ministre Kanimba raconte plus loin comment il a travaillé encore au Miniplan mais il ne se sentait pas en confiance avec ses collègues au point qu’il a migré à la Banque Mondiale-Antenne de Kigali où il traitait des aides pour le Rwanda.

Au passage, il raconte comment il est allé en Mission à Washington et qu’à l’Ambassade du Rwanda, le Dr Théogène Rudasingwa, alors ambassadeur, n’a pas voulu lui serrer la main.

Quand Paul Kagame est devenu président de la République, c’est là qu’il a cédé à ses insistances car, dans toutes les missions qu’il avait eu l’occasion de faire avec lui, il lui demandait de venir au gouvernement, confie-t-il.

Concluant son long témoignage, Kanimba a dit que le programme idéologique ‘Ndi Umunyarwanda’ a l’objectif d’épanouir les citoyens rwandais pour qu’ils se sentent complètement libres en eux-mêmes.