Rwanda : Brève rétrospective politique

Redigé par Tite Gatabazi
Le 5 avril 2022 à 03:14

Au- delà des crises à répétition et des éléments de circonstance, que regorge vraiment le fonctionnement du pouvoir au quotidien au Rwanda, pour peu qu’on puisse l’approcher ; lui source des crises politiques.

Depuis la royauté, la compétition politique est virulente au Rwanda et les renversements d’alliances déterminent la forme sinon l’ampleur de cette violence.

Ils présentent des similitudes. On retrouve entre autre les clans, les factions, les régions mais surtout des alliances souterraines qui opèrent selon des codes et rituels qui ne parviennent pas à dépasser les rivalités et les clivages.

En son temps, le Roi, soucieux de ne pas s’isoler, s’appuyait sur des hommes qui lui devaient tout et lui étaient entièrement dévoués.

Avec l’expérience, tous les pouvoirs sur terre opèrent de la sorte. La loyauté avant la compétence.

Lors de la lutte pour l’indépendance du pays, on érigea l’ethnisme pour la conquête du pouvoir par la violence. Ainsi naquit le « Parmehutu », dont l’acronyme est un programme en lui tout seul.

La « Toussaint rwandaise » de 1959, le « Noël noir » de 1963, les pogroms successifs l’ont été suite à l’instrumentalisation ethnique en vue de la conquête du pouvoir et par la suite sa conservation.

Cette violence avait préalablement fait l’objet de récits imaginaires et mis en scène par la célébration jusqu’au génocide contre les tutsis.

Les prêches du clergé catholique lui auront donné une onction depuis la décennie 1950. La propagande « hutu power » s’en réclamera plusieurs années après.

Cette propagande était fortement caractérisée par la canalisation de la peur. Le « tutsis » :l’ennemi, le serpent, le cafard, l’infiltré, sournois est partout. Ce qui incitait et entretenait la méfiance.

On se souvient du « manifeste des bahutus », des « dix commandements du hutu », des prêches dans les églises catholiques, des meetings dans les communes, des articles de presse, des émissions à la radio RTLM, des enseignements à l’école supérieure militaire « ESM ».

Les ordres et des consignes de tuer qui se transmettaient, en plus des médias, par les fonctionnaires, les responsables administratifs, enseignants, commerçants. Tout le monde s’y mettait.

Car cela remontait à loin et prenait ses racines dans l’histoire et les liens « incestueux » entre l’administration belge, l’église catholique et les leaders hutus.

Déjà le 11 février 1959, à l’occasion du carême, Monseigneur Perraudin avait annoncé le soutien de l’Eglise catholique aux revendications hutu.

Le 24 septembre de la même année, il franchissait un pas supplémentaire dans le parrainage. Dans une circulaire adressée aux prêtres, il les mettait en garde en présentant le parti UNAR comme « islamiste et pro-communiste » et « anti catholique ».

Il ne pouvait être plus clair dans sa prise de position.

Avec l’appui et l’assistance de la même Eglise, les massacres des tutsis de 1959 étaient encouragés et encadrés. Les pogroms suivant (1963, 1967, 1973) avaient respectés le même schéma.

Des milliers de personnes, tutsies étaient tuées, d’autres prirent le chemin de l’exil pendant que leurs habitations étaient incendiées

Et au-delà des morts, des destructions des maisons et du bétail, les ravages de l’exil que sont l’angoisse, le traumatisme dont les conséquences se sont répercutées sur la durée.

L’onde de choc accompagnera la galère de l’exil, puissant moteur d’un désir plus fort que tout pour le retour.

Le colonel Belge Logiest parlera plus tard « de la révolution assistée ».

La première république démarra ainsi sur les chapeaux de roues, trainant avec elle un véritable quiproquo. Il en sera le poison.

Et très tôt, la gestion du pouvoir va devenir problématique. Le parmehutu évincera les dirigeants du RADER et de l’UNAR et deviendra un parti unique.

Avec une pensée qui aura provoqué un enferment ethniste, régionale et fragmentée la société.

Mais ils ne tarderont pas à afficher les dissensions. Entre les batailles de postes, l’exclusion des ressortissants d’autres régions, la discorde s’amplifiait.

La disparition de « l’ennemi commun : le tutsi » de la scène politique avait mis à nu les oppositions.

