Le blocus de Minembwe ou une spirale d’asphyxie organisée et la menace d’un désastre annoncé

Redigé par Tite Gatabazi
Le 1er décembre 2025 à 11:06

Depuis plusieurs mois, l’enclave de Minembwe, nichée dans les hautes terres du Sud-Kivu, se trouve placée sous un blocus d’une intensité et d’une systématicité telles qu’il ne s’agit plus seulement d’une opération militaire, mais d’une véritable entreprise d’étranglement collectif.

Les forces armées burundaises, en déployant un dispositif tentaculaire de plus de douze mille hommes répartis en près de soixante-dix positions stratégiques, des collines de Bijomba aux vallons de Kicule, de Rugezi à Babengwa ont scellé un encerclement hermétique de Minembwe et de ses abords immédiats.

Ce dispositif, par son ampleur disproportionnée et son caractère répressif, ne laisse guère de doute quant à la nature de l’objectif poursuivi : la mise à genoux des civils ciblés, déjà meurtrie et la destruction programmée de son tissu social, économique et humain.

Les bombardements récurrents, rapportés par de multiples sources locales et confirmés, fait exceptionnel, par le porte-parole même de l’armée burundaise, le général Gaspard Baratuza, sur les antennes de la BBC, instaurent une atmosphère d’insécurité absolue.

Ces frappes, combinées à un contrôle drastique des voies d’accès, ont pour effet immédiat l’interdiction de facto de l’acheminement de l’aide humanitaire la plus élémentaire : vivres, médicaments, matériel sanitaire, rien ne peut atteindre les hauteurs assiégées.

Les cas les plus graves, blessés en état critique, femmes enceintes en détresse, malades nécessitant des soins urgents se voient privés d’évacuation, condamnés à une mort silencieuse faute de prise en charge.

A cette asphyxie logistique s’ajoute une dévastation systématique des villages environnants : plus de 85 % des hameaux banyamulenge auraient déjà été incendiés ou réduits en cendres, dans un mouvement de destruction qui rappelle les méthodes de terre brûlée mises en œuvre dans d’autres conflits à dimension ethnique.

Le bétail, ressource vitale pour ces communautés pastorales, a été razzié ; les troupeaux, dispersés ou capturés, privant les familles de leur unique capital économique. Il s’agit là d’une stratégie classique d’appauvrissement, visant à couper la population de ses moyens d’existence et à la réduire à une dépendance absolue ou à l’exode forcé.

Il serait toutefois impossible d’appréhender pleinement ces événements sans les replacer dans le contexte idéologique qui les sous-tend. Lorsque le président de la République du Burundi, dans une déclaration publique d’une gravité sans précédent, nie catégoriquement la citoyenneté congolaise des Banyamulenge, peuple installé de longue date dans les hautes terres du Sud-Kivu, il ne s’agit pas d’un simple glissement rhétorique, mais d’une falsification historique assumée, assortie d’une déshumanisation politique qui ouvre la voie aux pires dérives.

La négation de l’appartenance nationale ou culturelle d’un groupe n’a jamais été un détail de langage : elle constitue l’un des piliers essentiels de l’idéologie génocidaire, telle que maints tribunaux internationaux l’ont reconnu.

Ce discours n’est pas isolé. Déjà, Agathon Rwasa, figure politique incontournable au Burundi, avait professé la nécessité d’« éliminer » les Tutsi de la région, propos d’autant plus alarmants que le FLN, mouvement avec lequel il a longtemps été associé, a revendiqué le carnage de Gatumba en 2004, où les victimes furent précisément ciblées pour leur appartenance banyamulenge.

Le continuum idéologique est patent : exclusion, stigmatisation, délégitimation, puis violence ciblée.

Les enseignements du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, qui a qualifié de génocide le massacre de Srebrenica, rappellent que le génocide ne se limite pas aux tueries de masse immédiates : il englobe également les politiques visant à annihiler un groupe par des moyens cumulatifs, encerclement, privation de ressources vitales, destruction systématique de villages, élimination des hommes en âge de porter les armes, terreur organisée et impossibilité de survivre en tant que communauté.

Ce que le TPIY a mis en lumière pour les événements de juillet 1995 éclaire tragiquement les dynamiques observables aujourd’hui dans les hauts plateaux du Sud-Kivu.

Au regard de ces éléments, blocus militaire, privation humanitaire, destruction des villages, dépossession économique, rhétoriques de déni identitaire et appels à l’élimination, il apparaît avec une inquiétude croissante que les Banyamulenge se trouvent exposés à un risque grave, immédiat et massif d’anéantissement collectif.

Lorsque les conditions objectives convergent ainsi vers une destruction partielle ou totale d’un groupe en tant que tel, il appartient à la communauté internationale, comme aux institutions régionales, de nommer les choses avec rigueur et d’agir avec détermination.

Car laisser prospérer ces signaux d’alerte reviendrait à rééditer les tragédies dont l’Afrique des Grands Lacs a trop souvent été le théâtre.

Ce qui se joue à Minembwe dépasse largement la seule géopolitique congolo-burundaise : c’est la conscience même de la région, et le testament moral de l’histoire récente, qui se trouvent ici convoqués.

Le silence, l’ambiguïté ou l’indifférence seraient, une fois de plus, les complices du pire.

Depuis plusieurs mois, Minembwe, dans le Sud-Kivu, subit un blocus systématique, devenu un véritable étranglement collectif

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