Béatrice Mukamulindwa est rwandaise. Elle était en Belgique au moment du déclenchement du génocide. Toute sa famille a péri lors du du génocide contre les Tutsis tes des génocidaires hutus. Mais ses enfants ont disparu. Béatrice conserve l’intuition qu’ils sont vivants, quelque part. En 2007, elle a fondé une association pour les parents à la recherche de leurs enfants. Pendant le génocide, plus de 70.000 enfants ont perdu leur famille. Certains sont orphelins ; mais d’autres ont peut-être encore des parents en vie, quelque part. Réunir ces familles séparées est devenu la mission de Béatrice Mukamulindwa.
"Cri du cœur d’une mère pleine d’espoir"
Mars 1994. Béatrice rend visite à son mari, étudiant à Louvain-la-Neuve. Quand l’avion du président Habyarimana est abattu, le 6 avril, signant le début du génocide, la jeune mère est piégée en Belgique. Elle a confié ses enfants à son frère, dans le sud du pays. Alain-Flavien a douze ans, Aline, dix ans et Nadège, neuf ans. Elle ne les reverra jamais.
En juillet 1994, le mari de Béatrice part au Rwanda. Le pays est dévasté, les rescapés fous de peur et d’horreur. Un million de personnes ont été abattues à la machette. Essentiellement des Tutsis. Plus de deux millions ont fui le pays. Le mari de Béatrice retrouve un neveu de 18 mois. Mais ses enfants et leur oncle ont disparu sans laisser de traces.
Béatrice Mukamulindwa se lance dans la bataille. Elle retourne au Rwanda. Elle interroge les rescapés, terrifiés sur les collines. Toute sa famille a été décimée, mais personne ne connait le sort de son frère, de ses nièces et de ses enfants. Ont-ils pu s’enfuir vers le Burundi voisin ? Béatrice écume les camps de réfugiés, sans succès. Elle se rend au Congo-Brazzaville, et même à Montréal, où se trouvent de nombreux réfugiés rwandais.
"Après le génocide, il y a eu beaucoup d’adoptions au Canada et en Italie, explique Béatrice. Mais il y a eu aussi des adoptions sauvages ! Peut-être mes enfants ont-ils suivi le flot des réfugiés vers le Congo ? Peut-être vivent-ils dans la forêt aujourdhui ? "
Mères désenfantées
Son couple ne survit pas à ce drame. Elle continue seule à rechercher ses enfants. En secret. Car elle a peur d’être prise pour une folle. La parole ne circule pas parmi les survivants, écrasés de culpabilité. Le génocide est un tabou. Jusqu’au jour où elle rencontre d’autres mères en recherche. Les "folles de la place de mai", ces femmes chiliennes et argentines qui cherchent sans relâche leurs enfants ou petits enfants , disparus sous la dictature. C’est un soulagement. Elle n’est plus seule. En 2011, elle lance sa propre association "Cri du cœur d’une mère qui espère", avec six autres mères rwandaises désenfantées. L’espoir renait, car des enfants réapparaissent. C’est le cas d’une jeune fille qu’on croyait morte, et que l’on redécouvre dans un orphelinat 16 ans après le drame. Sa tante, opiniâtre, n’a jamais cru à sa mort. Béatrice sent elle aussi, dans ses tripes, que ses enfants sont encore vivants. Peut-être pas tous certes. Mais certains.
"Aujourd’hui ils sont grands, ils ont plus de trente ans. Et je suis peut-être grand-mère", sourit-elle.
Avec RTBF
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