En légalisant les groupes armés dits Wazalendo, le gouvernement congolais, par calcul et par capitulation, a ouvert une brèche béante dans le fragile édifice de l’ordre républicain, substituant à l’autorité de l’État l’arbitraire de milices incontrôlées, livrées à leurs instincts les plus brutaux.
Ce qu’il se passe actuellement sur la Route Nationale numéro 4, dans la province de la Tshopo, n’est pas un simple incident de parcours. C’est le révélateur d’une faillite politique, morale et institutionnelle. Dans la nuit du 19 avril, à quelque vingt-six kilomètres de Kisangani, des voyageurs revenant d’Isiro ont été interceptés, passés à tabac et dépouillés de leurs biens par des hommes en armes arborant fièrement l’étiquette de Wazalendo.
Certaines femmes furent dénudées, des civils fouettés et humiliés sous des prétextes fallacieux de sécurité. Tout cela dans un climat d’impunité, légitimé par un gouvernement qui, désormais, arme la peur et institutionnalise l’arbitraire.
Car il ne faut pas se méprendre : ces exactions ne sont pas des bavures isolées. Elles traduisent l’essence même d’un système où la violence privée, sous couvert de patriotisme, supplante les lois républicaines. Que vaut encore la citoyenneté congolaise si l’on peut, au gré des humeurs d’un milicien improvisé, être humilié, dépouillé, battu, et cela sans autre forme de procès ? Quel est ce pays où l’on proclame défendre le peuple en l’asservissant davantage ?
Le plus tragique demeure le silence complice, voire lâche, des prétendus défenseurs des droits humains, de certains leaders religieux et intellectuels, si prompts à l’indignation sélective lorsque l’opportunité médiatique le commande, mais étrangement muets face aux violences quotidiennes infligées aux anonymes de l’arrière-pays. La vie humaine, en RDC, semble n’avoir de valeur que lorsqu’elle sert des agendas idéologiques ou diplomatiques.
Le gouvernement provincial, par la voix de son ministre de l’Intérieur, annonce des « mesures d’encadrement ». Faut-il en rire ou en pleurer ? Comment encadrer ce que l’on n’aurait jamais dû tolérer ? Comment légitimer des hommes en armes que rien ne lie à la discipline républicaine, et à qui l’on confie le droit de fouiller, d’arrêter, de violenter ? Nous assistons là à la chronique annoncée d’une décomposition étatique, où la force supplante le droit et où la dignité humaine devient variable d’ajustement.
La RDC, ce vaste pays meurtri, n’a pas besoin de supplétifs armés ni de pseudo-patriotes improvisés. Elle a besoin d’institutions fortes, d’une armée républicaine crédible, et d’une gouvernance qui rompe avec le cynisme sécuritaire. En légalisant la barbarie, l’État congolais hypothèque non seulement la sécurité de ses citoyens, mais également l’idée même de République.
Il est encore temps de se ressaisir. Mais cela exige du courage politique, celui de démanteler ces milices légalisées, de restaurer l’autorité républicaine et de replacer la vie humaine au centre des préoccupations de la puissance publique. Sans cela, la RDC ne sera bientôt plus qu’une juxtaposition de fiefs armés et de territoires sous coupe réglée, où l’État ne règnera que sur les papiers officiels, et où la peur deviendra la norme commune.
Ce combat n’est pas seulement sécuritaire, il est éthique et politique. Il engage l’idée que nous nous faisons de l’État, de la dignité humaine et de la nation.

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