ESPAGNE • Histoire d’une expulsion : "Je pensais que ça ne pouvait pas m’arriver"

Redigé par Miguel Gómez El Diario
Le 8 avril 2013 à 09:18

Face à la pression populaire, le parti de Mariano Rajoy présente ce vendredi 5 avril un projet pour modifier la loi hypothécaire, alors que les témoignages des milliers d’Espagnols expulsés de chez eux se multiplient dans la presse.
Des membres d’une association anti-expulsions déploient une bannière "Le logement est un droit. Plus de familles à la rue. Stop aux expulsions" - AFP Teresa Lechuga vient de passer le pire mois de sa vie. Le vendredi 8 mars, elle a vécu une chose dont elle ne (...)

Face à la pression populaire, le parti de Mariano Rajoy présente ce vendredi 5 avril un projet pour modifier la loi hypothécaire, alors que les témoignages des milliers d’Espagnols expulsés de chez eux se multiplient dans la presse.

Des membres d’une association anti-expulsions déploient une bannière "Le logement est un droit. Plus de familles à la rue. Stop aux expulsions" - AFP

Teresa Lechuga vient de passer le pire mois de sa vie. Le vendredi 8 mars, elle a vécu une chose dont elle ne croyait pas "qu’elle puisse [lui] arriver". On venait de lui glisser un avis sous la porte : le mardi 12, elle allait être expulsée. Ce qu’elle ignorait c’est qu’elle allait subir trois tentatives d’expulsion, qu’elle allait se sentir abandonnée de tous, et que finalement elle allait découvrir la générosité de ses voisins.
Aujourd’hui, Teresa est expulsée, et à quel prix : trois tentatives de la part de la police, un manifestant de Stop Desahucios [Stop Expulsions, nom sous lequel l’association PAH réalise depuis 2010 des actions de résistance passive pour arrêter les expulsions] arrêté et le sentiment d’avoir été "humiliée et méprisée" par les forces de l’ordre et les huissiers. Mais elle habite un nouveau logement et nourrit une gratitude profonde envers "ceux qui sont venus [la] soutenir...".

Teresa a appelé Stop Desahucios et a vécu sa première tentative d’expulsion. "Je n’en revenais pas", s’indigne-t-elle. Désormais, elle en parle avec la tranquillité de celle qui vient d’avoir un toit pour elle et son fils de 13 ans, mais sur le moment, du haut de son balcon, elle a pu voir un attroupement de plus de cent personnes qui barraient la route à la Police nationale dans sa rue étroite de Grenade. "J’avais vu ça souvent à la télé, commente-t-elle, je savais que ce genre de choses existaient, mais je n’aurais jamais imaginé que ça m’arriverait à moi".

Forte mobilisation

Une huissière s’était donc présentée à son domicile le 21 mars : Teresa lui a souhaité de ne jamais se retrouver dans cette situation. Vingt-cinq membres de Stop Desahucios sont venus chez elle à 5 heures du matin pour passer la matinée dans le logement. Ils avaient entendu que la police voulait fermer la rue à 6 heures pour empêcher un attroupement comme celui de la première tentative.

Ce jour-là, les événements se sont précipités : cinq contraventions pour avoir franchi le cordon de police ; plus de 50 agents déployés pour déloger une femme au chômage, victime de violences conjugales, ainsi que son enfant de 13 ans ; un étudiant de 19 ans arrêté pour avoir agressé deux policiers ; des patrouilles et les huissiers qui ont attendu jusqu’à midi et demi que l’attroupement soit dissous, pour revenir forcer la porte...

"Je me suis sentie très mal, j’étais seule, j’ai commencé à téléphoner à tout le monde, raconte-t-elle. On m’a menacée de défoncer la porte, et une fonctionnaire m’a dit de penser aux pauvres grands-parents, c’est-à-dire à mes anciens propriétaires. J’ai dû lui montrer le papier qui prouve qu’ils me doivent 3 000 euros sur une option d’achat que je ne peux pas assumer et lui expliquer que je suis privée d’eau depuis deux mois. Aujourd’hui, les huissiers prétendent avoir négocié avec moi une journée supplémentaire pour déménager les meubles, mais sur le moment, ils m’ont menacée. S’ils parlent comme ça, c’est parce qu’ils sont convaincus que ça ne peut pas leur arriver. Moi aussi, c’est ce que je croyais".

Solidarité

La "bonne Samaritaine" qui a proposé son appartement d’Armilla [ville des environs de Grenade] à Teresa par le biais de la mairie ne désire pas être citée dans ce reportage. Quand elle a appris l’affaire à la télévision, elle s’est mise en contact avec les services sociaux de la municipalité. Elle savait que Teresa avait travaillé par le passé pour l’Aide à domicile de la mairie et elle l’a invitée à s’installer dans ce logement, qui était vacant.

"Je ne la remercierai jamais assez, lance Teresa. Je remercie aussi la mairie". La police et les huissiers lui ont donné 24 heures pour déménager. Le jour même, Gerardo Sánchez, le maire d’Armilla (où Teresa est inscrite, même si elle vivait à Grenade) lui a proposé un garde-meubles, puis l’a mise en contact avec sa nouvelle propriétaire. "Je vais avoir un loyer que je peux payer, car mon seul revenu est l’aide de 420 euros, et je vais pouvoir continuer à chercher du travail, tout en ayant un toit pour mon fils."

Il y a encore quelques mois, Teresa travaillait pour Armisad, l’entreprise d’aide à domicile d’Armilla. On l’a renvoyée en lui devant plus de 4 000 euros d’arriérés.


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