ESPAGNE • Le compte Twitter de la police fait un carton

Redigé par El País |Luz Sánchez-Mellado |
Le 11 avril 2013 à 08:44

Ouvert depuis quatre ans, il est le deuxième compte de police le plus suivi au monde, après celui du FBI. Messages de prévention, conseils et "collaboration citoyenne" : @policia suscite la curiosité et l’intérêt de nombreux twitteurs...
Le compte Twitter de la police nationale espagnole compte plus de 425 000 abonnés - Capture d’écran Twitter.
"Tu es un hipster, ou d’une autre tribu ou tendance urbaine, et tu le racontes sur Internet. Mais ne déballe pas toute ton intimité. La vie privée c’est (...)

Ouvert depuis quatre ans, il est le deuxième compte de police le plus suivi au monde, après celui du FBI. Messages de prévention, conseils et "collaboration citoyenne" : @policia suscite la curiosité et l’intérêt de nombreux twitteurs...

Le compte Twitter de la police nationale espagnole compte plus de 425 000 abonnés - Capture d’écran Twitter.

"Tu es un hipster, ou d’une autre tribu ou tendance urbaine, et tu le racontes sur Internet. Mais ne déballe pas toute ton intimité. La vie privée c’est plus important qu’être trendy". Le 25 février, ces 140 caractères [180 en français] ont fait beaucoup de bruit sur Twitter. Le message a été retweeté 7 300 fois, choisi 1 600 fois comme favori et reçu des centaines de réponses.

Son contenu n’a pourtant rien d’extraordinaire. Il s’agit du énième conseil aux internautes dans le jargon du Web. Ce qui est insolite, c’est l’identité de l’émetteur. Ce message ne venait d’aucun twitteur influent, mais bien de la police espagnole. Grâce à ce genre de petits bijoux, le compte @policia est devenu, avec 385 000 fidèles, l’institution espagnole la plus suivie sur Twitter, et le deuxième Corps de police au monde, après le FBI.

Outil de communication

Twitter signifie gazouillis, trille, pépiement. Twitter est une immense volière où ce n’est pas toujours celui qui fait le plus de bruit qu’on remarque le plus, mais celui qui sait manier l’art du caquetage. En Espagne, avec plus de 5 millions de twitteurs, un tweet produisant plus de 300 retweets est considéré comme un succès. Autant dire que @policia gazouille à plein gosier. Le compte est né en 2009 de manière presque expérimentale, dans le but de donner une présence au corps de police sur le réseau social naissant.

Une tentative discrète de profiter du nouveau média pour diffuser des campagnes de prévention, communiquer sur les opérations couronnées de succès et demander la collaboration citoyenne parmi les twitteurs. Aujourd’hui, ses promoteurs n’en reviennent pas : @policia s’est imposé sur l’écosystème de Twitter - censé être peuplé d’une faune jeune, moderne et rebelle -, alors même qu’en définitive il s’agit d’un compte contrôlé par les poulets...

Bannir le style protocolaire

Le quartier général d’@policia est installé à proximité du bureau du directeur général, Ignacio Cosidó. Là, une douzaine de jeunes agents, ayant autour de 25 ans, diplômés en journalisme, psychologie ou sociologie, gèrent le compte Twitter de la police, ainsi que les autres activités de ce cabinet de communication. Toutefois, le cerveau du compte, Carlos Fernández Guerra, 39 ans, ne porte pas l’uniforme. Expert en stratégie numérique et réseaux, il est l’enthousiaste "community manager" de la police. C’est lui qui rédige chaque tweet selon les questions à l’ordre du jour que lui soumettent le haut commandement, et c’est lui aussi qui programme l’heure d’émission de chaque message après filtrage policier. Il est l’auteur du message branché aux hipsters qui a eu tant d’impact dans un milieu pourtant habitué à la modernité, au jargon et aux transgressions du langage.
"Il ne faut pas avoir un style protocolaire, souligne Fernández Guerra. Twitter est cruel et te rejette à la seconde. Il faut savoir s’adapter. L’objectif est de toucher l’internaute et de lui fournir un service. En l’occurrence [à propos du tweet cité au début de l’article], l’alerter sur les dangers de la publication de données privées. Pour cela, nous utilisons le langage de nos abonnés. Nous les imitons, nous nous inspirons d’eux, nous sommes un compte vivant". Les 1 000 mentions, 300 consultations et 100 réponses que génèrent en moyenne les cinq ou six tweets quotidiens d’@policia en disent long sur l’intérêt que suscite ce compte.

Police 2.0

En effet, @policia ne fait pas que tweeter, il multiplie aussi les conseils et les mises en garde sur l’utilisation sûre d’Internet, le cyber-harcèlement, les arnaques, la violence conjugale, le racket scolaire ou les toxicomanies. Et il répond à certains abonnés. Il réagit, par des messages privés, aux demandes ou aux plaintes des twitteurs et les fait parvenir au service de police concerné. A en croire l’inspectrice Carolina González, membre de l’équipe, on obtient même des résultats au-delà de la divulgation. Parfois, ce sont les abonnés qui jouent les policiers. "Lors des Twitrafles que nous organisons, nous recevons des milliers de courriers avec des pistes, commente la policière. L’un d’entre eux nous a permis d’arrêter neuf Dominicains qui transportaient 277 kilos de cocaïne dans un camion, camouflée parmi des peaux de bovins". Des cyber-balances ? "De la collaboration citoyenne".

Certains abonnés ne sont pas si empressés. "Evidemment, nous avons des trolls [perturbateurs], reconnaît Fernández Guerra. Mais il ne faut pas oublier qu’on est des flics. Surtout le soir, quand il ne reste que les meilleurs. Les réponses négatives atteignent 1 %, je m’inquiète quand on arrive à 3 %". Mais la plupart sont des tweets réjouis et étonnés.

Fernández Guerra déplore le soir où son doigt "a glissé" et où il a tweeté un commentaire personnel sur le reality show Qui veut épouser mon fils ? depuis le compte d’@policia. C’est Eva Hache qui a tiré la sonnette d’alarme : "Que fait @policia à tweeter sur les #tróspidos [les tordus ou les tarés, nom fourre-tout donné aux participants de l’émission] ?"). "L’erreur est humaine", fait valoir Fernández Guerra.


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