Concept polysémique, elle se déploie à la fois dans l’intangible partage d’intérêts, de sentiments, de valeurs et dans le concret : regroupements villageois, associations culturelles ou religieuses, solidarités économiques.
Dans sa polysémie, elle manifeste toujours la tension entre le singulier et le collectif, entre inclusion et exclusion, entre le familier et l’étranger.
La sociologie classique a souvent pensé la communauté comme un idéal perdu, dissous dans l’émergence d’une société impersonnelle et individualiste.
La communauté intime, naturelle et organique, fondée sur la proximité, les liens affectifs, la famille, le village, les traditions ou l’histoire commune.
La communauté naturelle, intime et solidaire, opposée à la société impersonnelle et contractuelle dont les relations au sein reposent sur la solidarité morale et affective, la confiance mutuelle et le sentiment d’appartenance.
Elle est caractérisée par l’intimité, l’exclusivité et l’enracinement, c’est-à-dire que les individus y sont liés de manière spontanée et durable, par des valeurs partagées plutôt que par des contrats ou des intérêts matériels.
Le lien social intime, naturel et organique, se fonde sur la proximité, l’affection, la famille, le village, la tradition et les liens communautaires profonds. Elle repose sur la solidarité affective et morale, la confiance mutuelle et une identité partagée.
Elle s’oppose à la forme de lien social formel, contractuel et impersonnel, typique des sociétés modernes et urbaines, où les relations sont régies par l’intérêt individuel, les obligations légales ou économiques, et non par l’affection ou la familiarité.
Cependant, cette dichotomie apparaît aujourd’hui insuffisante pour penser la complexité des réalités congolaises, notamment dans ce que l’on appelle le Kivu.
Depuis des temps immémoriaux, les communautés de cette région partagent une sociologie commune, structurée par la langue, les cultes, les mœurs et les usages coutumiers. Les noms des collines, des montagnes, des rivières, des villages et des cités témoignent de cette continuité culturelle et historique.
Les familles se lient par le mariage, par des pactes coutumiers, des dons de terres ou de bétail, et par des alliances politiques et sociales. Ces liens ancestraux, profondément enracinés, échappent aux frontières artificielles imposées par des régimes coloniaux ou postcoloniaux : elles peuvent diviser les terres, mais elles ne sauraient défaire l’intrication des liens familiaux et sociaux.
Ainsi, malgré les guerres, les déplacements forcés ou les tensions politiques, ces communautés se fréquentent régulièrement lors des cérémonies coutumières, renouvelant sans cesse des alliances immuables et intangibles.
Dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri, ces dynamiques se recomposent constamment sous la pression de conflits armés, de marginalisation économique et de crises humanitaires. La cohésion n’y est jamais donnée ; elle se construit dans l’urgence, à partir de liens de survie, de solidarité et de résistance. Les associations dans le Sud-Kivu, les collectifs d’enseignants à Goma ou les réseaux de paysans à Beni incarnent cette capacité des communautés à se structurer, à se réinventer, et à transcender toute fragmentation imposée.
Ces formes concrètes incarnent ce que certains nomment la « Communauté » : évanescente, imprévisible, mais d’une puissance indéniable sur le sentiment d’appartenance et le lien social.
La fiction et l’imaginaire : penser la communauté depuis ses marges
Si la sociologie analyse, la littérature invente. Dans l’espace fictionnel, la communauté peut se concevoir comme un laboratoire social et politique, un lieu où la cohésion se construit et se négocie, où la limite entre inclusion et exclusion devient terrain d’expérimentation. La communauté n’y est jamais une essence donnée ; elle est processus, tension et geste créatif.
Transposé à la RDC contemporaine, ce paradigme permet de comprendre les collectifs locaux comme des laboratoires de résilience : coopératives agricoles dans les hauts plateaux du Sud-Kivu, initiatives éducatives à Minembwe, associations de déplacés dans la région de Beni. Ces communautés marginales incarnent des modes de vie alternatifs, fondés sur la coopération, l’inventivité et la résistance aux violences.
Penser la communauté depuis ses marges, c’est accepter l’instabilité, la pluralité et la créativité comme fondements du lien social. Cela permet de dépasser les nostalgies d’un ordre perdu et les constructions essentialistes, tout en observant comment des individus et des groupes, face aux crises, inventent des formes inédites de solidarité et de cohésion.
Dans le contexte congolais, la littérature et l’imaginaire politique se rejoignent : ils offrent un espace où se négocient identités, mémoire collective et futur commun, dans une tension constante entre perte et invention.
Ainsi, la communauté devient moins un héritage statique qu’un chantier vivant, ouvert aux possibles, aux marges et aux audaces, capable de traverser frontières, conflits et épreuves, tout en conservant intacte l’indélébile mémoire des liens ancestraux.














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