BEST OF - Depuis le lancement du Festival International du Film Policier de Beaune, Danielle Thiéry officie avec passion en qualité de présidente du jury spécial police. Ancienne commissaire divisionnaire, elle a écrit une vingtaine de romans policiers, dont "Des clous dans le cœur", prix du Quai des Orfèvres 2013. Pour metronews, l’intéressée a désigné, non sans difficulté, ses polars cultes.

Des enquêtes, Danielle Thiéry en a menées à la tonne et au quintal. Elle fut en effet l’une des premières femmes de l’histoire de la police française à accéder au grade de commissaire divisionnaire. En parallèle de sa carrière exemplaire, cette native de la Côte d’Or, 68 ans, dégaine régulièrement une arme d’un autre genre avec aplomb : sa plume. Depuis 1997, elle a imaginé plusieurs intrigues vertigineuses et trouvé graduellement une place de choix dans le coeur des aficionados du polar.

Des peintures sociales avant tout

Rien d’étonnant à la voir dès lors fouler chaque année le tapis rouge du Festival de Beaune où elle préside le jury spécial police. Entre deux projections, cette cinéphile a pris le temps de revenir pour metronews sur ses polars cultes. Mais avant de lâcher sa précieuse short-list, elle a tenu à faire un petit état des lieux, déplorant notamment le triomphe actuel de la cruauté dans son genre littéraire de prédilection. "J’ai rencontré une lectrice il y a pas si longtemps qui m’a dit qu’un livre est réussi quand on est surpris à toutes les pages et que ça se termine mal", a-t-elle concédé.

Globalement sceptique face à une partie de la production du moment, Danielle Thiéry regrette ces grands romans qui s’offraient comme "des peintures sociales, des instantanés d’une époque ou d’un univers qui nous sont éloignés". Et d’ajouter : "La répétition et la complaisance des descriptions de certaines scènes de violence sont problématiques. Je connais les ressorts criminels. Par exemple, les tueurs en série ne sont pas ces intellos sophistiqués qu’on nous vend à tire-larigot. Ce sont juste des personnes communes qui cèdent à leurs pulsions."

D’Eco à Ellroy

Son leitmotiv pour juger une oeuvre ? L’écriture qui, selon son propre aveu, fait le sel de l’entreprise et assoit sa singularité. Pour elle, Le nom de la rose d’Umberto Eco fait ainsi partie des cinq romans policiers à lire avant son dernier souffle. "Ce livre, c’est l’érudition, l’histoire, le style… Il a une allure de thriller absolu malgré l’époque où se déroule l’action. Il marque à jamais." Thiéry enchaîne ensuite avec la "veine" James Ellroy, dont elle n’arrive pas à départager L.A. Confidential et Le Dahlia Noir. "Il évoque si bien la police d’après-guerre, dans laquelle régnait notamment des problèmes de corruption. On a juste envie de lui dire : chapeau !"

Shutter Island de Dennis Lehane, dont elle a adoré la transposition sur grand écran de Martin Scorsese, figure également parmi ses incontournables. "C’est le récit de Lehane qui m’est resté le plus longtemps en mémoire… La construction et cette manière de nous balader dans un milieu si effrayant, c’est assez incroyable". Suivent enfin Kif de Laurent Chalumeau, "un artiste brillant, doté d’un vrai langage et hélas pas encore reconnu à sa juste valeur" et Or Noir de Dominique Manotti, "auteure et historienne précise et exigeante avec elle-même et ses sources" ; laquelle recevra samedi soir le Grand Prix du Roman Noir Français à Beaune. La boucle est bouclée.

Danielle Thiéry a coécrit l’essai Le Souffleur, dans l’ombre des négociateurs du RAID, avec Christophe Baroche. L’ouvrage est en librairie depuis le 24 mars 2016.

Avec metronews.fr