ÉTATS-UNIS • Au Michigan, des profs armés pour protéger les élèves

Redigé par The National Review
Le 10 mai 2013 à 04:02

Depuis la tuerie à l’école de Sandy Hook l’introduction d’armes à feu dans les écoles est régulièrement évoquée. Dans une localité rurale du Michigan, le chef de la police a un plan "réfléchi", nous dit le très conservateur National Review. Sur le tableau : "Devoir aujourd’hui : Vous vous sentez chanceux les enfants ?"
L’enseignant : "Autre avantage... Je leur dis de se taire et de se mettre au travail, et ils se taisent et se mettent au travail." Dessin de Danziger paru dans le New-York Times. (...)

Depuis la tuerie à l’école de Sandy Hook l’introduction d’armes à feu dans les écoles est régulièrement évoquée. Dans une localité rurale du Michigan, le chef de la police a un plan "réfléchi", nous dit le très conservateur National Review.

Sur le tableau : "Devoir aujourd’hui : Vous vous sentez chanceux les enfants ?"

L’enseignant : "Autre avantage... Je leur dis de se taire et de se mettre au travail, et ils se taisent et se mettent au travail." Dessin de Danziger paru dans le New-York Times.

Depuis Sandy Hook [dans le Connecticut], nombreux sont ceux qui considèrent l’introduction d’armes à feu dans les écoles comme une solution extrême. Mais dans une localité rurale du Michigan, le chef de la police a d’ores et déjà concocté un plan sérieux et réfléchi en ce sens.

En 33 ans de carrière dans le maintien de l’ordre, Victor Pierce a vu des corps d’enfants assassinés, et ces images le hantent toujours. Après Sandy Hook, il s’est senti dans l’obligation d’agir. Aussi a-t-il décidé d’inviter enseignants et administrateurs d’établissements scolaires à devenir officiers de réserve en participant à un programme d’entraînement.

Une fois la formation terminée, les stagiaires prêteront serment comme officiers de réserve volontaires. Si les autorités scolaires donnent leur feu vert, ils pourraient donc porter des armes à l’intérieur des écoles.

"Il nous faut recourir à la force."

"Comme le disait si bien Edmund Burke, le mal n’a besoin que d’une chose pour vaincre : que les hommes bons ne fassent rien", affirme-t-il. "Nous, nous essayons de faire quelque chose. Les écoles représentent des zones sans armes. En général, c’est la raison pour laquelle un assassin [les vise, choisissant] le chemin de la moindre résistance. Comme il sait qu’il y a une cible facile, il la vise. On peut installer tous les verrous et les détecteurs de métal qu’on veut, ça ne l’empêchera pas de se livrer à des actes sadiques, ni de commettre un carnage. Il nous faut recourir à la force."

Le programme a lieu à Barry Township, une petite municipalité de moins de 4 000 habitants située à 40 kilomètres au nord-est de Kalamazoo. Pendant 12 semaines, les participants suivent 60 heures de cours portant sur le droit, l’application et l’utilisation de la force, les tactiques défensives, la sécurité et le maniement des armes. La promotion en cours compte 31 élèves, dont deux enseignants et un administrateur scolaire. Pierce prévoit une formation continue pour ceux qui auront complété le stage.

En stage : la chasse au "tireur"

En vertu de la loi de l’Etat du Michigan, les établissements scolaires constituent des zones où les armes à feu sont proscrites. Par conséquent, même les détenteurs d’un permis de port d’arme dissimulée ne sont pas autorisés à en introduire une dans le périmètre de l’école. Cependant, la Law Enforcement Officer Safety Act (loi fédérale sur la sécurité des agents de maintien de l’ordre) signée par George W. Bush en 2004, exempte les agents de maintien de l’ordre qualifiés des interdictions de port d’arme décrétées par les Etats.

Les liens entre droit fédéral et droit des Etats restent ambigües, mais Pierce a collaboré avec les autorités scolaires dans l’espoir d’obtenir leur bénédiction. Son programme vise à préparer les enseignants à protéger leurs élèves, mais également à leur donner un statut légal en tant qu’agents de maintien de l’ordre.

Lors d’une séance d’entraînement dans une bibliothèque publique, Pierce apprend à ses ouailles à sécuriser une grande salle. Armés de faux pistolets en plastique, les stagiaires se divisent en groupes de quatre. Chacun se déploie en formation de losange. Se couvrant les uns les autres, les élèves s’engouffrent dans la porte à la recherche du "tireur", joué par un jeune officier volontaire. Ils apprennent à désarmer ce dernier et à l’arrêter tout en minimisant les risques pour eux-mêmes et les personnes présentes. Pierce hurle des ordres, soumettant ses étudiants à des exercices répétés. Son sérieux déteint sur ses protégés, qui s’appliquent.

Faire des profs des officiers de réserve

L’initiative de Pierce a beaucoup de mérite. Seuls les adversaires les plus acharnés des armes à feu veulent désarmer la police. En faisant des enseignants des officiers de réserve, Pierce rend le port d’arme parfaitement légal.

Ces stages permettraient de minimiser les risques, croit Bill Page, consultant auprès du Michigan Municipal Risk Management Authority, une entité publique d’assurance couvrant les municipalités de l’Etat. En effet, si l’on arme sans discernement tous les enseignants, on créerait autant de problèmes qu’on en prévient. Mais "si on sélectionne des personnes capables de désamorcer la situation avant l’arrivée de la police, ce sera une bonne chose", estime Page. Pour avoir étudié la question, il préfère armer un personnel scolaire spécialement formé qui soit "très très qualifié".

