Afghanistan : un nouvel attentat pour effrayer la communauté étrangère avant les élections

Redigé par rfi
Le 25 mars 2014 à 09:19

L’hôtel Serena, à Kaboul, le 21 mars 2014. REUTERS/Mohammad Ismail
L’attaque jeudi soir de l’hôtel Serena, à Kaboul - un hôtel de luxe prisé par les diplomates, les travailleurs étrangers et les hommes d’affaire afghans, a fait neuf morts, cinq afghans et quatre étrangers. Les talibans avaient prévenu qu’ils feraient tout pour perturber les élections dont le premier tour doit se dérouler le 5 avril. De fait il y a de plus en plus d’attaques.
L’hôtel Serena avait déjà été visé en 2008 par un (...)

L’hôtel Serena, à Kaboul, le 21 mars 2014.
REUTERS/Mohammad Ismail

L’attaque jeudi soir de l’hôtel Serena, à Kaboul - un hôtel de luxe prisé par les diplomates, les travailleurs étrangers et les hommes d’affaire afghans, a fait neuf morts, cinq afghans et quatre étrangers. Les talibans avaient prévenu qu’ils feraient tout pour perturber les élections dont le premier tour doit se dérouler le 5 avril. De fait il y a de plus en plus d’attaques.

L’hôtel Serena avait déjà été visé en 2008 par un attentat-suicide qui avait fait 9 morts. Depuis, les conditions de sécurité avaient été renforcées - gardes armés, portes en acier, détecteurs de métal, machines à rayon X. Ce qui n’a pas empêché le commando de pénétrer dans l’hôtel en faisant croire qu’ils venaient participer au dîner organisé pour le Nouvel an afghan, Norouz – et de faire passer, cachés dans leurs chaussures, six petits pistolets. Le gouvernement afghan a d’ailleurs ouvert une enquête pour savoir pourquoi ces armes n’ont pas été découvertes. Il souligne par ailleurs qu’il avait proposé ces deux dernières années à la direction de l’hôtel d’utiliser ses forces de sécurité, ce qu’elle a refusé.

En tous cas, une fois entrés, les quatre jeunes attaquants se sont cachés dans les toilettes de l’hôtel, et ils ont attendu – des talibans très jeunes, à peine sortis de l’adolescence. A 20h30, ils se sont dirigés vers la grande salle où les clients dînaient et ont commencé à tirer. L’attaque a duré deux heures. Pendant que les forces de sécurité et les talibans échangeaient des coups de feu, plusieurs centaines de clients et de membres du personnel s’étaient réunis dans un bunker de l’hôtel, d’autres étaient évacués du building.

Un bilan très lourd

Avant d’être abattus, les kamikazes ont réussi à tuer neuf personnes, cinq afghans et quatre étrangers. Les talibans ont revendiqué l’attentat, expliquant que cette fête du nouvel an, d’origine perse, n’était pas une fête islamique. En fait, tout le monde sait la véritable raison de cette attaque : dans deux semaines, c’est la présidentielle.

Le scrutin se déroule à une période clé pour l’Afghanistan, puisque d’ici la fin de l’année la coalition aura pour l’essentiel quitté le pays, et les forces de sécurité afghanes se trouveront quasiment seules face aux talibans, avec un président à peine élu - sachant que ce ne sera pas Hamid Karzaï, qui depuis le début de la guerre préside aux destinées du pays (conformément à la Constitution, il ne peut pas se présenter une troisième fois).

D’où cette volonté des talibans de perturber le scrutin, pour, selon un spécialiste de la région, en discréditer les résultats, créer une crise de légitimité à Kaboul et arriver en position de force à la table d’éventuelles négociations.

Discréditer le vote de la présidentielle

Par ce genre de démonstration de force, les talibans veulent faire peur aux Afghans, pour qu’ils ne votent pas, et aux étrangers qui vont assister à cette élection - entre autres les observateurs et les journalistes. Et les talibans s’y emploient depuis le début de l’année : le 17 janvier dernier, un commando suicide avait tué 21 personnes, dont 13 étrangers, dans un restaurant surtout fréquenté par des expatriés ; le 11 mars, c’était un reporter anglo-suédois qui était abattu dans le quartier de Kaboul où sont établies plusieurs ambassades. Des lieux censés être ultra-sécurisés.

Et jeudi soir, sur les neuf personnes tuées, il y avait donc quatre étrangers mais aussi parmi les cinq afghans un journaliste, Sardar Ahmad, qui était chef des correspondants de l’AFP, l’agence France Presse, en Afghanistan, et qui par le passé a travaillé pour RFI. Sa femme et deux de ses enfants ont été eux aussi tués dans l’attaque, le troisième est dans un état critique. Aujourd’hui le PDG de l’Agence France Presse a fait part de la « douleur immense » de l’AFP, le gouvernement français a de son côté dit sa « grande émotion » et condamné l’attentat.

Pour autant, on ne peut pas dire que Sardar Ahmad était visé : il s’agit manifestement d’une coïncidence. Mais évidemment ces nouvelles violences amènent, comme le veulent les talibans, les gouvernements et les journalistes étrangers à s’interroger sur leur présence dans le pays pour couvrir le scrutin du 5 avril ; certains observateurs aussi s’interrogent, plusieurs ont déjà fait leurs bagages.

Et moins il y a d’observateurs, plus il sera facile pour les talibans de critiquer ces élections. Les talibans ont aussi promis d’attaquer le personnel électoral et politique. Selon le ministère afghan de l’Intérieur, c’est d’ailleurs un sénateur qui était visé par l’attaque de jeudi. Il s’en est sorti blessé, mais vivant.

par Christophe Paget


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