Trois jours après le gigantesque glissement de terrain survenu dimanche 20 décembre à Shenzhen, dans le sud de la Chine, les secours sont toujours à pied d’œuvre pour tenter de retrouver les disparus. Dans cette ville de 10 millions d’habitants, emblématique de l’essor économique du pays, la catastrophe, qui n’a rien de naturelle, pose à nouveau la question de son industrialisation fulgurante et du respect des normes de sécurité.

A l’aide de dizaines de pelleteuses et de chiens renifleurs, ce sont quelque 3 000 sauveteurs, pompiers, militaires et secouristes, qui ont été mobilisés et qui arpentent les 38 hectares de cette mer de boue à la recherche de plusieurs dizaines de personnes. Bien qu’un survivant ait été extirpé de cet amas de terre mercredi matin, l’espoir de retrouver d’autres disparus, ensevelis sous une couche de terre épaisse de 10 mètres, est faible, trois jours après le drame.

Le ministère chinois des Ressources territoriales et le quotidien officiel Global Times estiment que la catastrophe résulterait de l’effondrement d’une véritable montagne de terre. Mêlée à de morceaux de ciments et de détritus divers, la terre, issue des travaux de construction, a été accumulée dans une ancienne carrière, au point de former une colline artificielle de 100 mètres de haut. Une colline que la pluie a rendue instable, provoquant finalement ce désastreux glissement de terrain dimanche dernier.

Normes de sécurité

Pour autant, ce drame n’a rien de surprenant. Selon des médias locaux et des documents consultés par l’AFP, les autorités du district de Guangming, où la catastrophe s’est déroulée, étaient au courant du problème et, en janvier, une étude s’était déjà inquiétée des risques d’effondrements. Depuis deux ans, les riverains se plaignaient régulièrement du manège des camions, sans aucune réponse des autorités, rapporte le portail d’informations locales Shenzhen News.

La catastrophe de Shenzhen relance un débat récurrent en Chine sur les normes de sécurité dans l’industrie. Ou, plus précisément, sur leur non-respect. La terre entreposée dans ce parc industriel a été excavée pour les besoins immobiliers de la ville, toujours en expansion. Située au bord du delta de la rivière des Perles et à la frontière avec la péninsule de Hong Kong, Shenzhen était à l’origine un village de pêcheurs, devenu en 1980 une «  zone spéciale économique », sous l’impulsion de Deng Xiaoping.

Industrialisation fulgurante

En trois décennies, la commune est devenue une mégalopole de 10 millions d’habitants, emblème de la croissance économique du pays, creuset de ses réformes et de son industrialisation à marche forcée. Un tel drame, dont la majorité des victimes sont des ouvriers venus des zones rurales pour travailler sur les chantiers, rappelle les défis auxquels doit faire face la Chine pour passer de statut « d’usine du monde à celui de nation industrialisée avancée d’ici 2025 », analyse le quotidien progouvernemental Global Times.

Le journal n’hésite pas à faire un parallèle avec l’explosion d’un entrepôt de produits chimiques à Tianjin, en août, qui a fait au moins 165 morts. « Les dégâts causés par ces accidents sont extrêmement regrettables et les leçons tirées ne doivent pas être oubliées », insiste le journal dans son édito du 20 décembre. L’année 2015 a été particulièrement sombre pour le pays, touché par plusieurs centaines d’accidents industriels mortels, selon l’ONG China Labour Bulletin.

Manque de sécurité, négligences, corruption sont régulièrement pointés du doigt pour expliquer ces catastrophes. Dans le cas présent, les premiers éléments connus montrent d’ores et déjà le caractère prévisible du drame. La télévision chinoise a annoncé mercredi qu’une commission avait été formée par le gouvernement, dirigée par le ministre des Ressources territoriales, pour faire la lumière sur le glissement de terrain de Shenzhen.

avec RFI