Dans le cadre du programme de Pierce, le secteur scolaire prendrait la décision finale d’autoriser ou non ses effectifs à porter une arme au sein des établissements. Et les personnes qui pourraient en porter seraient formées et préparées. Cet accent mis sur la compétence et la formation a convaincu de nombreux parents, assure le directeur de l’école primaire Kellogg, Steve Scoville, qui participe au stage.

"Les enseignants ne se promèneraient pas avec une arme à la ceinture, souligne-t-il. Il vaudrait nettement mieux avoir dans chaque bâtiment des gens bien entraînés, capables de réagir si quelque chose de terrible se produisait, que de rester là à attendre, cachés sous nos bureaux. Les auteurs des fusillades, eux, ne respectent pas l’interdiction des armes à l’école."

Un mort toutes les 15 secondes

Le programme de Pierce ne coûte pas cher, non plus. En s’associant aux autorités scolaires et à la municipalité, il obtient un libre accès aux locaux pour les exercices. En tant qu’assistant instructeur à l’école de police du Community College de Kellogg, un établissement public d’enseignement supérieur local, Pierce forme les officiers de réserve lui-même et utilise le matériel déjà en possession des services de police.

Les officiers de réserve scolaires sont bénévoles. Au total, le programme coûte moins de 100 dollars [76 euros] par participant, indique Pierce, qui ajoute que même les villes et les secteurs scolaires à court d’argent peuvent y souscrire. D’ailleurs, le comté de Barry dispense le personnel scolaire des frais d’inscription.

Armer les enseignants permettrait surtout de réagir rapidement en cas d’urgence. Lors des fusillades en milieu scolaire, le temps de réaction est essentiel. A Columbine (13 morts et 24 blessés en avril 1999), les forces de police sont restées à l’extérieur de l’établissement trois heures durant avant de parvenir jusqu’aux blessés. A Sandy Hook, l’intervalle a été de 20 minutes. A Virginia Tech (33 morts en avril 2007), il a fallu moins de dix minutes, mais le tireur a été encore plus rapide. Deux membres des forces spéciales SWAT présents à Columbine le jour de la tuerie enseignent aujourd’hui qu’en cas de tuerie, une personne meurt toutes les 15 secondes.

Un programme applicable au reste du pays

Pour Pierce, la présence d’un officier de réserve armé dans l’enceinte de l’école permet de réagir dès nécessaire. "Si l’école est bouclée par les forces de l’ordre, où sont les secours ?", demande-t-il. "Ils sont sans doute loin de là, c’est pourquoi il faut créer un pare-feu, un moyen de protéger les enfants jusqu’à l’arrivée des secours." En outre, ajoute-t-il, la présence d’enseignants armés a un effet dissuasif sur la violence.

Au Michigan, l’idée gagne du terrain. Selon Jim Alden, un administrateur de Barry Township, le programme de Pierce remporte l’adhésion des dirigeants locaux. "Nous sommes des leaders", commente Alden, pour qui le programme est facilement applicable au reste du pays. "Nous partons du principe que s’il faut une arme à feu dans les écoles, il faut qu’elle soit dans les mains d’un agent de l’ordre, une personne bien formée. Columbine n’était pas un grand établissement. Sandy Hook non plus. Dans le monde d’aujourd’hui, cela pourrait se produire n’importe où. Sommes-nous prêts à affronter ce genre de situation ?"

Le programme de Pierce pourrait recevoir un coup de pouce sous la forme d’une initiative législative qui vise à institutionnaliser des programmes similaires dans l’ensemble du Michigan. Le député Greg MacMaster a proposé un texte qui conférerait aux secteurs scolaires le droit d’autoriser enseignants et personnel administratif à porter des armes dissimulées. Le processus en est à ses débuts. Le texte doit d’abord être examiné par la commission de l’éducation de la Chambre des représentants du Michigan.

"Les gens ne veulent pas voir la face cachée de notre société"

Mais, à l’instar de Pierce, MacMaster espère établir un programme axé sur la réaction aux situations d’urgence "qui comprendrait tant des exercices de tir qu’une formation en psychologie". Avec un personnel ainsi préparé, les écoles limiteraient également leur responsabilité pénale, ajoute-t-il. "Ce qui est certain, c’est que les zones d’exclusion d’armes à feu ne marchent pas. Ce sont des zones de faiblesse. Les gens mal intentionnés savent qu’ils peuvent s’y rendre."

Le programme conçu au Michigan pourrait être reproduit partout ailleurs dans le pays, assurent MacMaster et Pierce.

"Je suis sûr qu’il trouvera un écho favorable aux quatre coins des Etats-Unis et ne cessera de le faire — que la population, les écoles et les parents diront ’ça suffit comme ça’", soutient Pierce. "Je ne peux pas emmener chaque administrateur d’école sur chaque scène de crime horrible. Mais si je le faisais, cela leur ferait immédiatement changer de ton. Les gens ne veulent pas voir la face cachée de notre société, et elle est réellement affreuse. On sait qu’on pourrait mettre en place certaines choses pour protéger [les enfants et les adolescents]. Les gens se focalisent sur [les cas] dans lesquels les armes à feu font du tort. Mais j’ai vu des situations où elles ont sauvé des vies. Si elles sont utilisées efficacement et correctement, elles peuvent être dissuasives."
Jillian Kay Melchior


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