En 1973, le régime de Kayibanda était à bout de souffle. Il encouragea des comités de Salut Public constitués par des étudiants pour organiser la purge des écoles secondaires et de l’université, puis de l’administration et des entreprises de leurs éléments tutsis.

Parmi eux, Pasteur Bizimungu qui rejoindra plus tard le FPR et présidera aux destinées du pays. Ironie de l’histoire !

Cette fois ci, le coup de la diversion ethnique n’opérera pas. Le système était à bout de souffle et dépassé.

Kayibanda figé, croyant tirer profit du désordre avait éloigné de l’exercice du pouvoir les officiers du Nord. Trop tard, ceux-ci étaient à la manœuvre.

Le contentieux « Nduga – Kiga » était à son paroxysme et lui sera fatale.

Les orientations, la stratégie, la méthode etaient fustigés. La rhétorique du martellement prenait l’eau de partout et la débâcle annoncée se produisit.

A la tête du comité des « camarades du 5 juillet 1973 », le Major Juvénal Habyarimana le déposa.

Kayibanda et les autres dignitaires de son régime subirent des traitements inhumains et dégradants jusqu’à la mort atroce. On cite le chiffre d’une soixantaine d’individus incarcérés tandis que d’autres subirent une répression féroce.

Ce contentieux est pendant jusqu’à ce jour.

Très tôt se mettent en place des réseaux et structures parallèles aux organes de l’Etat et dame Agathe Kanziga, épouse du Président, forme déjà ce qu’on nommera plus tard « akazu ».

Et les liens de clientèle de madame ne laisseront aucun domaine à l’abri de sa main. Et la redistribution de la richesse laissa à l’écart la grande majorité de la population.

Le régime instaura une politique de l’équilibre ethnique et régionale. Un système de quotas.

L’akazu va être cruelle. On pourrait citer pele mêle l’assassinat du Colonel Mayuya, l’assassinat de Diana Fossey, la fuite du Colonel Kanyarengwe, l’emprisonnement du Colonel Lizinde, tous deux camarades du 5 juillet.

A chaque étape de pogroms, les prises de paroles ont regorgé des mots qui évoquaient de façon cryptée la déshumanisation du tutsi.

Sous couvert de discours convenu, les clichés anti-tutsis fleurissaient de nouveau. Au fur et à mesure, les hutus s’étaient radicalisé et le discours de haine se banalisait.

Mais comme dirait l’autre, « l’unité des hutus est un mirage ». La décennie 1980 est une pente raide pour la population au Rwanda. Famine, crise économique, crise sociale, le pays est exsangue.

L’akazu avait fait main basse sur l’économie et la finance. Pour le peuple, l’animation s’en occupera et pourra les distraire.

Et les exilés n’ont qu’à demeurer là où ils ont trouvé refuge. C’est officiel et c’est ainsi.

Mais encore une fois les hutus se déchirent. Les fissures qui lézardent les fondements du « bateau de l’unité » provoquent des cassures. Et le climat n’a cessé d’être orageux au fil du temps annonçant une pluie diluvienne.

Le 1 octobre 1990, les exilés et enfants nés en exil entament la guerre de libération. Déterminés et défendant une cause noble.

L’un d’eux, en rejoignant le front en 1990, laissa ce mot à sa famille :

« Je pars pour libérer mon pays. Rendez-vous à Kigali ou au ciel ». Ils étaient tous dans cet état d’esprit.

Nous célébrons tous les jours leur bravoure que nous transmettons avec délectation.

Les convenances de la diplomatie imposèrent des négociations. De la N’Sele à Kinshasa, à Gbadolite jusqu’à Arusha en Tanzanie.

Les accords de paix d’Arusha furent un marché de dupe. Le Président Habyarimana en personne les qualifia de chiffons de papiers tandis que le colonel Bagosora promettait l’apocalypse.

Le 6 avril 1994, le Falcon 50 Présidentiel de retour d’Arusha à bord duquel avaient pris places les deux Présidents Habyarimana du Rwanda et Ntaryamira du Burundi. Les ministres Burundais Bernard Cyiza et Cyriaque Simbizi.

Coté rwandais le Général Major Déogratias Nsabimana, chef d’état-major des FAR, Major Thadée Bagaragaza, Juvénal Renzaho, conseiller du Président, Dr Emmanuel Akingeneye, médecin du Président, Colonel Elie Sagatwa, directeur de cabinet du Chef de l’Etat et beau-frère de celui-ci.

Douze passagers et trois membres d’équipage.

On connait la suite.


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