TPIR : 47 ans pour Pauline Nyiramasuhuko ; la CNLG dénonce une manipulation judiciaire

Redigé par Dr Jean Damascène Bizimana
Le 16 décembre 2015 à 10:47

La Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda a rendu son jugement, ce 14/12/2015 dans l’affaire Pauline Nyiramasuhuko et cinq autres génocidaires.
La Chambre a réduit substantiellement les peines prononcées par la chambre de première instance, jouant comme, dans les cas précédents jugés en appel le jeu des génocidaires.
Alléguant d’une part, de supposées erreurs de procedures, de l’autre l’infraction de persécution qui selon la chambre n’est pas caractérisée, elle a réduit la peine (...)

La Chambre d’appel du Tribunal pénal international pour le Rwanda a rendu son jugement, ce 14/12/2015 dans l’affaire Pauline Nyiramasuhuko et cinq autres génocidaires.

La Chambre a réduit substantiellement les peines prononcées par la chambre de première instance, jouant comme, dans les cas précédents jugés en appel le jeu des génocidaires.

Alléguant d’une part, de supposées erreurs de procedures, de l’autre l’infraction de persécution qui selon la chambre n’est pas caractérisée, elle a réduit la peine de la perpétuité à 47 ans d’emprisonnement pour Nyiramasuhuko et son fils Sharom Ntahobari, de 25 ans à 18 and d’emprisonnement pour Nsabimana, de 30 ans 25 ans d’emprisonnement pour Nteziryayo et de 35 ans à 20 ans d’emprisonnement pour Kanyabashi.

Nyiramasuhuko a rendu possible le génocide à Butare

Nyiramasuhuko a ordonné à son fils, aux miliciens et aux soldats de tuer les hommes tutsi, de séquestrer, violer et mettre à mort les filles et les femmes tutsi.

La Chambre de première instance avait souligné “la veritable hécatombe vécue par les Tutsi dans toute la préfecture de Butare, qui a vu les victimes périr et endurer des souffrances parce que Nyiramasuhuko était partie à l’entente en vue de commettre le génocide, ainsi que le nombre élevé des victimes de viols et de meurtres, notamment au bureau de la préfecture de Butare, victimes dont certaines étaient particulièrement vulnérables.

La Chambre relèvait en particulier la gravité et la barbarie des crimes perpétrés de façon répétée au bureau de la préfecture de Butare tout au long d’une période pendant laquelle des centaines de Tutsis ont été enlevés, violés et tués.

Une première instance qui prend en compte la gravité des crimes

Pauline Nyiramasuhuko avait été condamnée à la perpétuité après avoir été reconnue coupable d’entente en vue de commettre le génocide, de génocide, de viol constitutif de crime contre l’humanité, d’extermination et de persécution constitutives de crimes contre l’humanité ainsi que de deux chefs distincts de violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II.

ARSÈNE SHALOM NTAHOBALI, a été condamné à la perpétuité après avoir été reconnu coupable de génocide, de crimes contre l’humanité et de violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II.

La Chambre considèrait que les crimes commis étaient d’une gravité extrême. Loin d’être des faits isolés, elles ont été perpétrées en divers lieux dans la préfecture de Butare pendant un laps de temps non négligeable et se distinguent en particulier par la gravité et la barbarie avec laquelle elles ont été perpétrées de façon répétée au bureau de la préfecture de Butare, où des centaines de personnes appartenant à l’ethnie tutsie ont été enlevées, violées et tuées.

La Chambre soulignait que le nombre élevé des victimes dépassait de loin le seuil de l’extermination constitutive de crime contre l’humanité.

S’agissant de Sylvain Nsabimana, celui-ci a été nommé préfet de Butare, le 19 avril 1994, poste qu’il occupa jusqu’au 17 juin 1994. Il avait été condamné à 25 ans d’emprisonnement, après avoir été reconnu coupable de génocide, d’extermination constitutive de crime contre l’humanité, de persecution constitutive de crime contre l’humanité,d’atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes constitutives de violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II auxdites Conventions.

Quant à Alphonse Nteziryayo, ancien Colonel de l’armée, il a été nommé préfet de Butare le 17 juin 1994, et avait été condamné à 30 ans d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable d’incitation directe et publique à commettre le génocide.
Joseph Kanyabashi a été bourgmestre de la commune urbaine de Ngoma dans l’ancienne préfecture de Butare d’avril 1974 à juillet 1994.

Il avait été condamné à 35 ans d’emprisonnement après avoir été reconnu coupable de génocide, d’incitation directe et publique à commettre le Génocide, d’extermination constitutive de crime contre l’humanité, de persécution constitutive de crime contre l’humanité, d’atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes constitutives de violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II auxdites Conventions.

La Chambre avait conclu que Kanyabashi était directement impliqué dans les massacres de Matyazo et à Kabakobwa.

