Cours en anglais à l’université : le Parlement en perd son latin

Redigé par Huffpost avec AFP
Le 26 mai 2013 à 10:20

FRANCOPHONIE - Question méthode, la future loi Fioraso sur l’enseignement supérieur et la recherche ne fera probablement pas école. Avant même son examen par les députés ce mercredi 22 mai, le projet de loi a profondément divisé majorité, opposition et syndicats sur fond de bataille d’Hernani autour de la langue française. Que propose ce texte ? Mettant en pratique les promesses de campagne de François Hollande, la ministre Geneviève Fioraso propose de revenir en partie sur la loi d’autonomie des (...)

FRANCOPHONIE - Question méthode, la future loi Fioraso sur l’enseignement supérieur et la recherche ne fera probablement pas école. Avant même son examen par les députés ce mercredi 22 mai, le projet de loi a profondément divisé majorité, opposition et syndicats sur fond de bataille d’Hernani autour de la langue française.

Que propose ce texte ? Mettant en pratique les promesses de campagne de François Hollande, la ministre Geneviève Fioraso propose de revenir en partie sur la loi d’autonomie des universités votée sous le précédent quinquennat. Ses objectifs sont louables : mise en place de directions plus collégiales, augmenter le taux de réussite des étudiants via une spécialisation progressive en licence, favoriser l’orientation des bacs pro et techno en BTS et DUT, créer une nouvelle structure d’évaluation de la recherche, encourager l’enseignement numérique et la parité...

Problème : entre l’opposition qui accuse la gauche de "détricoter" la loi LRU et certains syndicats qui déplorent le manque de moyens pour l’enseignement supérieur sur fond de disette budgétaire, ces dispositions ne font déjà pas l’unanimité. Pour ne rien arranger, c’est un tout autre dossier qui a mis le feu aux poudres.

Le tabou de la langue française

L’article 2 du projet de loi Fioraso prévoit qu’une partie des enseignements effectués dans le cadre d’accords avec des universités étrangères ou de programmes financés par l’Union européenne soit dispensée en langues étrangères, essentiellement en anglais. L’idée est de desserrer l’étau de la loi Toubon qui impose, sauf exceptions, la langue française comme seule langue d’enseignement.

Objectif : favoriser l’apprentissage de langues étrangères pour les étudiants français, tout en attirant des étudiants étrangers à l’université, rebutés par la barrière de la langue. Un facteur de compétitivité à l’heure où les facultés françaises décrochent face à la concurrence internationale.

TRIBUNE- "Cursus en anglais : pour ou contre ?", par Dominique Hoppe
Patatras. L’Académie française, soutenue par une batterie d’intellectuels, s’est immédiatement opposée à ce projet, dénonçant le risque d’une "marginalisation de la langue française". A l’inverse, la Conférence des présidents d’université (CPU) estime que la loi devrait leur donner totale liberté de définir la langue d’enseignement. "Pour la majorité des scientifiques, c’est une évidence. Nos voisins en Allemagne, Suède, Finlande, etc. ne se posent plus la question", a assuré le prix Nobel de physique Serge Haroche, pour qui "communiquer avec le voisin, c’est parler anglais".

Côté syndicats, l’Unef a pris fait et cause pour le texte tandis que d’autres, dont la FSU, ont appelé à une grève et des manifestations ce mercredi.

Du débat de société à l’affrontement politique

La fronde s’est rapidement étendue aux parlementaires qui, à droite comme à gauche, redoutent une "capitulation" du Français face à l’hégémonie de la langue anglaise.

"Il faut que nous enseignions notre langue, car nous sommes face à une certaine offensive de l’anglais notamment à Bruxelles et servir la soupe à nos concurrents, c’est une sottise immonde. Vouloir privilégier l’anglais de cette manière, c’est être bête et imbécile !", s’est lâché le député UMP Jacques Myard devant la presse dans les couloirs de l’Assemblée nationale.

Pour le député-maire UMP du Touquet Daniel Fasquelle, il faut "se battre pour promouvoir le français et ne pas accepter une forme de capitulation ou de colonisation absolument incroyable".

A gauche, le ton n’est pas moins critique. "Quel terrible signal donné à nos cousins québécois, africains et belges qui revendiquent, chérissent, cultivent notre langue commune au moment même où se joue sa place, parfois face à des sectaires éradicateurs", s’indigne le député PS Pouria Amirshahi. Dans son sillage, une quarantaine de députés socialistes, exigent désormais la suppression pure et simple de l’article 2 de la loi Fioraso.

Le Front de Gauche votera contre, estimant que l’enseignement en anglais est "un pas de plus vers le recul du français". Et les écologistes pourraient faire de même.

Fioraso dénonce une "hypocrisie"

De quoi sérieusement agacer la ministre de l’Enseignement supérieur, qui promet que ces cours en anglais ne seront pas obligatoires et ne concerneront que "1% des étudiants". "Il y a une formidable hypocrisie puisque depuis 15 ans, on contrevient à la loi Toubon sans que personne ne trouve à y redire", a-t-elle dénoncé sur Canal+.

Et de rappeler que la plupart des grandes écoles françaises, de HEC à Sciences-Po Paris, proposent déjà des cours en anglais, notamment à destination de leurs étudiants étrangers.

Quant aux craintes d’une marginalisation du français, Geneviève Fioraso tranche sans détour dans un entretien au Nouvel Observateur : "Les enfants scandinaves regardent dès le plus jeune âge, à la télévision, des programmes en anglais. A l’âge adulte, ils manient un anglais excellent et un très bon allemand. Est-ce que la culture danoise ou finlandaise est en péril ? Sont-ils moins critique vis-à-vis de ’l’impérialisme’ américain que nous ? Soyons sérieux.


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