Difficile, ces dernières semaines, de rencontrer un chef d’État africain dans son palais. Mieux vaut avoir rendez-vous dans son avion. Invités, courtisés, embarqués dans un circuit ininterrompu de forums et de conférences, nos présidents cumulent décalages horaires et overdose de sommets, au point parfois de n’y faire que de la figuration.
Il est vrai que la superpuissance avait mis le paquet pour l’y attirer, histoire de faire passer les sommets Afrique-France pour des comices de sous-préfectures.

Du 4 au 6 août, la confrérie voyageuse a posé ses valises Vuitton et ses sacs Hermès au Four Seasons, au Mandarin ou à l’InterContinental de Washington DC pour le must de ce type de rencontres.
Première remarque : un président américain, surtout quand il a, comme il le dit, "du sang africain dans les veines", peut se permettre des choses que son homologue français n’oserait jamais faire sous peine d’être aussitôt taxé de paternalisme néocolonial.
Lorsque les Américains insistent sur la lutte contre la corruption, c’est avant tout par souci de saine compétitivité avec la Chine...
Comme de tenir seul la conférence de presse de clôture, de n’accorder aucun entretien à ses pairs ou de les faire défiler à la queue leu leu, avec ou sans leurs épouses, dans un salon de la Maison Blanche transformé en studio photo, pour un cliché souvenir en compagnie de Michelle, un peu ridicule à force d’être polycopié.
Deuxième remarque : au cours de ce sommet, qui fut surtout celui de General Electric, de JP Morgan, de Coca-Cola, d’IBM, de Chevron ou des lobbyistes de K Street, la gouvernance et la démocratie sont largement passées sous le tapis.
Nos chefs, qui s’attendaient au pire, avaient peaufiné leurs stratégies, accéléré le développement de leurs anticorps et préparé la résistance. Pour rien, ou presque. Non seulement Obama ne leur a pas fait la leçon, mais ils ont vite compris que, lorsque les Américains insistent sur la lutte contre la corruption, c’est avant tout parce qu’ils se sentent pénalisés par rapport à la Chine, laquelle n’a, en ce domaine, ni les mêmes contraintes, ni les mêmes critères qu’eux.
Souci de saine compétitivité donc, beaucoup plus que de bonne morale et de respect des droits de l’homme.
Troisième remarque, enfin : même si la magie Obama fonctionne toujours, au point qu’aucun président africain ne saurait manquer cet acmé de la com qu’est une pose à ses côtés (mais connaît-il seulement le nom de la plupart d’entre eux ?), il est clair que ce fils de Kényan ne nourrit pas d’ambitions particulières pour le continent.
À force de se défendre contre les coups bas de ses adversaires, qui n’ont cessé de répéter qu’il n’était pas un "vrai" Américain, et à trop vouloir prouver le contraire, sans doute a-t-il fini par tenir inconsciemment l’Afrique à la marge de ses préoccupations.

Ne dit-on pas qu’il a fait moins pour les Africains que Bill Clinton - et même que George W. Bush ? Voulu par des milieux d’affaires soucieux de ne pas manquer le train du prochain grand marché mondial et de rejoindre la dernière frontière économique - "là où il y a encore de l’argent à faire", écrivait sans fard le New York Times du 6 août -, le US-Africa Summit n’aura fait que masquer ce paradoxe.
Le premier président noir de l’histoire américaine n’a ni le goût ni le projet d’inscrire dans son héritage politique le continent de ses ancêtres paternels.
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