Enfin, Elie Ndayambaje a été bourgmestre de la commune de Muganza dans la préfecture de Butare de 1983 jusqu’en octobre 1992, puis a partir du 14 juin 1994 jusqu’au 4 juillet 1994. Il a été condamné à la perpétuité après avoir été reconnu coupable de génocide, d’incitation directe et publique à commettre le génocide, d’extermination constitutive de crime contre l’humanité, de persécution constitutive de crime contre l’humanité, d’atteintes portées à la vie, à la santé et au bien-être physique ou mental des personnes constitutives de violations graves de l’article 3 commun aux Conventions de Genève et du Protocole additionnel II auxdites Conventions.

Une chambre d’appel qui banalise le génocide et vole au secours de génocidaires

Dans plusieurs affaires, la Chambre d’appel sous la présidence de l’octogénaire, Theodor Meron a acquitté les cerveaux du génocide ou réduit considérablement leurs peines.

Dans ce sens, ces décisons étaient fondées non pas sur des bases juridiques acceptables, mais sur des considérations politiques aux couleurs négationnistes.
La Chambre d’appel n’a pas hésité à acquitter Zigiranyirazo Protais en 2009, un génocidaire à la taille de Bagosora et d’autres membres des escadrons de la mort. L’alibi fut le seul argument d’acquitement, puisque ses neveux, les fils et les filles du président Habyarimana avaient plaidé en sa faveur.

La même Chambre a réduit la peine de la perpétuité à 35 ans d’emprisonnement pour Bagosora Théoneste, et à 15 ans pour Nsengiyumva Anatole. Pourtant, la Chambre était d’accord sur le degré de participation des deux génocidaires dans la formation des escadrons de la mort, de l’établissement des listes et dans la mise en place du programme de défense civile. Mais, la Chambre a préféré se cacher derrière la formule magique en disant que la participation des accusés “n’avait pas été établie au-delà de tout doute raisonnable”.

Ce même argument a été repris par la Chambre d’appel pour justifier l’acquittement des ex-ministres Justin Mugenzi et Prosper Mugiraneza par l’absence de preuves.
D’autres génocidaires, comme le général Ndindiliyimana, ancien chef d’état-major de la gendarmerie, avait été acquitté par la Chambre d’appel estimant qu’il n’exerçait pas de contrôle effectif sur la gendarmerie. Le major Nzuwonemeye, ancien commandant du Bataillon de reconnaissance, avait été acquitté puisque la Chambre d’appel a estimé que sa participation n’avait pas été établie au-delà de tout doute raisonnable.

Une analyse de toutes ces décisions montre que la Chambre d’appel a toujours agi selon un agenda politique caché, celui de semer le doute sur la vraie nature du génocide perpétré contre les Tutsi. En effet. Il n’est pas concevable qu’il y ait un génocide sans qu’il y ait un plan d’extermination et de planificateurs.

Des génocidaires bientôt à l’air libre

Si l’on considère que la plus part des décisions prises par la Chambre d’appel consistaient à acquitter ou à réduire la peine des principaux génocidaires, on ne pourrait pas s’empecher de pointer du doigt une politique généralisée de banalisation du génocide perpétré contre les Tutsi.

En effet, si l‘on prend la réduction de la peine de la pérpétuité à 47 ans d’emprisonnement pour Nyiramasuhuko et Ntahobari, et que la peine est normalement réduite d’un tiers (1/3), cela signifie que les deux sont condamnées à une peine effective de 28 ans. Cela signifie qu’en moins de huit ans, les deux seront libérés, alors que la plupart de leurs co-accusés sont soit immédiatement libérés ou le seront très bientôt.

Le même calcul vaut aussi pour Bagosora, qui est effectivement condamné à 23 ans d’emprisonnement si l’on considère qu’il doit purger normalement les deux tiers (2/3) de la peine de 35 ans.

Que le procès Nyiramasuhuko et ses co-accusés soit le dernier du TPIR en général et de la Chambre d’appel en particulier, cela est hautement symbolique, car, la réduction de la peine pour les six génocidaires de Butare est une confirmation de la ligne équilibriste de ce tribunal. En effet, depuis son établissement le TPIR a soufflé le chaud et le froid, allant même jusqu’à crééer une impasse judiciaire pour certaines affaires.

Cette politique équilibriste aura fait du tort aux victimes du génocide et de tous les Rwandais qui attendaient beaucoup du TPIR. Que le TPIR ferme ses portes, cela est une chose, oublier sa defense pour les génocidaires est une autre chose.

Dans ce sens, la Commission Nationale de Lutte contre le Génocide condamne la décision de la Chambre d’appel de réduire la peine pour Nyiramasuhuko et les cinq autres génocidaires de Butare et invite le Procureur du TPIR d’user de l’opportunité du Statut pour demander la révision de ce jugement.

Ce texte est un Communiqué de presse de la Commission nationale rwandaise de Lutte contre le Génocide. Son auteur est le Dr Jean Damascène Bizimana, Secrétaire Exécutif


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